L’eau, nouvel or bleu

Voici des extraits d’un article très intéressant, paru dans Contreinfo où vous pourrez le lire en entier.

Le sud-est des USA est éprouvé par une période de sécheresse exceptionnelle. Les 4 millions d’habitants d’Atlanta n’ont plus que quelques mois de réserves en eau, et le gouverneur de Georgie a organisé une séance de prière publique pour faire tomber la pluie. Tara Lohan nous rappelle combien cette ressource vitale, considérée comme un dû, est désormais fragile.

Par Tara Lohan, AlterNet, 11 octobre 2007

Albert Szent Gyorgi, prix Nobel de médecine hongrois, l’a dit un jour : « L’eau est la matière et la matrice du vivant, sa mère et son milieu. Il n’y a pas de vie sans eau . »


Nous dépendons d’elle pour notre survie. Elle circule dans nos corps, dans les terres, apportant les nourritures, drainant les impuretés. Elle se transmet, telle les légendes, de génération en génération, des glaciers de montagne aux rivières et aux océans.
Historiquement, l’eau a été l’objet de rituels, autour d’elle les hommes se rassemblaient, elle était l’ossature des communautés.
Mais les temps ont changé. « A une époque ou l’homme a oublié ses origines et est aveugle même en ce qui concerne ses besoins les plus essentiels, l’eau est désormais victime de son indifférence, » écrit Rachel Carson.
Aujourd’hui, 35 ans après la promulgation de la loi sur la qualité de l’eau nous approchons d’une crise mondiale, encore aggravée par le réchauffement climatique qui provoque la fonte des glaciers et la montée du niveau des mers.

Notre sommes confrontés à une urbanisation intensive recouvrant les zones inondables, à des barrages qui provoquent le déplacement des populations et défigurent les fleuves, une croissance industrielle sans frein qui pollue les cours d’eau, une consommation croissante qui excède les ressources naturelles. Nous sommes également de plus en plus menacés par la vague des privatisations qui balaie le monde, transformant cette précieuse ressource publique qu’est l’eau en une fourniture, source de gains économiques.
Ces problèmes existent à l’échelle du monde, au nord comme au sud, et se généralisent partout. Les politiques de l’eau recouvrent plusieurs dimensions. Lorsque l’on aborde la crise de l’eau, on aborde les problèmes de la pauvreté, du commerce, des communes et des privatisations. Cela soulève également la question des droits indigènes, du droit de l’environnement, de l’éducation, de la responsabilité des entreprises et de la démocratie. Toutes ces facettes dessinent non seulement les causes du problème, mais aussi les dimensions de sa solution. (……)
En 2000, le magazine Fortune écrivait de façon révélatrice « L’eau promet d’être au 21ème siècle ce que le pétrole était au 20ème siècle, c’est-à-dire la précieuse ressource qui détermine la richesse des nations. »
On a souvent dit que les prochaines guerres pour le contrôle des ressources ne seraient pas faites pour le pétrole - ou l’énergie - mais pour l’eau. Alors que les idées néolibérales se répandaient à travers des institutions comme le FMI et la Banque Mondiale, le secteur public a été dangereusement privatisé. Et au lieu de richesse des nations, il pourrait s’agir de celle des entreprises.
Un cadre dirigeant d’une filiale de Vivendi, le plus grand fournisseur au monde, le résumait ainsi « L’eau est un élément vital et nécessaire de la vie quotidienne de chaque humain et elle est au même titre un élément très important pour le profit des compagnies. »
Mais lorsque les compagnies privées contrôlent la ressource en eau, les besoins essentiels de la population sont mis de côté et laissent place aux critères de profit. En Afrique, on estime à 5 millions le nombre de personnes qui décèdent chaque année par manque d’eau potable. Pourtant l’Afrique dont de nombreux pays manquent de ressources, est visée par les multinationales qui obligent les gouvernements à privatiser leur réseau d’eau en échange d’un allègement de la dette.
Lorsque les entreprises contrôlent l’eau, les tarifs montent, le service baisse, et ceux qui n’ont pas les moyens de payer sont forcés de boire de l’eau sale, au risque de leur vie. C’est ce qui s’est passé à travers le monde, en Afrique du Sud, en Bolivie aux USA et ailleurs.
Cette même philosophie du contrôle par les entreprises est à l’œuvre pour la construction des barrages, qui ont déplacé selon les estimations 80 millions de personne de part le monde. Rien qu’en Inde, plus de 4000 barrages ont submergé 37 500 km carrés de terre et expulsé 42 millions d’habitants de leurs maisons.
Les multinationales à la recherche de revenus dans l’industrie de l’eau ont également pris des parts de marché énormes en vendant de l’eau en bouteille dans les pays riches. Des campagnes de publicité onéreuses persuadent que l’eau du robinet est peu sûre. Ce qui n’empêche pas ensuite des compagnies comme Coca Cola ou Pepsi de mettre en bouteille l’ eau du robinet tandis que d’autres, comme Nestlé, s’accaparent les sources des communes rurales et revendent l’eau en faisant un énorme profit.
La crise de l’eau grandit, mais les résistances aux privatisations également. Les communes se battent contre le contrôle privé de la ressource la plus vitale au monde. (……)
Nous devons entreprendre le développement d’une politique générale de l’eau, qui aille du niveau régional au niveau international. La Banque Mondiale et les Nations Unies ont la capacité de transformer la définition de l’eau, en substituant la notion de droit humain à celle de besoin humain, en s’assurant que les entreprises ne peuvent exploiter cette ressource pour obtenir un gain économique, préconisent Clarke et Barlow, dans leur ouvrage « Or Bleu »

Les gouvernements devraient investir pour leurs citoyens dans des opérations de préservation et portant sur l’infrastructure dont nous dépendons pour une eau potable accessible.

En dernier ressort, il s’agit d’une question de démocratie. « Nous avons appris que les conflits pour l’eau soulèvent des questions essentielles sur la démocratie elle-même. Qui participera au processus des décisions engageant le futur, et qui en sera exclu ? » écrivent Switon, Kaaufman et Fox dans leur ouvrage récent « Soif . » « Si les citoyens n’ont pas le contrôle de la ressource la plus essentielle, contrôlent-ils réellement quoi que ce soit ? »

Sur le même sujet :

Le blog de Marc Laimé Les eaux glacées du calcul égoïste

Marc Laimé est journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités locales.

Tom Engelhardt : As the World Burns

Engelhardt fait le point sur la sécheresse aux USA et rappelle qu’elle est loin d’être un cas isolé. La Turquie, la Grèce, le Maroc, l’Europe Centrale et l’Australie ont subi un déficit pluviométrique considérable - jusqu’à 50% - cet été.

Publication originale Alternet, traduction Contre Info

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