28.11.2010
de: Elisabeth Brindesi dans: combats.ch
Marche funèbre en Europe: baisse des allocations familiales, de celles du chômage, du nombre de fonctionnaires (fichus à la porte), baisse des salaires pour les survivants, baisse du salaire minimum, mais… hausse des impôts! Sauf pour les riches, bien entendu.
Les plans d’austérité s’abattent sur l’Europe. La Grèce, l’Irlande (sauf miracle), demain le Portugal, après demain…Même les Allemands, pourtant grands gagnants européens, passent à la casserole. Les Français se sont ramassés avec les retraites (entre autre) et jusqu’à nous Suisses, à qui l’on a bousillé les allocations chômages, ceci malgré un budget fédéral grassouillet. Un coup tordu concocté par des politiciens depuis six ans, soit dit en passant.
Mais ces Irlandais, qu’ont-ils donc bien pu faire pour mériter telle punition? Un Etat dispendieux? Des citoyens et des citoyennes vivant à crédit? Rien de tout cela. Les fautifs sont une bande de banquiers, ivres de fric, et qui ont spéculé à s’en faire exploser la panse. La population, elle, a eu parfois de petits os à ronger, de maigres lambeaux car les reliefs du festin sont réservés, comme partout, aux laquais du pouvoir: journalistes vedettes et autres opportunistes qualifiés.
Les banquiers irlandais ont scié la branche sur laquelle ils étaient juchés. Alors pourquoi ne pas les laisser tomber? Parce que leurs créanciers sont des banques françaises, allemandes, bref européennes, qui ont participé aux bals des vampires, ignorant elles aussi tout scrupule. Et aujourd’hui, en bons trafiquants, ces banquiers européens veulent retrouver leur mise, n’importe comment. Leur truc, c’est d’obliger l’Etat irlandais à payer les dettes des banques. Et puisque l’Etat n’a pas vraiment une telle somme, on la prend dans la poche des citoyens, grâce à ce que l’on nomme pudiquement un «plan d’austérité».
Perdre au casino bancaire puis se refaire sur l’habitant n’a rien à voir avec une relance économique quelconque. Tout au contraire: les plans d’austérité plombent les économies nationales puisqu’ils bousillent le pouvoir d’achat des gens, donc la consommation intérieure, pourtant indispensable à l’accumulation incessante du capital, donc à la survie du capitalisme même. Les sots! Et les salauds…
Pourtant les peuples européens ne sont plus dupes. Par millions, ils descendent dans la rue, en France, en Italie, au Portugal, en Irlande. Pour quel résultat? Aucun. Pour l’instant du moins. Les puissants sont tout puissants.
L’origine du tsunami en passe de ravager l’Europe a plusieurs origines, dont une très concrète: la naissance de l’euro en 1999 (voire avant). Lancer une monnaie unique sans trésor centralisé, sans songer à un soutien éventuel collectif, sans harmonie fiscale, avec des pays dont les niveaux et les cultures étaient très dissemblables, relevait de l’infantilisme ou de calculs occultes plus graves encore. Faire reposer cette construction sur des dogmes irréalistes tels que le libre-échange, la « concurrence libre et non faussée», était un manque de sérieux, et de souplesse ou masquait peut-être aussi de redoutables scénarios.
Ah le beau temps où l’on pouvait se moquer de l’orthodoxie soviétique, des plans quinquennaux qui se cassaient la figure et que l’on reconduisait à l’identique, du haut d’un sérieux papal! Les dirigeants européens sont désormais encore plus ridicules. Mais pour les aventuriers de l’euro, dont Jacques Delors (un socialiste), qui avait pourtant été mis en garde par des proches et non des moindre, l’économie passait avant la politique,
C’est pourquoi en l’absence d’un discours politique cohérent et enraciné dans une pratique, nous voyons émerger un langage religieux qui nous affirme que «le MARCHÉ exige des SACRIFICES. Il faut APAISER LES MARCHÉS!» Souffrez bonnes gens! Faites pénitence!
La démocratie n’a plus de place à ce jeu-là. Il est vrai que l’Europe est dirigée par une commission, dont les membres ne sont pas élus. En 2005, elle est même devenue illégitime lorsqu’elle a imposé à des populations qui la refusaient une Constitution européenne (traité constitutionnel). Ce fut le cas des Français, des Néerlandais ou encore des Irlandais, que l’on a forcés à revoter car ils n’avaient pas «fait juste» lors premier scrutin.
Non, il n’est pas nécessaire, en Suisse, de s’accrocher aux «monts indépendants», au secret bancaire et autres phantasmes UDC sur les migrants pour considérer que cette Europe-là est en passe de devenir un espace purement totalitaire, remaquillé à la mode du XXIe siècle.
Ce que nous attendons, c’est une Europe politique, sociale, capable certes de collaborer avec des milieux économiques sérieux, mais en conservant la prééminence du pouvoir politique, dans le respect de la démocratie.
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