Le transport public a encore de la route à faire en campagne

Davantage de trains, de bus, des cadences accélérées… Les attentes des Broyards en termes de mobilité n’ont pas fini de donner la migraine aux politiciens

De Mur, où elle habite, Meryl Amiet met 70 minutes pour rejoindre son gymnase, à Payerne. En voiture, elle mettrait la moitié de ce temps.

Toc, toc! Tac, toc! Le bitume claque dans la nuit sous les talons de Meryl Amiet, comme un métronome. Cette longiligne étudiante de 17 ans vit à Mur, dans le Vully, entre les lacs de Neuchâtel et de Morat. Autrement dit «à l’autre bout du monde» vu de Lausanne.

Dans la Broye, les garagistes peinent à cacher leur joie. Les Broyards sont des vrais cancres en matière de transports publics. Seuls 9% utilisent le rail ou le bus contre 27% pour la moyenne nationale. Ici, la voiture est reine et le scooter roi chez les ados. Allez développer un réseau de transports publics dans ces conditions!

Pour compliquer le tout, plusieurs partenaires – CFF, TPF (P fribourgeois), CarPostal, Publicar, ScolaCar (pour les écoles) – se partagent cette région entrelacée de frontières cantonales, et parfois sans coordination. Tout se complique alors pour qui veut se déplacer uniquement en train ou en bus.

Interminable trajet
A 6 h 30 Méryl a déjà chaussé ses escarpins de ville pour quitter sa campagne. Direction le gymnase de Payerne. «Je me rends d’abord à l’arrêt du bus qui me conduira à Sugiez (FR). Ensuite, je prends le train pour Morat (FR), puis un autre jusqu’à Payerne», explique-t-elle. Elle mettra 70 minutes pour rejoindre son école. Idem pour rentrer le soir. En voiture, la moitié du temps aurait largement suffi.

«C’est bien joli d’avoir des bus dans les villages, lance Meryl en pressant le pas. Mais il faudrait doubler les cadences, créer des lignes directes et aussi harmoniser les correspondances.» Claude Amiet, son père, soupire. «On nous dit que l’offre des bus ne sera améliorée dans les villages que si le nombre d’usagers augmente. Mais pour cela, il faut d’abord améliorer l’offre… Bref, on tourne en rond.»

Les villages grandissent
Attendu pour 2018, le futur RER vaudois Morat-Payerne-Lausanne est bien emmanché. Il imposera non seulement la cadence à la demi-heure, mais il ira aussi un chouia plus vite. Actuellement, comptez une heure pour faire Payerne-Lausanne; une heure et quart pour Avenches-Payerne. «C’est bien d’améliorer le train, dit Blaise Baumann, syndic de Cudrefin. Mais il ne faut pas oublier les localités importantes qui sont privées de rail.»

C’est précisément le cas de sa commune. Cudrefin, 1300 habitants, vit une croissance spectaculaire. «Chaque année une centaine de nouveaux résidents viennent s’installer en provenance de Neuchâtel, la ville voisine, dit Blaise Baumann. Il croise les doigts: «J’espère que les futurs députés se battront pour développer les bus. Nous avons besoin d’un réseau de bus dense entre les villes-centres de la Broye et le Vully. Et tout de suite.»

Bon pour les affaires
Sur la banquette de sa berline avec chauffeur, Roland Morisod, harassé par le jetlag d’un retour des USA, se frotte les yeux. Il a parié gros sur Lucens, où il possède une centaine d’appartements. Depuis cinq ans, l’immobilier flambe dans la région. De nombreux Lausannois viennent habiter à Moudon ou à Lucens.

C’est ce qu’on appelle l’effet M2. «Ça devient la périphérie de Lausanne par ici, dit-il. A Lucens, j’ai toujours plus de locataires qui renoncent à la voiture au profit du rail. Ce sont de vrais urbains.» Pour le promoteur, il est urgent d’augmenter les cadences du train entre les villes- centres telles qu’Avenches, Payerne, Lucens ou Moudon. «Et pas seulement à la demi-heure, il faut passer au quart d’heure! Pas besoin d’investir des millions pour un superréseau de bus dans les villages: c’est à proximité des axes ferroviaires que l’habitat doit être densifié.»

Agent immobilier dans la région, Alexandre Jordan abonde: «Par ici, une commune bien desservie en transports publics, cela se traduit par une forte demande pour les terrains et donc une hausse des prix d’environ 20%.»

De la place et des trains de nuit, s.v.p.!
La mise en service de deux RER (Fribourg-Payerne-Yverdon et Morat-Payerne-Lausanne) est attendue par toute une région. «N’empêche que c’est loin 2018, tempête une quinquagénaire sur le quai de Moudon. Et puis il faudrait d’abord commencer par améliorer l’existant. C’est tous les jours la galère sur cette ligne. Faute de place, les gens sont debout. On est comme des sardines jusqu’à Lausanne et les trains sont toujours plus souvent en retard. J’ai écrit aux CFF pour me plaindre. On m’a répondu que l’on ne peut rien faire. Ce que j’attends des futurs députés? Qu’ils mettent la compresse: nous voulons davantage de wagons aux heures de pointe. Et ça, ça peut se faire tout de suite.» Dans son salon de coiffure de Corcelles-près-Payerne, Dorine Fatio fait virevolter son peigne et ses ciseaux.

Comme des centaines de jeunes Vaudoises, elle descend s’éclater au Flon les week-ends. «Pour les jeunes, il y a deux problèmes avec le train: d’abord les prix. Les billets sont trop chers. Ensuite, il nous manque un train ou un bus pyjama au milieu de la nuit. Un train vers 3 h du matin ferait un carton. Il y a beaucoup de jeunes Broyards qui vont faire la fête à Lausanne. Attendre le premier train à 5 h, c’est long. Alors, ils prennent la voiture. En fait, les politiciens doivent nous donner envie de prendre les transports publics. Nous sommes l’avenir, non?»

24 Heures

2 commentaires à “Le transport public a encore de la route à faire en campagne”


  1. 1 Catherine Vaillant 19 juin 2012 à 17:52

    Bonjour ,
    A Tours 37 , les chauffeurs de bus se sont mis en grève pendant 15 jours le mois dernier , et ils ont débuté une 2eme grève depuis le 09/06 toujours d’actualité ce jour et ce pour une période illimitée .Il est bien évident que les problèmes collatéraux pour les usagers sont importants et les conséquences multiples . Je cherche à vous contacter pour savoir quels sont les droits et recours dans ce cas .
    Respectueusement
    Catherine Vaillant

  2. 2 Andrea Eggli 1 juil 2012 à 11:54

    Bonjour !
    Nous sommes basés en Suisse et ne connaissons pas les lois et les droits des usagers en France. Nous ne pouvons malheureusement pas vous renseigner.
    Je suis d’avis que si les conditions de travail et salariales des employés du service public sont difficiles, ils faudrait peut-être que les usagers les soutiennent, cela dans le but de ne pas péjorer le service public. Il faudrait donc connaître leurs revendications et quelle est la retombée pour le service public. Nous avons ici souvent appuyé les revendications d’employés du service public parce qu’elles allaient dans le sens d’un meilleur service.
    Cordialement,
    Andrea Eggli



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