L’accès à l’eau potable comme droit de l’Homme

1. Il faut un droit à l’eau potable
L’eau est la base incontournable de la vie humaine, mais à l’heure actuelle il n’existe pas de droit de l’Homme à l’eau potable. Le mot eau n’apparaît même pas dans l’index du Haut-Commissariat de l’ONU pour les Droits de l’Homme (www.unhchr.ch/index.htm). Helvetas demande que le droit à l’eau soit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

La Commission de l’ONU pour les droits économiques, sociaux et culturels prépare actuellement un General Comment sur les droits à la nourriture et à la santé dans lequel le droit à l’eau est explicitement reconnu. Helvetas s’en réjouit et demande que l’eau y soit définie comme un bien public.

2. La liste des droits de l’Homme doit être complétée

Après la deuxième guerre mondiale, la Déclaration universelle des droits de l’Homme était centrée sur la violence et les privations de liberté. Plus tard, des aspects sociaux et naturels du développement humain y ont été intégrés. Des droits de l’Homme reconnus aujourd’hui, comme le droit à la santé, le droit à la nourriture et le droit au développement ne peuvent cependant pas être garantis ou respectés sans accès à l’eau potable.

Il devient de plus en plus urgent de réglementer l’accès aux ressources naturelles et d’ancrer explicitement le droit à l’eau comme droit de l’Homme. L’existence implicite d’un droit à l’eau dans les droits cités ci-dessus ne suffit pas:

Les ressources en eau, vitales, deviennent de plus en plus rares; l’eau disponible par personne et par jour en qualité suffisante pour boire, cuisiner, l’hygiène, l’agriculture et l’industrie diminue.

De plus en plus de gens vivent dans des régions où il n’y a pas assez d’eau. Dans 50 ans, 30 à 50% de la population mondiale souffriront du manque d’eau! La distribution équitable des ressources en eau devient toujours plus problématique.

Les conflits entre Etats à propos de l’utilisation de l’eau sont en augmentation. Dans le monde, plus de 300 cours d’eau importants sont utilisés par plus d’un Etat. Le conflit israélo-palestinien est aussi un conflit pour l’eau.

L’approvisionnement en eau potable est aussi une arme utilisée dans les conflits entre Etats: les sanctions introduites par les Etats-Unis contre l’Irak en 1991 ont eu pour conséquence de réduire à 5% les capacités de traitement chimique de l’eau de ce pays. Depuis, la mortalité infantile en Irak à presque doublé, atteignant 5′000 décès par mois. En 1996, Madeleine Albright, alors ambassadrice à l’ONU, déclara à ce sujet sur les chaînes de télévision américaines: “Il s’agissait d’un choix difficile, mais c’est le prix à payer.”

3. Un droit à l’eau aurait des conséquences importantes

Peter H. Gleick, président du Pacific Institute à Oakland en Californie, un institut de recherche indépendant sur les problèmes environnementaux et de développement reconnu mondialement, a déjà fait une proposition sur la façon dont un tel droit de l’Homme pourrait être formulé, sur la base des droits de l’Homme existants:

“Chaque Homme a un droit inaliénable à avoir accès à l’eau en quantité et qualité suffisantes pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Ce droit est protégé par la loi.”(Gleick, The Human Right to Water, in: Towards upstream/downstram hydrosolidarity, 1999)

Un droit de l’Homme ainsi défini aurait des effets dans quatre dimensions:

1. L’eau comme droit de l’Homme exigerait de chaque gouvernement qu’il prenne activement des mesures pour un approvisionnement en eau suffisant. Ce qui ne veut pas dire que la réalisation de ces mesures revient forcément au gouvernement central.

2. La notion de besoin fondamental est claire: il ne s’agit pas d’un droit à l’accès illimité à l’eau – et au gaspillage. Pour couvrir les besoins fondamentaux (boire, cuisiner, se laver), 20 à 40 litres d’eau par personne et par jour sont nécessaires dépendant la région et le climat, selon l’OMS.

3. Le droit à l’eau implique que, comme pour l’aide humanitaire, l’accès à l’eau potable ne doit pas être empêché.

4. Le droit de l’Homme à l’eau implique aussi un devoir de protection: sa distribution équitable, par exemple en situation de sécheresse, doit être garantie, et des mesures adaptées doivent être prises contre la pollution.

4. Quatre raisons pourquoi déclarer un droit de l’Homme à l’eau

Même si un droit de l’Homme à l’eau ne résoudrait pas les problèmes d’un jour à l’autre, il existe au moins quatre bonnes raisons de demander et d’introduire un tel droit:

Première raison: plus de pression pour des investissements à grande échelle

Un droit de l’Homme à l’eau augmenterait la pression sur la communauté internationale et sur les gouvernements pour qu’ils investissent plus d’argent afin de garantir l’accès à l’eau potable. Un droit de l’Homme obligerait les Etats à reconsidérer leurs priorités quant à l’utilisation des moyens disponibles.

Deuxième raison: plus de pression pour des réalisations nationales

Un droit à l’eau reconnu au niveau international augmenterait la pression sur les gouvernements pour qu’ils ancrent les droits et les obligations qui en découleraient dans les lois nationales. L’Etat devrait poser les conditions cadres et régler les responsabilités et les compétences concernant l’accès, la distribution et la protection des ressources en eau. De ce fait, l’individu ne disposerait pas seulement d’un droit à l’eau, mais aurait aussi des devoirs dans l’utilisation de l’eau.

Troisième raison: plus de pression pour des solutions décentralisées

Un droit de l’Homme à l’eau contribuerait à améliorer la gestion souvent lacunaire des ressources en eau dans de nombreux pays. La gestion efficiente et intégrée des ressources en eau, c’est-à-dire la protection et l’utilisation durable de l’eau ne peut pas être réalisée par l’Etat central, mais seulement de manière décentralisée, avec ceux qui sont directement impliqués dans les bassins versants. Les droits de l’eau locaux jouent ici un rôle clé. Ils doivent être transmis aux utilisateurs locaux, afin qu’ils puissent aussi assumer la responsabilité de ‘leur’ eau.

Quatrième raison: plus de pression pour des solutions équitables

Un droit de l’Homme à l’eau focaliserait l’attention sur l’augmentation les conflits internationaux liés à l’utilisation de l’eau. Cela créerait les conditions pour que les revendications de toutes les parties concernées soient prises en considération.

5. Le General Comment comme étape importante

La Commission de l’ONU pour les droits économiques, sociaux et culturels veut s’exprimer dans le cadre de l’Année internationale de l’eau 2003. Elle travaille à un General Comment aux articles 11 et 12 (droit à la nourriture, droit à la santé). Dans un premier jet datant de novembre 2002, le droit à l’eau est explicitement reconnu.

Si le General Comment entre en vigueur, une étape importante aura été atteinte. Les points d’eau à pré-paiement, où l’eau ne coule que lorsqu’une pièce a été insérée, deviendront illégaux; et l’eau ne pourra plus être utilisée comme moyen de pression politique et économique.

Plus d’informations:

- Groupe de travail „Eau – un bien public“, chez la Communauté de travail Swissaid/Action de Carême/Pain pour le prochain/Helvetas/Caritas: www.swisscoalition.ch (sous le thème Eau)

- Revue Sud „Eau“ de la Communauté de travail: www.helvetas.ch/deutsch/pdf/suedmagazin.pdf

- Ricardo Petrella: „Le Manifeste de l’eau – pour un contrat mondial“, Editions Page Deux, commande en ligne sur www.helvetas.biz

- World Water Council: www.worldwatercouncil.org

- International Rivers Network: www.irn.org

Décembre 2002

© Helvetas, association suisse pour la coopération internationale

Rue de la Mercerie 3, CH-1002 Lausanne; tél. ++21 323 33 73 Fax ++21 323 33 74

helvetas@gve.ch; www.helvetas.ch; compte postal: 10-1133-7

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