Les députés fribourgeois liquident la privatisation de l’eau

COLLECTIVITÉS PUBLIQUES • Le Grand Conseil a passé hier en première lecture la loi sur l’eau potable. Celle-ci veut prévenir les tentations de privatisation.

Si l’eau est devenue dans certaines parties du monde un enjeu majeur, parfois méchamment spéculatif, l’or bleu qui coule à profusion dans notre pays n’est heureusement pas l’objet de conflit. Il n’empêche: les pouvoirs publics doivent se soucier de sa maîtrise, de manière à garantir un accès économique à toute la population. Le conseiller d’Etat fribourgeois Pascal Corminboeuf, chef des Institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF), l’a rappelé hier en préambule à l’examen de la loi sur l’eau potable soumise au Grand Conseil.

Tous les groupes parlementaires ont salué le projet. De manière générale, celui-ci ne révolutionne rien mais prévient toute tentation de privatisation, en confiant aux collectivités publiques la responsabilité de l’exploitation et de la distribution de l’eau. La loi garantit aussi la qualité de l’eau, la transparence des prix et l’approvisionnement en temps de crise. Et elle harmonise les règlements communaux.

Sous contrôle public
Dans le canton de Fribourg, les communes ne sont pas les seules à pouvoir bénéficier d’une concession d’utilisation des eaux publiques. En Gruyère par exemple, la société EauSud SA exploite un réseau qui dessert une trentaine de communes. A Fribourg, ce rôle revient à la Société industrielle. Et en Singine, plusieurs sociétés ou coopératives assurent la distribution de l’eau potable. Mais toutes sont contrôlées par les pouvoirs publics.

Pour tenir compte de cette particularité, la commission ad hoc a proposé que non seulement les collectivités publiques mais également les personnes morales entièrement détenues par ces dernières puissent obtenir une concession. Le Conseil d’Etat s’y est rallié.

Le député Bruno Boschung (PDC) a proposé d’assouplir la version de la commission, en précisant qu’une concession peut aussi être octroyée à des personnes morales «majoritairement» détenues par les collectivité publiques. «Si l’on accepte cette proposition, on ouvre la boîte de Pandore», estime la verte Christa Mutter qui craint que de puissants actionnaires privés n’influencent le prix de l’eau. «Un tel amendement va à l’encontre de l’esprit de loi», a rappelé pour sa part Christian Bussard (PDC), le président de la commission. «Il ne faut pas modifier la loi pour de rares cas», renchérit le socialsite Raoul Girard. Au vote, le Grand Conseil a écarté l’amendement Boschung.

Le Grand Conseil fribourgeois a d’autre part biffé, comme le souhaitait la commission, une disposition qui aurait permis aux communes de taxer annuellement les propriétaires pour financer en partie les coûts d’infrastructure de la défense incendie. Au regret de Pascal Corminboeuf.

L’oubli des économies
La deuxième lecture de la loi est prévue demain. Elle devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2012. Après quoi, les communes auront quatre ans pour élaborer leurs plans des infrastructures d’eau potable. Sur ces bases, le canton va à son tour élaborer un plan cantonal. Une fois ce dernier adopté, les communes auront encore deux ans pour se conformer à la planification cantonale. A signaler également que l’entrée en vigueur de la loi ne rendra pas caduques les concessions actuelles, qui iront à leurs termes.

On relèvera aussi que cette loi ne prévoit aucun mécanisme pour économiser l’eau, comme l’a souligné Christa Mutter. Un regret partagé par Raoul Girard, pour qui la loi aurait été «parfaite» si elle avait aussi mis l’accent sur cet aspect. I

MERCREDI, 5 OCTOBRE, 2011
Claude-Alain Gaillet, Le Courrier

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