Omission | Depuis 2003, les employés du géant jaune auraient travaillé cinquante minutes par jour sans être payés, selon Syndicom

Le système de calcul du temps de travail des facteurs colis est défavorable aux employés, selon le syndicat Syndicom. En ne leur comptabilisant pas assez d’heures, La Poste aurait ainsi «économisé» 50 millions de francs depuis 2003.
© YVAIN GENEVAY

24 Heures, Sylvain Muller | 28.02.201

«La Poste a volé des millions à son personnel et il aura fallu sept ans pour que le syndicat se bouge. Je ne les félicite pas!» Pierre* est un facteur fâché. Comme ses collègues vaudois syndiqués, il a reçu récemment de son employeur et de son syndicat deux courriers confirmant ce qu’il soupçonnait depuis longtemps: dès le 1er décembre 2003, lui et ses collègues ont travaillé gratuitement. Et pas qu’un peu: en moyenne, cinquante minutes par jour! Un problème qui touche de nombreux facteurs du centre de tri de Daillens, comme d’autres dans le reste du canton et de la Suisse.

«Nous avons toujours dit que le système de calcul du temps de travail des facteurs colis n’était pas favorable aux employés, se défend le secrétaire régional de Syndicom, Eric Schwapp. Mais ce n’est que lorsque nous avons demandé à nos membres de noter leurs heures effectives et de les comparer avec les heures prises en compte par l’employeur que nous avons mesuré l’ampleur de la situation.» Le flyer envoyé par l’ancien Syndicat de la communication à ses membres résume bien le sentiment: «Le résultat nous a laissés pantois.»

En Suisse, l’unité Postlogistics, à laquelle appartient le centre de tri de Daillens, comporte 1400 employés, dont la plupart sont placés sous l’égide du système dit AZB. Ce dernier avait été introduit à fin 2003 dans l’espoir de gagner en objectivité. Avant, les facteurs colis étaient rétribués selon des barèmes définis durant les inspections de leurs tournées.

«Malheureusement, le nouveau système est très compliqué, déplore Eric Schwapp. Les quelques réclamations ont souvent été résolues par des changements de méthode de calcul, qui ont fait disparaître les heures supplémentaires.» Le système prévoit en effet des temps de distribution moyens par colis, alors qu’ils peuvent être très variables: la livraison de cinq paquets dans une entreprise ne prend pas le même temps que dans cinq villas individuelles.

Si l’on considère que le salaire moyen d’un facteur tourne autour de 30 francs de l’heure et qu’il travaille 240 jours par an, la somme «économisée» annuellement par La Poste avoisinerait les 8 millions de francs. Soit plus de 50 millions de francs depuis l’introduction du système, il y a sept ans.

Préjudice à calculer

«Nous sommes tellement contents que La Poste reconnaisse enfin le problème que nous ne voulons pas mettre de l’huile sur le feu tout de suite, précise le secrétaire syndical. Mais nous devrons calculer le préjudice précis, puis discuter au sein de notre groupe de travail national des suites que nous allons donner à cette affaire. Nous sommes en droit de demander un rattrapage des heures effectuées.»

Cette affaire éclate à un moment où les distributeurs de colis sont particulièrement sous pression pour cause d’augmentation du volume de travail. Dans une information interne datée du 26 janvier dernier, Postlogistics promet toutefois «une amélioration sensible de la situation en 2011».

Porte-parole de La Poste, Mariano Masserini, est plus prudent: «Cette durée de cinquante minutes par jour repose sur le sondage effectué par le syndicat. Nous n’avons pas pu la vérifier, mais nous avons offert au syndicat de se remettre autour d’une table. Les discussions vont avoir lieu prochainement. Nous rappelons également que ce mode de calcul du temps de travail a été accepté par chaque employé lorsqu’il a signé son contrat.»

* Nom connu de la rédaction