Duplicité gouvernementale
Respect des engagements ou simple désengagement? A l’annonce de l’énième rétrécissement du réseau postal, droite et gauche offrent comme d’habitude deux lectures radicalement différentes de l’évolution de La Poste. Mais cette fois-ci, le jeu se déplace presque entièrement sur un autre terrain, celui du potentiel financier du géant jaune. La fragilité des colosses bancaires helvétiques – UBS et Credit Suisse – relance avec fracas le projet d’une banque postale, une revendication devenue pressante pour une partie de la classe politique. On voit l’intérêt des uns et des autres.
Pour la gauche modérée, c’est une façon d’exhumer le dogme longtemps enfoui de la nationalisation des flux financiers. Pour une frange de la droite, c’est une manière d’admettre, sans le dire, que l’Etat est un puissant facteur de régulation du marché. Pour autant qu’il en soit un agent à part entière. Le renversement des aspirations néolibérales est total dans cette perspective. Car il s’agirait de maintenir une béquille étatique dans la gestion de plus de 60 milliards de francs, la masse d’argent que PostFinance a administrée en 2008 au niveau national. Soit l’équivalent des actifs douteux d’UBS. Chargé d’arrière-pensées, le forcing pour obtenir une licence bancaire pour PostFinance intervient au moment où Berne prépare l’ouverture totale du secteur postal en 2011 ou 2012. Mais si la concurrence dérégulée peut se révéler toxique pour les crédits repris par la BNS, pourquoi libéraliser le réseau postal? On ne peut manquer de relever une certaine duplicité. Le gouvernement est prêt à laisser les guichets et les facteurs sombrer corps et biens dans les eaux de la concurrence, tout en gardant sous son aile protectrice les crédits et les hypothèques de PostFinance. Cette simple observation montre dans quelle considération le Conseil fédéral tient le service universel postal. Depuis longtemps, le nombre de guichets n’a qu’une importance relative pour Berne. Seuls les ménages font la queue pour acheter un carnet de timbres, toucher une retraite ou payer des factures. Mais ces ménages ne représentent qu’un petit pourcentage, une clientèle qui se réduit d’année en année parallèlement à l’offre de solutions de paiement sur la Toile. Les bénéfices engrangés par La Poste durant ses derniers exercices dévoilent un éloignement constant de ses missions publiques, compensé par l’essor foudroyant des revenus liés à la gestion de capital. Pour justifier son choix de n’accorder aucune compensation nouvelle à La Poste dans un marché promis à l’ouverture, le gouvernement a consenti à l’entreprise publique de développer ses services financiers. Mais cette concession peut aujourd’hui se transformer en un cadeau empoisonné. Car si elle devient une banque, La Poste va devoir rattraper l’important retard de productivité qui la sépare des établissements traditionnels. Un mouvement qui se solderait inévitablement par la suppression de postes dans les activités non financières. Une perspective qui a de quoi attiser un climat social déjà très chaud.
Le Courrier, 25 Mars 2009
Fabio Lo Verso
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