/>Les Jeux olympiques terminés, tous les athlètes rentrés chez eux, nous ne pouvions que partager avec vous cet article paru dans Aqueduc.info du 1er août 2008
“Encore heureux que je ne coure pas le marathon !”, clame un sauteur au vu des images de l’inauguration du village olympique de Pékin noyé dans le smog. De quoi remplir d’inquiétudes les poumons des athlètes. Mais il n’y a pas que l’air qui fasse problème dans la capitale chinoise. La pénurie d’eau menace. Et même si ce n’est pas la faute aux Jeux, l’événement annonce aux Pékinois des lendemains incertains.
A l’ouverture des Jeux Olympiques, écrivait début juillet l’Agence Inter Press Service connue pour son approche critique des questions internationales, « la crise de l’eau que connaît Pékin ne sera que peu visible pour les visiteurs étrangers. Ceux-ci s’émerveilleront sans doute devant les fontaines musicales et les parterres aquatiques installés un peu partout dans la ville, mais la réalité hydraulique de Pékin est cependant bien différente. » (1)
Contrairement à bien des grandes villes de par le monde, Pékin n’est arrosée en effet par aucun grand fleuve. Située dans une basse plaine alluviale à une centaine de kilomètres de la mer, elle n’a pas eu d’autre solution, au fur et à mesure de sa croissance et de la disparition de ses sources, que d’aller chercher son eau potable dans sa nappe phréatique ou dans les montagnes les plus proches.
Vint Mao qui au milieu du siècle passé lança les grands chantiers pour l’approvisionnement en eau, l’irrigation, l’hydroélectricité et la gestion des crues. Entre autres, la construction du grand réservoir de Guanting, lequel désormais n’arrive plus à se remplir alors que la capitale chinoise ne cesse d’accueillir de nouveaux habitants (16 à 17 millions aujourd’hui selon les sources). Pour l’ONG canadienne Probe International, il ne fait pas de doute que Pékin est en train de devenir l’une des mégapoles les plus sèches de la planète : « 25 années de sécheresse et de pollution des ressources hydriques de la ville ont provoqué une diminution constante des réserves d’eau disponibles qui sont passées de quelque mille mètres cubes par an et par personne en 1949 à moins de 230 mètres cubes en 2007 ». (2)
Vue sous cet angle, l’organisation des Jeux à Pékin représentait évidemment un immense défi hydraulique. Les autorités de la capitale n’ont donc pas lésiné sur les installations sportives et les aménagements publics qui font croire à un véritable paradis aquatique : plans d’eaux, fontaines, espaces de verdure et terrains de golf, tous très gourmands en arrosages. Les autorités de la ville se veulent très officiellement rassurantes et garantissent qu’il y aura suffisamment d’eau pour satisfaire toutes les demandes des athlètes et des touristes et que cette eau répondra à toutes les normes de qualité et de sécurité.
Il aura pour cela tout de même fallu mobiliser au maximum les eaux de surface disponibles, pomper plus profond que jamais dans des nappes souterraines de plus en plus longues à recharger, puiser dans les réserves de provinces rurales frappées par les sécheresses, accélérer la construction de l’un des segments du projet pharaonique de transfert des eaux nord-sud ou encore interdire aux alentours de la ville la culture du riz pour cause de trop grands prélèvements d’eau. « Des canalisations spéciales, constate la journaliste chinoise Dai Qing, apporteront des provinces une eau non polluée afin de subvenir aux besoins de la ville entière, permettant pour la première fois à la population de disposer de l’eau potable au robinet. Mais cela ne durera que le temps des Jeux. » (3)
Elle n’est pas la seule à se préoccuper de l’après-J.O. : les experts les plus pessimistes prévoient qu’au rythme actuel de ses prélèvements, de ses pollutions agricoles et de ses rejets industriels, la Chine aura dans un quart de siècle épuisé l’essentiel de ses ressources hydriques. Sauf mesures drastiques en matière de protection et d’économie d’eau, ce scénario prédit à ses habitants une terrible crise économique et sociale. Tout le contraire du mirage oasien auquel on les fait rêver. Aujourd’hui, Pékin a l’eau et les Jeux. Qu’en sera-t-il demain, une fois éteinte la flamme olympique ?
Bernard Weissbrodt
(1) Antoaneta Bezlova, “Within a Generation Beijing Will Cease to Exist”, IPS, July 1, 2008
(2) Probe International Beijing Group, « Beijing’s Water Crisis : 1949-2008 Olympics”, June 2008, rapport disponible sur le site www.probeinternational.org
(3) Dai Qing, « La Chine assoiffée par les Jeux olympiques », dans La Recherche, n° 421, juillet-août 2008
Lire aussi la fiche aqueduc.info :
Chine : les raisons d’une crise de l’eau qui s’aggrave
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