Depuis le 16 février, des employés de Bevo AG, une société privée contrôlée à moitié par La Poste, lèvent le courrier à Berne. Tollé du Syndicat de la communication.

Patrick Vallélian - le 27 février 2009 Le Matin

Des privés qui vident les boîtes postales en ville de Berne à la place des employés de La Poste… Il n’en fallait pas moins pour faire sortir Alain Carrupt de ses gonds. «C’est un scandale, peste le président du Syndicat de la communication. L’attitude de La Poste est inacceptable. Le transport du courrier est le coeur du métier du géant jaune. C’est son mandat de service public.»

Depuis le 16 février, c’est en effet une demi-douzaine d’employés de la société Bevo AG, une entreprise détenue par La Poste et Tamedia, qui effectuent quotidiennement la levée du courrier dans la Ville fédérale. «C’est une question d’efficacité qui a motivé notre choix», justifie Mariano Masserini, attaché de presse du géant jaune confirmant au passage une information du Bund. «Ces boîtes aux lettres étaient souvent à moitié vides et nous voulons éviter des tournées inutiles à nos postiers.»

Un sous-traitant a même sous-traité sa levée!
Où est le problème alors? La sécurité, plaide Alain Carrupt, qui précise: «Pas plus tard que cette semaine, je suis tombé sur un de ces employés en train d’effectuer la levée d’une boîte postale. Il a ensuite déposé le contenu de la boîte à l’arrière de sa voiture, où… étaient assis ses deux enfants! Imaginez que dans le tas de lettres figure votre déclaration d’impôt ou votre réponse à une offre d’emploi! Le cas s’est même déjà produit où le sous-traitant lui-même a confié les levées à un tiers.»

Bref, pour le président du syndicat des postiers, il y a un réel problème de contrôle de l’acheminement du courrier, mais aussi de formation et d’éthique. «Sans vouloir accuser les employés de la société qui s’occupe du ramassage à Berne, ils ne peuvent pas amener les mêmes garanties de confidentialité que des postiers.»

Faux, rétorque Mariano Masserini. «Les employés de Bevo qui effectuent des tournées matinales pour distribuer des journaux sont formés correctement. Ils respectent également le secret postal. La qualité du service est exactement la même qu’avec des postiers.»

L’affaire ne restera pas là, tonne le président du Syndicat de la communication, qui crie à la déclaration de guerre. «Nous n’acceptons pas l’externalisation de la levée du courrier, souligne Alain Carrupt. Si La Poste estime qu’elle n’a pas assez d’effectif, elle doit engager et former des postiers supplémentaires pour faire ce travail. Ce n’est hélas pas le seul point de friction avec la direction du géant jaune. Nous allons nous battre contre la fermeture programmée de certains offices de poste dans le pays. Et contre les baisses de salaire pour le personnel de guichet.»

La Poste veut «Faire du profit à tout prix»
Toute cette histoire fleure bon la «volonté incompréhensible de faire du profit à tout prix, insiste le président du Syndicat de la communication. C’est pour cela qu’elle confie la levée du courrier à des gens moins qualifiés, surtout moins payés.» Ce que confirme d’ailleurs Mariano Masserini en précisant que La Poste réalise des «économies». Mais elle ne souhaite néanmoins pas divulguer de montant à ce sujet. Secret des affaires oblige!

Ce qui fait sourire Alain Carrupt dans cette affaire, c’est que La Poste vient de procéder au changement de ses boîtes jaunes pour des raisons de sécurité. «A quoi bon, si c’est pour confier la clé de la boîte à n’importe qui.»