Le droit à l’eau se noie à Istanbul

La déclaration finale du 5e Forum mondial de l’eau, qui s’est achevé hier à Istanbul, a divisé les pays présents. Les uns, dont la France, l’Espagne et des pays d’Amérique latine, voulaient inscrire l’accès à l’eau potable comme un droit humain fondamental. La déclaration n’a reconnu cet accès que comme un besoin. Une vingtaine de pays se sont alors fendus d’un texte dissident allant dans leur sens. Le scénario du 4e forum, en 2003 à Mexico, s’est répété.


La secrétaire d’Etat française à l’Ecologie, Chantal Jouanno, s’est dite déçue, car le droit à l’eau «conditionne tous les autres». La représentante française a également demandé que la société civile ait la prochaine fois une place plus centrale dans les débats. Celle-ci s’était repliée dans un forum alternatif de l’eau. Durant trois jours, des milliers de personnes ont réclamé une «autre gestion» de cette ressource. A l’ouverture de cette rencontre, une vingtaine de manifestants ont demandé que l’eau soit considérée comme un bien public. Ils ont été arrêtés.
L’une des critiques fondamentales du forum alternatif a porté sur la marchandisation de l’or bleu et son accaparement par les multinationales. La secrétaire d’Etat française, elle, s’est bien gardée de s’engager sur ce terrain. Elle a précisé que le droit d’accéder à l’eau potable ne signifiait pas sa gratuité. Malgré les belles paroles, l’intérêt des entreprises pèse plus lourd que celui du milliard de personnes privées d’eau potable.
Les altermondialistes ont réfléchi sans détours à une autre question cruciale, celle des conflits liés à l’eau. Un ingénieur palestinien a par exemple réclamé pour son pays la souveraineté sur l’eau en plus de la paix. Mais au 5e Forum de l’eau, une seule session – sur plus de cent – a traité des conflits armés.
En plus de noyer les questions qui fâchent, ce sommet débouche sur des voeux pieux. La déclaration ministérielle finale énumère des engagements comme économiser l’eau dans le domaine agricole ou lutter contre la pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques. Mais le texte est non contraignant.
Depuis trente ans que la communauté internationale promet un accès universel à l’eau potable, il est temps que les paroles laissent place à des actes. L’ONU l’a rappelé: les «crises locales de l’eau» risquent de s’aggraver et de converger vers une «crise globale».
Le Courrier, 22 Mars 2009
Rachad Armanios

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