L’OMC et l’énergie : une dépêche inquiétante

Par Par Anne RENAUT AFP - Jeudi 15 novembre, 18h07
ROME (AFP) - Les groupes d’énergie, qui terminent jeudi leur congrès à Rome, réclament à l’OMC de nouvelles règles pour le commerce de leur secteur tenant compte des besoins en énergie propre et de la nationalisation de l’électricité ou du pétrole dans certains pays.

Le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Pascal Lamy a reconnu jeudi à Rome devant le 20è Congrès mondial de l’Energie (CME) les “spécificités” de ce secteur, et le besoin de règles “plus justes”.
L’OMC doit “ouvrir un nouveau chapitre” de négociations sur l’énergie, a affirmé auparavant Gérald Doucet, secrétaire général du CME.
“Une réflexion est à engager avec l’OMC pour créer une véritable internationalisation des marchés de l’énergie qui génère des solidarités”, a aussi estimé le PDG d’EDF Pierre Gadonneix, qui présidera le CME à l’issue du congrès.
L’énergie a jusqu’à présent “très largement échappé à l’OMC”, car “ce n’est pas un produit comme les autres, considéré souvent comme stratégique par les Etats”, explique Jean-Jacques Percebois, spécialisé dans l’économie de l’énergie.
“Il y a des mouvements de nationalisations de compagnies pétrolières”, notamment en Amérique latine, tandis que “l’électricité et le gaz sont souvent réservés à des marchés nationaux ou continentaux”, relève-t-il.
Certains pays qui frappent à porte de l’OMC, comme la Russie, ou qui viennent d’y entrer, comme l’Arabie saoudite en 2006,- et qui se disputent le premier rang des producteurs de pétrole -, “protègent leurs marchés énergétiques tout en demandant que leurs entreprises prennent des parts importantes dans les marchés extérieurs”, note de son côté M. Doucet.
“Cet isolationnisme est contre-productif” et pourrait avoir de “graves conséquences” sur l’économie mondiale, a averti lundi à Rome le patron du premier groupe pétrolier mondial ExxonMobil, Rex W. Tillerson.
Electriciens, gaziers et pétroliers souhaiteraient aussi que l’OMC se penche sur le marché du carbone, “car sinon il y aura une guerre commerciale entre ceux qui s’occupent des émissions de CO2 et ceux qui ne s’en occupent pas”, selon M. Doucet.
Les biocarburants sont un autre exemple de distorsion des échanges, aux yeux de ces entreprises, en raison des “subventions versées par les Etats”.
A cet égard, le groupe pétrolier brésilien Petrobras, qui exporte de l’éthanol, s’est plaint d’un manque d’ouverture des marchés occidentaux.
L’OMC devra aussi dire si “les prix de l’électricité qui, dans certains pays, sont inférieurs au marché, sont acceptables ou non”, selon M. Doucet.
Les autorités européennes de la concurrence ont lancé en juin une enquête en France sur les tarifs réglementés de l’électricité, fixés par l’Etat, qui sont plus bas que ceux du marché.
Quant aux énergies renouvelables, en forte croissance grâce notamment aux subventions des Etats, M. Doucet a suggéré que les pays membres de l’OMC trouvent “un accord international” à leur sujet.
Reste à savoir comment l’OMC aborderait la délicate question du transport de l’énergie, qui touche à la sécurité de l’approvisionnement des Etats et ne fait pas l’unanimité en Europe.
Plusieurs groupes, notamment français et allemands, contestent un projet de la Commission européenne de séparer les activités de production et de transport.
La Russie de son côté veut saisir l’OMC, quand elle en sera membre, sur ce projet, qui prévoit que les groupes étrangers ne pourront pas acquérir des réseaux de transport sans un accord bilatéral entre leur pays et l’Union.
Le géant gazier russe Gazprom ne cache pas son intérêt pour ces réseaux.

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