Au contraire. Alors que le National a balayé le 14 avril une initiative visant à abolir ce privilège pour riches étrangers, le canton affiche un premier bilan positif.
Nadine HaltinerZurich dans 24 Heures
C’est l’année de tous les dangers pour les forfaits fiscaux. Cette forme d’imposition destinée aux étrangers fortunés qui vivent en Suisse mais n’y travaillent pas, et calculée selon leurs dépenses, sera l’objet de nombreuses votations. Il y a un mois, les parlements cantonaux genevois et fribourgeois ont choisi de les maintenir. Hier, le Conseil national a refusé de les abolir au niveau fédéral. Le 1er mai, Glaris se prononcera à son tour. Suivront Saint-Gall, Lucerne, Thurgovie, Berne et Bâle-Ville. Et tous ont les yeux rivés sur Zurich.
Les citoyens de ce canton furent les premiers à supprimer ce privilège fiscal en février 2009. Deux ans plus tard, 46% des étrangers imposés au forfait ont fait leurs valises. Pourtant, le bilan intermédiaire s’avère plutôt positif.
Entrée en vigueur en 2010, l’abolition laissait la possibilité aux contribuables qui ne voulaient pas perdre leur forfait fiscal de quitter le canton jusqu’au 31 décembre dernier; 92 des 201 bénéficiaires ont déménagé dans un autre canton ou à l’étranger. Si le chiffre paraît énorme, ses conséquences le sont beaucoup moins, assurent les communes.
«Les défenseurs des forfaits fiscaux ont peint le diable sur la muraille en annonçant d’importantes pertes fiscales. Aujourd’hui, force est de constater que notre situation financière est loin d’être dramatique», note Hans Wyler, secrétaire communal d’Erlenbach, située sur la très chic Goldküste.
Au contraire, l’opération est même rentable. Plus loin, à Meilen, son homologue Didier Mayenzet assure que «d’autres bons contribuables ont remplacé les départs. Et ils paient plus d’impôts, car ils sont taxés normalement!» «Les effets sont aussi positifs chez nous, ajoute Pius Rüdisüli, secrétaire de Herrliberg, où cinq forfaits sur douze ont disparu. Malgré la fin des forfaits, la région reste attractive, grâce à l’aéroport et à la ville si proche. »
Des propos confirmés par les agents immobiliers. «Si certains étrangers ne souhaitent plus s’établir dans le canton parce que le privilège fiscal a disparu, le marché ne s’est pas effondré, constate Claude Ginesta, directeur de Ginesta Immobilien à Küsnacht. Les logements des contribuables partis ont vite retrouvé preneur. »
Le fisc en profitera-t-il?
En ville de Zurich, 51 contribuables sur les 105 imposés à la dépense ont déménagé. «Mais il semble que les départs et les arrivées s’équilibrent, dit Paul Aschwanden, directeur du Service des impôts. Pour l’heure, la perte fiscale ne semble pas importante. »
Une thèse défendue par Marius Brülhart, professeur d’économie à la Faculté de HEC de l’Université de Lausanne. «Jusqu’à présent, je partais du fait que l’imposition au forfait était rentable pour le fisc, écrit-il sur son blogbatz. ch. Depuis que j’ai vu les données de Zurich, je ne suis pas sûr que cet instrument soit aussi fructueux. 54% des anciens bénéficiaires de forfaits sont restés à Zurich et devront passer plus considérablement à la caisse. Le fisc zurichois devrait en profiter davantage. Selon mes calculs, qui comportent toutefois une marge d’erreur, il faudrait qu’au moins trois quarts des contribuables ainsi taxés déménagent pour qu’il y ait un effet négatif sur les rentrées fiscales. »
Mais le sourire des communes et des spécialistes est tempéré par Roger Keller, porte-parole du Département cantonal des finances. «La vision des communes est trop restreinte, conclut-il. Si un citoyen imposé au forfait est remplacé par un nouveau contribuable, elles ne doivent pas oublier que ce dernier a sans doute quitté une autre commune qui, elle, pleure son départ. Les conséquences financières réelles ne pourront être mesurées qu’à partir de l’année prochaine. »
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