Mini-espoir pour les journaux privés d’aide postale

Le courrier «A» fonctionne. Il aura fallu seulement quatre jours ouvrables à La Poste pour répondre à la lettre ouverte que lui ont adressée le 16 février les deux syndicats nationaux de journalistes et dix-sept journaux menacés de perdre l’aide publique à la distribution postale de la presse. Et leur faire miroiter une lueur d’espoir. Cette missive réclamait le maintien – au moins temporaire – des tarifs préférentiels précédemment octroyés tant que le Conseil fédéral n’aura pas défini précisément les critères d’attribution.

Bon nombre des destinataires de la réponse sont toutefois restés dubitatifs face à la prose du géant jaune. «Je ne suis pas sûr de bien comprendre», avouait hier l’administrateur de Gauchebdo, Julien Sansonnens. Et ce n’est pas parce que la missive est libellée en allemand! Coprésident de Syndicom, Alain Carrupt trouve aussi cette lettre «peu claire». Dominique Diserens, secrétaire centrale d’Impressum précise le malaise: «On ne sait pas quels titres sont concernés par la miniouverture de La Poste.» Jusqu’à Daniel Hammer, secrétaire général de PresseSuisse, association des éditeurs de journaux, qui juge cette lettre «un peu spéciale».
A force de relectures et de traduction, l’analyse d’Alain Carrupt s’est précisée: «La Poste revient en arrière sur un point d’incertitude juridique quant à la définition de la notion de presse régionale afin de ne pas prendre de risque.» Traduite par un bureau d’interprètes, la phrase-clé dit en effet: «Dans le domaine de la presse régionale et locale, il n’y a pas de décision de l’autorité judiciaire suprême concernant le terme ‘régional’, de sorte que La Poste est prête, sur ce point, à une concession consistant à accorder un régime transitoire d’ici à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la poste.» Daniel Hammer confirme que le Tribunal administratif fédéral a posé cette question à l’occasion, sans la trancher, de sorte qu’aucune définition du critère «régional» n’a été donnée, ni par les parlementaires ni par les juges. Il est donc délicat pour La Poste d’exclure des journaux des tarifs préférentiels sur une telle base.
Appelée à préciser oralement l’«esprit» de la réponse de La Poste, sa porte-parole Nathalie Salamin réaffirme la politique d’information du géant jaune. La lettre ouverte étant générale, la réponse porte uniquement sur les principes et les détails relèvent des relations commerciales entre l’entreprise et ses clients, lesquelles ne sont pas commentées publiquement. Nathalie Salamin affirme toutefois que la direction va étudier chaque cas particulier dans ce cadre et appliquera les mêmes critères pour régler des situations similaires. Le Courrier ayant déjà obtenu le moratoire réclamé, il est ainsi permis aux médias placés dans une position identique d’espérer le même régime.

Julien Sansonnens salue la «bonne volonté» affichée par La Poste, mais déplore l’absence de réponse concrète. Pour lui, l’ouverture du géant jaune demande à être confirmée dans des décisions particulières favorables aux titres menacés de perdre le soutien public à leur diffusion: «GaucheHebdo va redemander formellement les tarifs préférentiels en nous appuyant sur la lettre de La Poste et nous verrons bien le résultat. J’encourage chaque journal à faire de même.» Alain Carrupt préconise de centraliser et de confronter les réponses. Mais aussi de viser au-delà du moratoire sur 2011. Le groupe des journaux et syndicats poursuivra ainsi son action au niveau politique, de manière à influer sur l’ordonnance d’application de la nouvelle loi sur la poste en cours de rédaction. I

Le Courrier, Michel Schweri

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