Forum mondial de l’eau : une semaine n’a pas suffi !

“Il est choquant de voir que pour la première cause de mortalité dans le monde, il n’y a pas plus de mobilisation politique“

Le cinquième Forum mondial de l’eau s’est achevé hier à Istanbul. Loin de faire l’unanimité, la déclaration finale se contente de formuler une série d’engagements et bute sur un problème sémantique. Elle ne confère à l’accès à l’eau qu’un statut de simple « besoin fondamental » et non de « droit humain » inaliénable. De nombreux pays s’en indignent…

Cette semaine de débats n’aura pas eu les effets escomptés. La Journée mondiale de l’eau, dimanche 22, s’est transformée en eau de « boudin » ! Pourtant prévenus par le rapport alarmant de l’ONU, les participants semblent s’être contentés d’affirmer les problèmes existants. Modifier la consommation de l’eau, en particulier dans l’agriculture, lutter contre la pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques et collecter et traiter les eaux usées. Trois thématiques à prendre à bras le corps de façon urgente. Rappelons qu’un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable et que 2,5 milliards ne profitent pas d’un système sanitaire décent.

Un droit ou un besoin ?

La question épineuse de l’accès à l’eau, que nombre d’Etats ont déjà inscrits en tant que droit dans leur constitution, a rencontré de vives oppositions. Considéré, à l’issue de la déclaration finale, comme un simple « besoin fondamental », et non comme un droit, l’accès à l’eau fait couler beaucoup d’encre. Besoin ? Droit ? Quelle différence ? Pour l’ONG BluePlanet Project, « la différence est fondamentale. Légalement, un besoin humain n’a aucune valeur ». Et Action contre la Faim d’enchérir : « la notion de droit s’avère être un outil essentiel pour responsabiliser les Etats ». La France, notamment, s’est beaucoup battue pour obtenir ce statut. Mais d’autres pays, comme les Etats-Unis, le Brésil et l’Egypte, ne considèrent l’accès à l’eau que comme un simple droit économique et social et non comme un « droit humain fondamental ». Une bataille sémantique qui a tourné court. Chantal Jouanno, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, s’en est offusquée : « Il est choquant de voir que pour la première cause de mortalité dans le monde, il n’y a pas plus de mobilisation politique ».

Un problème que pointait déjà du doigt le récent rapport de l’ONU sur la question de la crise de l’eau. Ce désintérêt de la classe politique, que ne masque pas cette forte participation au Forum, ne s’arrête pourtant pas là. Robert Mardini, directeur du centre départemental eau et habitat du Comité international de la Croix-Rouge, regrette que « sur plus de 100 sessions, une seule ait traité des conflits armés. Cela montre que qu’on ne veut pas forcément parler des choses qui fâchent ». La question de la gestion des ressources hydriques a notamment fait l’objet de vifs échanges entre Turcs et Syriens, qui se battent pour le Tigre et l’Euphrate et entre Israéliens et Libanais pour le contrôle de la rivière Litani. Des conflits verbaux qui cachent de plus sérieux enjeux géopolitiques.

Une déclaration incolore, inodore et sans saveur !

Le forum mondial, initiative louable, n’a pourtant pas convaincu. Malgré une semaine riche de débats, de foisonnements d’idées et d’échanges, mettant en relief le lien étroit entre énergie, eau et alimentation, la déclaration ministérielle finale a déçu. Jean-François Legrand, sénateur français, a jugé ce document récapitulatif « incolore, inodore et sans saveur » ! Beaucoup d’autres se sont dits dépités. A l’heure où les crises de l’eau risquent de s’aggraver, le problème n’est pas circonscrit aux seuls pays en développement. L’année dernière, l’Espagne a dû affréter des bateaux pour chercher dans le Rhône l’eau qui manquait à Barcelone.

Les enjeux étaient posés, il ne restait plus qu’à en tirer les conséquences. Pour une réelle utilité des débats et des déclarations écrites, « il manque une véritable organisation des nations unies pour l’environnement à laquelle le Forum puisse s’adosser. Certains pays seraient alors plus impliqués et plus enclins à lâcher du lest », explique-t-on dans les milieux diplomatiques français. Pour manifester leur désaccord, une vingtaine de pays, parmi lesquels l’Espagne et l’Afrique du Sud, ont signé une déclaration dissidente. Laquelle sonne comme une contestation face aux propos du ministre turc de l’environnement, Veysel Eroglu, qui se félicite du contenu de la déclaration finale qui, selon lui, « servira de repère »… pour ce qu’il ne faut pas faire ?!
23/03/2009, Albane Wurtzi

Dossier

1 commentaire à “Forum mondial de l’eau : une semaine n’a pas suffi !”


  1. 1 Roberta Carlos 21 avr 2009 à 15:36

    Avec tout ce qu’on parle autour de l’eau, il faut croire que ce n’est pas assez, ou alors les organizations qui défendent l’eau pour Tous elles ne ont pas un discours efficase…
    Il faut se remettre en question et voir pourquoi ceux qui tiennent les ficelles ils sont facilement entendus (pire) suivis!
    Il s’agit d’économiser des énergies militantes- même si celles-ci sont renouvelables- et pour réveiller M. et Mme.Tout-l’-monde devenir plus “énergiques” avec des mots et des images shock! Peut-être ainsi on arrivera à réveiller les citoyents consientes mais “ensaoulés” a force d’entendre le mot clé:”crise” tout au long de la “sainte journée”…Merci Roberta.

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