Le Courrier, vendredi 27 Novembre 2009
Philippe Bach
Le Syndicat de la communication et le Parti socialiste suisse lancent une initiative pour assurer un avenir à La Poste. En clair: le texte présenté jeudi vise à garantir une desserte de l’entier du territoire, à l’heure où les bureaux ferment les uns après les autres. Cela doit se faire en réservant un monopole des lettres à cet établissement public (leur poids n’est pas précisé mais, dans la situation actuelle, La Poste a encore l’exclusivité pour les missives jusqu’à 50 grammes). Et en permettant au géant jaune d’ouvrir une banque postale, ce qui lui a toujours été refusé.
Cette initiative doit bien sûr être défendue. Mais elle s’inscrit dans un contexte très défensif. D’autant plus si l’on garde à l’esprit que les mêmes qui activent aujourd’hui, le dos au mur, les instruments de la démocratie directe auraient été mieux inspirés de combattre la privatisation de l’ex-régie PTT en 1997.
Car, ces jours-ci, les nouvelles se suivent et se ressemblent. La semaine passée, le Conseil fédéral avouait, penaud, que la libéralisation du marché de l’électricité avait fait grimper les prix. Mercredi dernier Sunrise et Orange fusionnaient. Un duopole régnera donc dans le domaine de la téléphonie mobile suisse. Et lorsqu’on sait que le nouveau géant sera détenu à 75% par France Telecom, lui-même en train de s’allier avec Deutsche Telecom, le monopole n’est plus très loin…
Les privatisations en cascades qu’on nous vend sous prétexte de modernité n’ont qu’un but: offrir des débouchés rentables à des capitaux en mal de profits. Aujourd’hui, l’énergie et les télécoms; demain, la santé et l’éducation.
Cette soumission aux règles du marché se fait au détriment du bien commun. Car, qui dit privatisation, dit abandon d’un certain nombre de principes. Dont celui de la péréquation tarifaire. C’est-à-dire le mécanisme voulant que lorsqu’on colle un timbre sur une lettre on paie le même prix, que celle-ci soit envoyée au sein d’une même commune ou à l’autre bout du pays. Les opérateurs privés n’ont évidemment pas ce souci. Ils adaptent leurs tarifs en fonction de critères de rentabilité et non de cohésion sociale et territoriale.
On retrouve le même travail de sape dans le domaine des transports. Voire dans les baisses fiscales tous azimuts qui neutralisent le principe redistributeur des richesses inhérent à l’impôt.
En cela, l’initiative pèche par sa modestie. Elle ne remet pas en question la libéralisation de ce secteur et fait expressément référence au principe du «service universel». Un néologisme forgé par la doxa néolibérale qui signifie que La Poste doit assumer un service minimum. Ce que même la très libérale Union européenne s’est résolue à inscrire dans ses directives, ayant constaté que les dérapages antisociaux étaient par trop voyants.
Autrement plus audacieux eût été une référence à la notion de «service public». Qui aurait, lui, signifié une vraie priorité donnée au bien commun sur les intérêts de quelques-uns. Mais, même dans une version aussi allégée, l’initiative a été taxée d’extrémiste par les relais des partis du centre droit! Le libéralisme est bien ancré dans les esprits.
0 commentaire à “Service postal minimum : initiative à signer”