Maroc : privatisation des eaux de sources

Maroc : Attac demande l’ouverture d’une enquête publique et intègre sur les opérations de privatisation des eaux de sources

La bataille contre la privatisation des eaux de source continue au Maroc et particulièrement à Bensmim, petite ville de 3 500 habitants où l’agriculture et l’élevage représentent la majorité des revenus de subsistance pour la population. Une situation précaire où la disponibilité de l’eau est rare, mais essentielle à la survie. Une large mobilisation des citoyens de la région de Bensmim contre le projet de privatisation a été remarquable, avec une mise en réseau et un élan de solidarité sur l’ensemble du territoire marocain ainsi qu’un soutien international. Cette mobilisation — atypique — a cependant été réprimée de façon extrêmement brutale par le régime et 8 habitants de Bensmim restent en prison. Réd.

Le jeudi 22 juillet 2010 a eu lieu le lancement officiel de « Ain Ifrane », nom commercial de l’eau de source de Bensmim. Un événement qui a été marqué par les propos scandaleux tenus par les dirigeants de l’Euro-Africaine des Eaux (EAE) [1] envers la population du village de Bensmim traitée de « pauvre vermine » et envers ACME Maroc [ndlr : Association pour le Contrat Mondial de L’Eau] et ATTAC Maroc accusées d’être « des manipulateurs et des opportunistes ». De tels dérapages montrent clairement l’anxiété de cette bande d’exploitants de l’eau de Bensmim qui, malgré le soutien honteux du makhzen [ndlr : terme marocain pour l’élite du pays], n’ont pu cacher la lutte de ces citoyens honnêtes face à des autorités complices.

Les centaines d’emplois promis pour les habitants du village se sont évaporés, l’usine n’emploie que 20 personnes pour une production de 8 000 bouteilles/heure ! L’exploitation et la commercialisation de l’eau de la source a commencé alors que 8 des habitants du village sont toujours poursuivis en justice et se présenteront pour la 19ème fois devant la cours d’appel le 25 novembre 2010 pour avoir « osé » dire non et manifester pacifiquement pour exprimer leur refus de ce projet qui menace leur eau, leur principale richesse naturelle autour de laquelle gravite toute leur vie (agriculture, élevage, tourisme intérieur, …).

Alors que des nutritionnistes à la solde des exploitants des eaux de source au Maroc regrettent que les Marocains ne consomment pas assez d’eau en bouteilles (10 L./personne et par an au Maroc ; en Europe la consommation dépasse les 140 L./personne), nous tirons la sonnette d’alarme sur l’assèchement des sources d’eaux au Maroc car le forage pour Aïn Atlas, Sidi Ali et Aïn Chefchaoun ont dépassé les 600m de profondeur. Ce qui rend caduque la thèse du partage de l’eau entre population et exploitants des sources.

Nous, ATTAC Maroc, convaincus que l’eau est un bien public commun qui ne doit pas être soumis à la logique du marché, affirmons notre solidarité inconditionnelle avec la population de Bensmim et déclarons devant l’opinion publique nationale et internationale :

- Nous condamnons fermement les propos des dirigeants de EAE ;

- Nous appelons les autorités à lever l’ensemble des poursuites judiciaires à l’encontre de la population du village de Bensmim ;

- Nous nous opposons à l’exploitation de l’eau de la source de Bensmim par la société « Brasseries du Maroc », le nouveau propriétaire, contre la volonté des villageois, les propriétaires effectifs de la source ;

- Nous mettons en garde contre les conséquences du contrôle de la source par une entreprise sur les risques d’épuisement des réserves en eau et sur les effets qui en découleraient sur les conditions de vie des habitants du village ;

- Nous mettons les chefs des Directions des six bassins hydrauliques du Maroc devant leurs responsabilités ;

- Nous appelons à œuvrer à l’ouverture d’un débat national autour de la question de la propriété des ressources en eau dans notre pays et de la gestion de ce bien vital, dont on sait officiellement qu’il se raréfiera dans les années à venir (moins de 600 mètres cube par personne à l’horizon 2020) ;

- Nous appelons à l’ouverture d’une enquête publique intègre sur toutes les opérations de privatisations des « sources d’eau » ;

- Nous nous réjouissons de l’adoption -même tardive- la nuit du 28 juillet 2010 par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la résolution bolivienne pour le droit fondamental à une eau potable salubre et propre. Nous appelons l’État marocain qui en est signataire de l’appliquer en œuvrant pour l’accès de tous les Marocains à une eau en quantité et qualité suffisantes, ce qui passe nécessairement par l’arrêt de toutes les formes directes ou indirectes de privatisation des sources d’eau ainsi que des services de l’eau (exploitation, traitement, distribution…) contrôlés aujourd’hui par les deux prédateurs mondiaux de l’eau Veolia et Suez ;

- Nous appelons toutes les organisations militantes nationales et internationales à soutenir les habitants dans leur combat.

ATTAC Maroc Secrétariat national

[1] La société « Groupe des Brasseries du Maroc », appartenant au groupe mondial CASTEL (après acquisition des parts de la société SNI en 2003), a annoncé lors de son assemblée générale du 14 juin 2010 sa récente acquisition de la société « Euro-africaine des eaux », société qui tente depuis 10 ans de s’approprier l’eau de la source de Bensmim contre la volonté des villageois.

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