Le Courrier obtient un sursis de La Poste

Paru dans Le Courrier, le 5 Février 2011
Frédérique Bouchet

AIDE À LA PRESSE

«Le Courrier» a reçu hier une lettre de La Poste l’informant que la suppression de l’aide à la presse était provisoirement suspendue. Un soulagement, mais pour combien de temps ? L’inquiétude reste de mise.
Après des mois d’attente, La Poste a finalement informé Le Courrier de son intention de suspendre sa décision concernant l’aide à la presse. Sans ce revirement, le journal serait contraint de payer 325000 francs supplémentaires au géant jaune durant l’année 2011. La Poste estime toutefois que Le Courrier n’appartient pas à la catégorie «presse locale et régionale» – un argument erroné selon lui – mais elle préfère suspendre sa décision en attendant que le Conseil fédéral publie une ordonnance précisant les critères d’octroi de l’aide à la presse.

Ne pas se réjouir trop vite

Dans la nouvelle loi sur La Poste adoptée en décembre dernier, un article est particulièrement évasif: c’est l’article 16, qui définit les conditions d’acheminement des journaux. Alors que l’ancien article définissait des critères précis pour obtenir l’aide à la presse, le nouveau texte ne précise pas grand-chose, si ce n’est le montant global de l’enveloppe allouée à la presse locale et régionale, qui est passé de 20 à 30 millions de francs. Pour le reste, l’article 16 de la LPO indique simplement que «le Conseil fédéral peut fixer d’autres critères, telles la zone de diffusion, la fréquence de parution, la part rédactionnelle ou l’interdiction d’une promotion prépondérante de produits ou de prestations».
Les journaux doivent donc attendre que le Conseil fédéral publie une ordonnance précisant ces critères pour savoir à quelle sauce ils vont être mangés. Mais pourquoi les parlementaires ont-ils laissé au Département de la communication (Detec) le soin de définir ces critères? «Il s’agissait d’un compromis, explique Maria Roth-Bernasconi, conseillère nationale (PS/GE). Nous n’avons pas précisé les critères de manière ferme, afin de composer avec les différentes tendances politiques qui forment le parlement.» Pour Liliane Maury Pasquier, conseillère aux Etats (PS/GE), «le débat n’est pas clos. Il continue, en parallèle, au sein de la commission des institutions politiques du Conseil national». L’incertitude est encore grande pour les éditeurs, c’est pourquoi il n’y a pas lieu de se réjouir trop vite de cette suspension. En effet, si parmi les futurs critères sont exclus les titres suprarégionaux, il y a à nouveau un risque que Le Courrier se voie refuser l’aide à la presse.

D’autres titres menacés

Comment inclure les éditeurs à cette réflexion et faire en sorte que les petits journaux qui contribuent à la diversité de la presse continuent à percevoir la subvention? Pour Stephanie Vonarburg, de Syndicom, «la consultation devra inclure tous les acteurs concernés, à savoir les syndicats, les éditeurs, les associations et les cantons». Le flou qui existe aujourd’hui donne en fait une possibilité aux éditeurs de plaider pour leur cause, et même pour certains d’essayer de réobtenir l’aide qu’ils ont perdue jadis. Le Courrier compte aussi s’inviter dans cette procédure de consultation. En attendant, il maintiendra la pression politique, d’autant que d’autres titres sont toujours menacés, tels que la Wochenzeitung ou l’Echo Magazine, tandis que Gauchebdo a déjà perdu l’aide à la presse.
La Poste aurait-elle fait une fleur au Courrier? Liliane Maury Pasquier estime que les larges soutiens politiques dont Le Courrier a bénéficié ont certainement contribué à suspendre cette décision. Nathalie Salamin, porte-parole de La Poste, le nie: «L’adoption de la nouvelle loi sur La Poste en décembre dernier et les discussions avec Le Courrier ont pesé dans la balance.»
Le combat à mener reste long. En attendant, les journaux indépendants s’organisent en se réunissant la semaine prochaine, à l’initiative de Gauchebdo, qui invitait hier La Poste à reconsidérer sa position pour l’ensemble des titres concernés. «Entre dix et quinze titres seront présents à cette réunion, indique Julien Sansonnens, pour Gauchebdo. C’est bien plus que ce que nous avions espéré, et cela nous montre que l’attente est importante de la part des éditeurs. Ensemble, nous serons entendus et nous pourrons faire pression auprès des autorités fédérales.»

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