Halte aux cadeaux fiscaux aux privilégiés !

Les allégements fiscaux concédés par le Canton aux multinationales étrangères et aux riches sont loin d’être aussi rentables pour les finances publiques que veut le laisser croire la droite.

Appâter les entreprises et les richards du monde entier par des exonérations ou de larges rabais fiscaux fait partie des spécialités suisses, au même titre que le chocolat, les montres, le secret bancaire et le Cervin. Et dans ce domaine, c’est le canton de Vaud qui détient la palme. On savait déjà que le beau Pays de Vaud hébergeait la majorité des riches étrangers au bénéfice d’un forfait fiscal. Et on vient d’apprendre - au détour d’un rapport du Contrôle fédéral des finances révélé par la TSR et de la réaction du gouvernement vaudois - que le canton abritait aussi le gros des entreprises défiscalisées.

« La majeure partie de ces allégements fiscaux a été accordée en 2007 à des entreprises de services proches de la production. Leur volume est particulièrement élevé dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, où la compétence d’octroi appartient au département des finances cantonal et non au Conseil d’Etat, comme dans les quatorze autres cantons concernés. Selon la loi, les allégements fiscaux dépassant 50% devraient constituer l’exception. Or ce n’est pas le cas dans les deux cantons mentionnés », avertissait déjà en mars 2011 le Contrôle fédéral dans son rapport annuel.

Ainsi, 23 milliards de bénéfices, dont 16 milliards dans le seul canton de Vaud, auraient échappé totalement ou partiellement au fisc en 2007. En 2010, Vaud comptait 50 sociétés exonérées pour l’impôt fédéral et pour l’impôt cantonal et communal, et 75 autres exonérées pour ces deux derniers.

Avec le secret fiscal, la jungle des taux appliqués aux différents types de sociétés et l’exonération qui peut être totale ou partielle, un calcul exact des pertes fiscales nous est impossible. On peut toutefois l’estimer au bas mot à au moins 500 millions par an, et probablement même beaucoup plus ! La droite au pouvoir justifie ces cadeaux par la création de places de travail. Et le fisc s’y retrouverait au travers de l’impôt payé par les cadres de ces entreprises, au revenu plus que confortable. Or il est bien connu que la plupart de ces entreprises apportent les cadres avec elles, et si elles engagent des salariés locaux, c’est souvent à des postes subalternes ou accessoires.

Quant à l’impôt sur le revenu des employés censé compenser les exonérations, on peut lire dans la presse que la masse salariale de ces sociétés s’élèverait à 231 millions pour toute la Suisse. Ce qui, par extrapolation, représenterait au grand maximum une cinquantaine de millions d’impôts au canton de Vaud. On est donc bien loin du compte…

Délocalisation fiscale

Les conséquences nuisibles de ces pratiques sont par contre bien réelles, en plus de l’immoralité et de l’iniquité fiscale. Ainsi l’arrivée massive de cadres surpayés, et qui peuvent acheter ou louer à n’importe quel prix, a fortement contribué à la raréfaction et à l’explosion du prix du logement sur les bords du Léman ! Sans parler des véritables ghettos anglophones qui sont en train se former dans certains villages.

Mais le pire est qu’avec ces pratiques d’état parasite, la Suisse en général et Vaud en particulier promeuvent activement la délocalisation fiscale dont souffrent les pays d’origine de ces entreprises. Tout comme nous souffrons des délocalisations de notre industrie. Et à force de draguer des sociétés sans scrupule, nous allons le payer au prix fort le jour où celles-ci trouveront un autre paradis fiscal encore plus avantageux. Est-ce ça que nous voulons ? Assurément pas ! Raison pour laquelle il faut en finir avec ces pratiques peu loyales, même si elles sont légales. L’arc lémanique a d’autres atouts à faire valoir : excellente situation géographique, centres de formation et de recherche, aéroport international, offres culturelles et sportives de haut niveau, etc.

La gauche vaudoise s’est toujours opposée aux exonérations fiscales, ainsi d’ailleurs qu’aux forfaits fiscaux. Maintenant qu’elle est majoritaire au Conseil d’Etat, c’est l’occasion ou jamais de montrer qu’elle tient ses promesses !

Gauchebdo, vendredi 10 février 2012, par Jean-Paul Dudt, la rédaction

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