La Poste : pourquoi pas un retour à l’expéditeur ?

Paru dans Le Courrier
Philippe Bach

Depuis plusieurs jours, le dossier de La Poste agite les esprits. Et il va continuer à le faire. Mais la polémique – en veut-on à Claude Béglé, le président du géant jaune, parce qu’il est romand ou parce qu’il pratique une politique de communication d’agité du bocal? – occulte la vraie nature des enjeux.
Car la réponse qui doit être trouvée est relativement simple: le volume du courrier diminue, comment assurer la rentabilité de l’entreprise? La stratégie du président de La Poste consiste à parier sur une expansion à l’étranger. Les voix plus prudentes espèrent, elles, trouver cette manne en permettant à La Poste d’exercer des activités bancaires.

Mais les deux options posent problème. La première est tout simplement une fuite en avant. Il est sans doute sain qu’après la faillite de Swissair et la crise de l’UBS, la parole d’Evangile des gourous du capitalisme prônant un grand bond en avant soit mise en doute. Comment espérer que La Poste (9 milliards de chiffre d’affaires) soit de taille à lutter avec son homologue allemand (81 milliards de chiffre d’affaires[1]). Et le parlement français a voté mardi soir la transformation en société anonyme en mains publiques – prélude à une probable privatisation – du service public français.

Prétendre que dans ce marché hyperconcurrentiel il sera possible de dégager des marges pour financer des prestations à bas prix en Suisse tient de la plaisanterie. L’hypothèse plus probable est celle d’un rachat-fusion par un des géants étrangers et la constitution d’un monopole privé. Comme la téléphonie mobile qui est en mains d’un duopole proche de l’entente cartellaire.

La solution d’une banque postale tient tout autant de l’alignement de noix sur un bâton. Et l’on peut s’interroger sur sa légalité; les mêmes milieux n’arrêtent pas de prôner «l’unbundeling» –le désenchevêtrement- des différentes prestations de services publiques, précisément pour éviter des subventions croisées qui faussent la concurrence. Quoi qu’il en soit, si La Poste doit financer un marché déficitaire – le courrier – en tapant dans les marges réalisées sur son activité bancaire, cette dernière ira rapidement à vau-l’eau.

La vraie question a été tranchée en 1997, lorsque le choix a été fait de liquider le service public, à savoir démanteler les PTT. En cherchant à mettre des emplâtres sur une jambe de bois, les tenants du service universel – d’ores et déjà sérieusement mis en question, la Poste n’est plus guère capable de distribuer les journaux correctement – courent derrière un train qui a démarré.
Il eût été plus simple de ne pas siffler le départ et de conserver le service public. Mais cette position était considérée comme archaïque à l’époque et elle est rejetée aujourd’hui, au nom de libéralisation des autres marchés – l’énergie et la téléphonie – dont on voit pourtant qu’il dysfonctionnent tout autant! Cela illustre à merveille ce que le directeur du Monde Diplomatique, Serge Halimi, nomme la théorie du cliquet[2]. Une fois que l’on met le doigt dans l’engrenage libéral, il devient impossible de revenir en arrière, quitte à être broyé.

[1]NZZ du 10 janvier.
[2] Serge Halimi, le Grand Bond en Arrière, Fayard, Paris, [2][0][0][4].

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