De plus en plus de citoyens sont étranglés par les dettes

Ne payez pas les frais de retards injustifiés!

SOCIÉTÉS DE RECOUVREMENT • Les pratiques des sociétés de recouvrement sont sur la sellette.Les personnes endettées peuvent en effet contester les frais supplémentaires qui plombent leurs dettes.Le Tribunal fédéral doit statuer prochainement.

Antoine vit à Genève et comme de plus en plus de citoyens, il est étranglé par les dettes. Il devait 164,70 francs aux laboratoires d’analyses Unilabs, facture qu’il n’a pas pu honorer. Il reçoit ainsi un décompte d’une société de recouvrement et découvre, avec effarement, qu’il doit payer 208 francs de frais de retard justifié par l’article 106 du Code des obligations (CO).Michelle, mère de famille vaudoise, doit pour sa part régler une facture de 1718 francs à un médecin. Sa franchise étant de 1500 francs, elle peine à la payer dans les temps. Après deux rappels, c’est une société de recouvrement qui entre en action. Avec un courrier? Non, un coup de fil à la maison un soir, lui réclamant ce dû. «Une semaine plus tard, je reçois un e-mail comminatoire de cette société, puis un sms!» s’exclame-t-elle. Finalement, une nouvelle facture atterrit dans sa boîte aux lettres, alourdie de 285 francs de frais de retard. A Genève, Marc a payé avec quatre jours de retard une facture internet de 56 francs. Quelle ne fut pas sa surprise de recevoir une douloureuse allongée de 180 francs pour les frais supplémentaires…

Pas de bases légales

Crise oblige, de plus en plus de Suisses ont du mal à payer leurs factures. Ainsi, les créanciers, qu’il s’agisse de médecins ou encore d’entreprises de téléphonie mobile, font appellent à des sociétés de recouvrement pour récupérer la créance et l’intérêt moratoire de 5%. Gros couac cependant, ces sociétés prélèvent aussi des frais de retard lors de chaque rappel en s’appuyant sur l’article 106 du CO. Frais qui ne sont pas anodins, puisqu’ils peuvent parfois dépasser la facture initiale! Or, pour respecter cet article, ces sociétés ont l’obligation d’apporter la preuve d’une recherche, comme dans un cas de personnes disparues.

Ne payez pas!

Neuf fois sur dix, des avocats, la Fédération suisse des consommateurs (FRC), le centre social protestant ou encore DetteSOSecours interviennent: «Ces frais supplémentaires ou de retard ne reposent sur aucune base légale,» relève Nadine Frossard, juriste à la FRC. Les frais doivent être prouvés. Ce sont hélas des méthodes qui sont de plus en plus courantes et contestables. Il ne faut pas payer ces frais. Le risque que le débiteur nous mette en demeure existe, mais l’expérience montre que ces sociétés ne vont pas jusqu’à la procédure de poursuite. Il faut tenir bon et ne pas se laisser impressionner par les courriers, ni par les téléphones ou les sms.»Maître Daniel Meyer, avocat à Genève, est pour sa part intervenu plusieurs fois dans des cas similaires: «Il s’agit de méthodes de cow-boys. La plupart du temps, les gens paient sans savoir. A ma connaissance, jamais une société de recouvrement ne poursuivra un client qui n’aurait pas payé les frais indus.» Maître Robert Assaël relève pour sa part: «A partir de la mise en demeure, le débiteur doit des intérêts de 5 %. L’article 106 CO est bel et bien une base légale permettant de demander tout dommage supplémentaire, encore faut-il qu’ il dépasse le montant des intérêts et que le créancier puisse le démontrer. Or, ce que font souvent les sociétés de recouvrement n’est pas correct, car elles ajoutent simplement les frais aux intérêts, escomptant sur le fait que le débiteur va payer sans poser de questions.»Même son de cloche à DetteSOSecours: «Ces frais sont excessifs, précise Claude Pashoud, professeur honoraire en droit et juriste à DetteSOSecours. Un créancier qui attend qu’on lui paie une facture de 54 francs, ne peut pas demander 250 francs de frais au débiteur. Cela n’a aucun sens. Il faut faire opposition partielle, donc uniquement sur ces frais-là et non pas sur la dette et l’intérêt moratoire», conseille-t-il vivement.
«Il s’agit de méthode de cow-boys, et la plupart du temps, les gens paient sans savoir.»

Me Daniel Meyer, avocat à Genève

Comment se défendre?
Par Christine Zaugg, 22 septembre 2011 - D.R.

ChZ • L’article 106 du Code des obligations entend que l’on doit payer les dommages supplémentaires lorsqu’on peut en amener les preuves. Selon le juriste de DetteSOSecours, il faut faire une opposition partielle sur les frais supplémentaires s’ils ne sont pas justifiés. Le juriste du Centre social protestant (CSP) de Genève, Rémy Kammermann, précise que pour faire opposition, il est indispensable de ne pas avoir signé de reconnaissances de dettes: «Le bureau d’encaissement essaie presque toujours de dissimuler ses frais d’honoraires en stipulant frais de retard ou prétention découlant de l’art.106 CO. Or, les frais du bureau d’encaissement sont à la charge du créancier et ne doivent pas être supportés par le débiteur.» Enfin, le site dettes.ch, prévient qu’il vaut mieux demander un arrangement avec son créancier et reconnaît que: «si vous avez payé la douloureuse, il sera très difficile de récupérer l’argent. Si rien d’autre n’est convenu, le créancier ne peut demander qu’un intérêt moratoire de retard de 5%. Pour exiger plus, le créancier doit prouver que l’intérêt ne couvre pas le dommage. Mais dans les faits, le créancier ne peut pratiquement jamais apporter cette preuve.»

Par Christine Zaugg, 22 septembre 2011, Lausanne Cités

2 commentaires à “De plus en plus de citoyens sont étranglés par les dettes”


  1. 1 Stéphanie 10 sept 2014 à 14:13

    Bonjour,
    Suite à une erreur bancaire (payement sur un mauvais compte d’Unilabs), je me suis retrouvée avec des courriers d’Intrum Justitia. J’ai pris contact avec Unilabs pour leur faire part de ma surprise, et c’est ainsi que nous avons découvert l’erreur de payement que j’avais effectuée. Deux mois après les faits, et ma dette initiale ayant été honorée, Intrum Justitia m’envoie aujourd’hui un courrier nommé “Décompte”. Dans ce courrier il m est demandé de m’acquitter :
    Des Frais du Client 15.00 CHF
    Intérêts: 0.50ct
    Frais de retard selon 106 CO: 58 CHF
    Frais de conseil juridique: 10CHF

    Le montant initial de la facture était de 21.95CHF.
    J’ai été de bonne foi en payant ma facture, Unilabs et Intrum Justitia était au courant. L’erreur de compte bancaire a été réparée, suis je tenue de payer l’ensemble de ces frais supplémentaires.
    Merci

  2. 2 Andrea 10 sept 2014 à 17:15

    C’est toujours ainsi avec ces sociétés de recouvrement ! Les montants qu’ils nous demandent sont toujours exorbitants.
    Mais les frais 106 CO peuvent être contestés. Le CSP, Caritas ou Unafin à Lausanne peuvent vous expliquer comment, ainsi que la ligne InfoBudget.
    Bonne chance !

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