Grèce : Des mesures d’austérité inouïes

Il nous a semblé intéressant de présenter cet article qui décrit les mesures d’austérité prises en Grèce et les privatisations que tout cela suppose. Toutes ces mesures s’ajoutent à celles déjà prises en 2010 qui sont détaillées plus bas.

Deux trains de mesures d’austérité ont été imposés à la population grecque. Un premier mémorandum a été imposé le 5 mai 2010. Un mémorandum « actualisé » vient d’être décrété par le gouvernement social-démocrate PASOK, le FMI, l’Union Européenne et la grande bourgeoisie grecque le 30 juin 2011. Ce plan prévoit 28 milliards d’euros d’économies et des privatisations pour 50 milliards. Le deuxième train de mesures antisociales visent à réduire davantage le coût du travail. En voici un aperçu détaillé, suivi d’un rappel du premier train.
Ceçile Chams et Jean Pestieau, 20 juillet 2011

Relations de travail

· Une loi instaure que les accords au niveau de l’entreprise priment sur les accords sectoriels.

· Une loi permet à toute entreprise, non membre de l’Union des entreprises, de ne pas appliquer la convention collective que cette dernière a signée. Jusqu’à ce jour, elle était obligée de l’appliquer après sa validation par le Ministère du Travail.

· Une réglementation adapte le système d’arbitrage dans la signature des conventions collectives de travail aux exigences des patrons; elle spécifie en effet que l’arbitrage « doit promouvoir la compétitivité sur base du coût du travail et de la création d’emploi ».

· Toutes les restrictions sur la durée du travail à temps partiel et des contrats temporaires sont abolies par la loi n° 3846/2010, entérinée par le gouvernement en mai dernier.

· Une période d’essai d’un an est prévue pour les nouveaux emplois (contre deux mois jusqu’à présent). Pendant cette période, les employeurs peuvent licencier sans préavis et sans indemnité de licenciement.

· La mise en œuvre de la Directive Bolkenstein prévoit d’abolir le salaire minimum afin d’encourager les investissements.

Sécurité sociale

· Les allocations de chômage seront réduites drastiquement dans le but d’économiser 500 millions d’euros.

· La loi 3836/2010 réforme les principaux paramètres du système des pensions. Cette loi antisociale n’est qu’un début. L’objectif de cette nouvelle offensive est défini dans le mémorandum « actualisé » : l’augmentation des dépenses publiques pour les retraites ne pourra dépasser les 2,5% du PIB entre 2009 et 2060. Le financement des fonds de pension par l’État sera contrôlé selon les études de l’Institut national de statistique. Tout dépassement de la limite de 2,5% entraînera une modification de la loi et des nouvelles mesures antisociales.

· Abolition de toute garantie de l’État aux pensions complémentaires. Selon le mémorandum « actualisé », le gouvernement effectue une révision en profondeur du fonctionnement des fonds publics de pensions complémentaires. Le but du gouvernement est de ne pas débourser un seul euro du budget de l’État pour les fonds de pensions complémentaires. Actuellement, les fonds auxiliaires octroient 1 million de pensions et leur déficit est énorme à cause de la politique du PASOK et de la Nouvelle Démocratie. Selon les nouvelles directives, ils ne pourront plus octroyer des pensions ou alors des pensions extrêmement réduites. Le mémorandum « actualisé » prévoit par ailleurs que les dépenses liées aux pensions resteront stables, même en cas d’augmentation du nombre des bénéficiaires (actuellement 2,8 millions de travailleurs paient des cotisations aux fonds de pensions complémentaires). En même temps, la liste des professions lourdes et pénibles est revue, afin qu’elle ne concerne tout au plus que 10% des travailleurs. L’âge de la retraite dans les secteurs et professions qui seront exclus de la liste augmentera de 5 à 7 ans. La nouvelle liste s’appliquera à partir du 1er juillet 2011 à tous les travailleurs en fonction et à venir.

· Des nouvelles exigences sont introduites pour bénéficier des pensions d’invalidité. Des milliers de pensions d’invalidité seront réexaminées avec, pour conséquence, la réduction et même la suppression de nombreuses pensions.

· Une contribution de 3 euros sera imposée pour toutes les prestations externes des hôpitaux publics, des cliniques de jour et des centres de santé.

· Augmentation de 20 à 30% des soins et examens hospitaliers.

· Révision de tous les programmes sociaux subsistants en vue de leur suppression.

Pillage des salaires par les augmentations d’impôts

· Une nouvelle augmentation de la TVA, de 11% à 23%, est imposée pour un grand nombre de biens et de services (plus de 30%).

· Élargissement de la base de l’impôt immobilier par l’actualisation des actifs, ce qui signifie que les travailleurs devront payer 400 millions d’euros en plus.

· Taxes spéciales pour l’utilisation des espaces qualifiés de semi-extérieurs.

· « Taxe verte » sur l’émission de CO2.

· Gel de l’indexation des pensions, ce qui signifie que les pensionnés perdront 100 millions d’euros.

· Imposition forfaitaire des indépendants, qui rapportera au moins 400 millions d’euros.

· Les primes versées pour les heures supplémentaires dans les entreprises publiques seront réduites. C’est l’objectif de la loi sur l’« harmonisation des paiements dans le secteur public » qui impose des réductions des indemnités.

Poursuite de la privatisation des secteurs stratégiques

· Chemins de fer : nouveaux licenciements par la réduction de 35% des effectifs. Augmentation des tarifs pour augmenter de 55% les revenus de la compagnie. Réduction de 20% du salaire minimum. Vente des actifs du chemin de fer et cession des lignes rentables à des compagnies privées qui augmenteront les tarifs. Fermeture des lignes dites « déficitaires »: cette mesure aura pour conséquence que de nombreuses régions du pays ne seront plus desservies par le chemin de fer.

· Transports publics : licenciements massifs, réduction des salaires, abolition des droits des travailleurs, augmentation de 30 à 50% des prix des billets. Diminution et/ou fermeture de lignes.

· Énergie : libéralisation du marché de l’énergie et attribution de l’infrastructure de la Compagnie Publique d’Électricité (DEH) et des ressources énergétiques (hydrauliques, lignite) à des groupes industriels privés. Augmentation drastique de 40 à 100% des tarifs appliqués aux ménages et aux agriculteurs.

· Les professions réglementées (par exemple celle des taximan) vont être libéralisées : le seuil d’accès à ces professions sera réduit, ce qui générera de nouveaux profits pour les capitalistes. Les indépendants de ces secteurs seront éjectés du marché sous la pression des entreprises privées.

Un programme dit de moyen terme vient d’être imposé et la loi d’application a été votée en juin dernier. Ce programme instaure la réduction des salaires et des pensions, l’augmentation de l’âge de la pension, la réduction des aides sociales complémentaires et des indemnités pour les professions malsaines et à risque, la suppression des primes pour les heures supplémentaires puisque la durée du temps de travail est devenue flexible, des salaires de 500 euros par mois pour les jeunes (premier emploi). La suppression des conventions collectives signifie que chaque capitaliste peut désormais intimider le syndicat de l’entreprise ou créer un syndicat maison et concocter une convention collective pour l’entreprise, bien plus avantageuse pour lui qu’une convention générale ou sectorielle. Les capitalistes peuvent désormais librement établir des contrats temporaires c’est à dire licencier sans verser d’indemnités, réduire les avantages sociaux, etc.

Le gouvernement prétend que la privatisation des entreprises publiques comme la Compagnie Publique d’Electricité (DEH), des routes, des voies maritimes, des ports, des aéroports, des banques (par exemple TT), etc., a pour but de remplir les coffres de l’Etat et de rembourser les dettes. En réalité, le but poursuivi est d’offrir à bas prix des secteurs de l’économie afin que les capitalistes puissent investir l’excédent de capital qu’ils ont accumulé.


2010 : le premier hold-up contre les travailleurs

Un premier train de mesures d’austérité avait été décrété les 3 mars et 3 mai 2010. C’est la plus importante vague de régression sociale depuis les années cinquante.

Les mesures principales, entrées en vigueur depuis, sont les suivantes:

· Abolition des primes de Noël, de Pâques et d’été des fonctionnaires et de tous les pensionnés des secteurs public et privé.

· Réduction de 20% des traitements des fonctionnaires.

· Gel des salaires et des pensions des secteurs public et privé pour les trois années à venir.

· Réduction de 10% des salaires des travailleurs des entreprises d’utilité publique qui ne bénéficient plus d’aucun subside.

· Réduction de 3 à 10% des pensions de plus de 1.400 euros.

· Annulation du paiement de la deuxième tranche de l’« indemnité de solidarité » en faveur des couches les plus pauvres de la population.

· Augmentation à deux reprises du taux de la TVA en 2010.

· Augmentation à trois reprises en 2010 des accises sur le carburant, avec pour résultat, une augmentation de 63% du prix de l’essence sans plomb.

· Augmentation à trois reprises en 2010 des accises sur les boissons alcoolisées et le tabac. Le prix des cigarettes a ainsi augmenté de 40% en un an. Le prix des boissons a lui augmenté de 3 euros par bouteille.

· Imposition d’une taxation supplémentaire des indépendants sur la base de leurs revenus de 2009.

· Il faut désormais avoir cotisé durant 40 ans au lieu de 37 ans pour bénéficier d’une pension complète.

· Réduction drastique du montant des pensions (plus de 35%). Le montant de la pension est désormais calculé sur base du salaire des dix dernières années de travail au lieu des cinq années les mieux rémunérées de la vie active.

· Suppression de la retraite avant l’âge de 60 ans par le biais de la suppression de la prépension, ce qui affecte surtout les mères et ceux qui ont plus de trois enfants.

· Réduction de 6% par an des pensions de retraite de ceux qui ont cotisé pendant 40 ans et qui « osent » prendre leur pension avant l’âge de 65 ans.

· Démolition du système des pensions des fonctionnaires qui est désormais calqué sur le système de la sécurité sociale du privé.

· Les femmes doivent désormais travailler 5 à 17 ans de plus, au nom de l’égalité avec les hommes.

· Le principe de « l’alignement des pensions sur l’espérance de vie » est désormais introduit, ce qui ouvre la voie au travail jusqu’à 70 ans.

· Le concept de « pension liée aux revenus » a été introduit. Il équivaut à une allocation sociale et n’est pas accordé avant l’âge de 65 ans[1].

· Les dépenses de l’État en matière de pensions ont été fortement réduites : elles ne couvriront désormais que la pension liée aux revenus. Ainsi est aboli le financement en trois volets (travailleurs, patrons, Etat) du système de sécurité sociale.

· Les conventions collectives de travail et le salaire minimum ont été abolis. Une nouvelle législation prévoit des salaires initiaux réduits pour les jeunes et les chômeurs de longue durée. Sous prétexte de la mise au travail des jeunes et des chômeurs de longue durée, le salaire minimum de 740 euros ne sera plus que de 500 euros.

· Ils ont aboli la journée de 8 heures et réduit les primes pour les heures supplémentaires. Les limites à la durée du temps de travail ont été totalement abolies.

· Le seuil des licenciements autorisés a été augmenté pour les entreprises de 21 à 200 salariés.

· Le montant des indemnités de préavis a été drastiquement réduit de 50%.

Nous remercions la Section internationale du CC du KKE de nous avoir fourni les données de cet article.

[1] Semblable à la GRAPA, la Garantie de Revenus Aux Personnes Agées, en Belgique. Elle n’est octroyée qu’aux personnes âgées ne disposant pas d’autres moyens pour survivre.

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