La pression populaire freine l’ouverture du marché postal

Les syndicats ont réuni 120 000 signatures pour le monopole de La Poste. Le parlement pourrait donc renvoyer la libéralisation.

Serge Gumy |24 Heures

Le Conseil national osera-t-il encore faire tomber ce qui reste du monopole de La Poste? Le voilà en tout cas soumis à forte pression populaire: hier, le Syndicat de la communication, l’Union syndicale suisse et le Parti socialiste ont annoncé avoir récolté près de 120 000 signatures en seulement cinq mois pour leur initiative sur La Poste, alors qu’ils avaient 18 mois pour collecter les 100 000 paraphes requis pour que les Suisses votent.

Plébiscité par les citoyens, leur texte baptisé «Pour une poste forte» demande, outre le maintien du monopole sur les lettres en dessous de 50 grammes, la création d’une banque postale et la sauvegarde d’un réseau d’offices postaux couvrant tout le territoire. «Le message est clair: la population suisse ne veut pas d’une libéralisation totale du marché postal, claironne Alain Carrupt, président du Syndicat de la communication. Elle ne veut pas non plus du démantèlement actuel du réseau d’offices de poste.»

Alors que la Commission des télécommunications du Conseil national reprend le dossier lundi prochain, la fin du monopole du géant jaune semble ainsi sérieusement remise en question. «Nous avons des chances de l’emporter», avance prudemment Christian Levrat, président du PS. «Une ouverture complète du marché n’a aujourd’hui aucune chance», affirme pour sa part Christophe Darbellay. Une majorité du Parti démocrate-chrétien qu’il préside devrait ainsi proposer le report de la libéralisation, au nom du service public et des régions périphériques.

Une précédente initiative avait échoué de justesse
Christophe Darbellay l’admet, si le parlement s’obstine dans la voie de la libéralisation, «l’initiative des syndicats a de bonnes chances de l’emporter devant le peuple dans le contexte actuel de calamités financières.» En 2004, une précédente initiative avait d’ailleurs raté d’un cheveu la majorité du peuple (49,8% de oui, 9 cantons et demi favorables, 13 et demi contre).

L’ouverture du marché projetée par le Conseil fédéral est d’autant plus mal barrée que même le Parti libéral-radical la critique. «Nous ne voulons pas défendre une libéralisation de façade», tonne Jean-René Germanier. Selon le Valaisan, la loi sur le marché postal en discussion renforce plutôt le monopole de La Poste. «Or, à cause de lui, les clients paient déjà 300 millions de francs en trop par année.»

Socialistes et Verts opposés, PDC pressés d’attendre, libéraux-radicaux remontés: au final, seule l’UDC soutient encore le projet de loi sur le marché postal. Et s’il passait malgré tout au travers du débat aux Chambres, les syndicats promettent de le faire dérailler en lançant le référendum.

La Poste maintient le cap
Mais il n’y a pas que le parlement qu’ils rêvent de faire plier: ils souhaitent aussi imposer à la direction de La Poste un moratoire sur la restructuration du réseau d’offices de poste. «Inimaginable, coupe la porte-parole de l’entreprise Nathalie Salamin. Nous devons nous adapter aux besoins de nos clients.» Le géant jaune continuera donc d’analyser l’opportunité de transformer ses petits bureaux en agences postales (installées par exemple dans des épiceries), ou de les remplacer par le service à domicile. «Le service public peut en effet être assuré de manière différente.»

Ce que demande l’initiative «pour une poste forte»

L’initiative des syndicats veut que la Confédération garantisse «un réseau postal couvrant tout le territoire et un accès facile et rapide à toutes les prestations d’un service universel orienté vers l’avenir». La Poste doit employer exclusivement du personnel sous contrat de droit public – et donc ne pas sous-traiter la vente de ses produits à des vendeurs d’épicerie, comme c’est le cas dans les agences postales. Enfin, pour financer son réseau de bureaux de poste et les prestations liées au service universel, La Poste devrait bénéficier du monopole sur les lettres jusqu’à 50 grammes et des revenus fournis par une banque postale.

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