Conséquences de l’accord AGCS dans le domaine de l’enseignement supérieur en Suisse

Le présent texte a été présenté au Conseil de Faculté des SSP, Université de Lausanne, le 14 juin 2007, par Julien Sansonnens

L’accès pour toutes et tous à l’enseignement supérieur selon le principe de l’égalité des chances est un acquis démocratique majeur. C’est précisément parce que la logique du privé va à l’encontre d’une formation universitaire de qualité pour tous, idéalement sans distinction d’origine sociale, que nous sommes attachés à l’éducation publique. Pour nous, le service public est un bien précieux qu’il s’agit de défendre pied à pied, dans un contexte d’attaques récurrentes. Il est porteur d’un projet de société émancipateur et démocratique : contre la capacité à faire du profit, il oppose la capacité à répondre à des besoins sociaux, de manière universelle et égalitaire. Bien loin de se résumer à une question strictement économique, le service public correspond à un véritable projet de société.
Dans le cadre de l’OMC, la Suisse a signé l’AGCS (Accord général sur le commerce des services) en 1994. Cet accord prévoit la libéralisation du commerce des services à l’échelle mondiale. En matière d’éducation, il s’agit notamment de créer un « marché des services éducatifs », selon la terminologie utilisée dans les négociations. Nous craignons pour la Suisse qu’une telle logique libérale n’amène à rendre les études de niveau tertiaire encore plus élitaires, à l’image de ce qui se passe dans les pays où le système universitaire est partiellement ou totalement privatisé. Nous craignons également que cette politique conduise à l’abandon des activités intellectuelles les moins proches du marché, favorise l’orientation de la recherche par l’industrie et, plus fondamentalement, remette en cause le rôle de l’Université comme lieu d’innovation et de pensée critique (…)
Concrètement, quels sont les enjeux de l’AGCS pour le système éducatif suisse ?
Sous le régime de l’AGCS, le financement des Universités par l’Etat pourrait se voir attaquer devant l’OMC comme une entrave à la liberté de commerce dans le domaine des services. Ainsi, et comme la modification constitutionnelle votée le 21 mai 2006 le permet, la confédération pourrait se voir contrainte de subventionner des universités privées afin de ne pas « fausser la concurrence ». Lorsque l’on sait que les budgets alloués aux universités publiques helvétiques sont parfois insuffisants pour assurer une recherche et un enseignement de haute qualité, on imagine les conséquences qui découleraient de l’obligation de partager ces ressources avec des écoles supérieures étrangères. (…)

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