ACTA : les médicaments génériques deviennent des contrefaçons

ACTA : signature de l’accord sur la privatisation des savoirs

Brevetabilité du vivant, attaque contre les médicaments génériques, censure d’Internet… Voilà ce que viennent de signer ce jeudi au Japon en toute discrétion les pays les plus riches, au profit exclusif de grands lobbys industriels, sous le nom d’Accord commercial anti-contrefaçon.

L’ACTA vise à établir un nouveau cadre juridique qui outrepasserait l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) comme l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle). Cet accord a été décidé dans une absence totale de transparence entre pays riches : l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis, les États-Unis, le Japon, la Jordanie, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et l’Union européenne. Il vient d’être signé ce jeudi au Japon. Et ce traité est dicté uniquement par des intérêts financiers et industriels, au mépris de toute considération humaine et démocratique.

Les médicaments génériques deviennent des contrefaçons

L’ACTA va ainsi mettre à mal la circulation des médicaments génériques, particulièrement ceux produits en Inde, au nom de la lutte contre la contrefaçon. Un exemple récent éclaire parfaitement ce problème. L’Inde produit des génériques pour lutter contre le cancer, permettant un accès aux soins des plus démunis. Le laboratoire suisse Novartis veut en interdire la vente jugeant que le générique viole un de ses brevets. Le laboratoire veut ainsi imposer aux Indiens malades de cancer un traitement à 2500 euros par mois, contre 150 euros pour les génériques de même efficacité (Lire à ce sujet : Un procès décisif pour l’accès aux médicaments). L’ACTA va permettre au laboratoire de faire condamner l’Inde, contrairement à ce que préconise l’OMC qui permet à certains États de casser un brevet sur les médicaments si des priorités de santé publique sont démontrées.
On pourrait multiplier les exemples, notamment avec les médicaments génériques pour séropositifs à destination de l’Afrique qui resteront bloqués à la frontière… C’est un problème tel que le Rapporteur spécial sur le droit à la santé à l’ONU a déclaré récemment que l’ACTA violait les droits de l’homme. Marie-Georges Buffet disait également à l’occasion du dernier Sidaction : “Je voudrais aussi mettre en garde sur les dégats que causerait l’adoption de l’Anti-Counterfeiting Trade Agreement, dit accord ACTA pour la politique de la France en matière politique internationale de lutte contre le sida en risquant de restreindre l’accès aux antirétroviraux de dernière génération pour une partie importante de la population.”
La logique est la même en ce qui concerne les semenciers, qui à l’instar des laboratoires pharmaceutiques, auront également la possibilité d’imposer des verrous biologiques.

La fin de la neutralité d’Internet

Sur Internet et le numérique, l’ACTA se révèle tout aussi dangereux. Et son adoption par les pays membres de l’UE se révèle à l’opposé des décisions récentes de la Cour de Justice Européenne, qui s’est fermement opposés au filtrage d’Internet. La semaine dernière encore, Viviane Reding, commissaire chargée de la Justice, disait : “La protection des créateurs ne doit jamais être utilisée comme un prétexte face à la liberté d’Internet”.
L’ACTA va rendre les fournisseurs d’accès Internet responsables de ce que font leurs clients, les obliger à divulguer les informations touchant leurs clients tout en restreignant l’usage d’outils informatiques protégeant leur vie privée. Autrement dit les FAI vont surveiller les internautes, les empêcher de se protéger et surtout vont filtrer Internet pour bloquer les contenus qui seraient illégaux. De même, les douaniers auront la possibilité de regarder dans les baladeurs ou téléphones de ceux qu’ils contrôlent, pour vérifier s’il n’y a pas de MP3 contrefaits. Et comme pour les médicaments génériques, l’ACTA fait peser de sérieuses menaces sur le monde du logiciel libre.

L’Accord commercial anti-contrefaçon, c’est la main basse des groupes industriels sur la connaissance, c’est empêcher la libre-circulation des savoirs, c’est imposer au monde une ignorance de masse et une consommation coûteuse et standardisée. C’est la privatisation du vivant, du génome, de la culture, de la connaissance.

Pour être définitivement ratifié, cet accord doit encore passer devant quatre commissions européennes avant d’arriver d’ici quelques mois au Parlement Européen pour un vote définitif. (Lire : ACTA : un accord qui ne respecte pas le droit européen, signé par l’UE)
Il est donc grand temps de se mobiliser, un contestation que fédère aujourd’hui la Quadrature du Net. “Les citoyens européens doivent reconquérir la démocratie face à l’influence néfaste d’intérêts industriels sur la politique globale3. Lors de chacun des débats et des votes sur ACTA au sein des commissions du Parlement européen, les citoyens doivent alerter leur élus” appelle le porte-parole de l’association.

Une excellente vidéo explicative sur ACTA par la Quadrature du Net (malheureusement seulement en anglais) et une autre en français.

Jérôme Relinger, animateur de la commission “révolutions numériques et société de la connaissance” du PCF, alertait dès 2008 contre les ravages de l’ACTA : Libérer les biens communs du libéralisme
Numerama nous informe que le rapporteur de l’ACTA au Parlement européen a démissionné ce jeudi, jour de la signature de l’accord. Un acte qui, espérons le, fragilisera le texte lorsqu’il devra être signé par les euro-députés.
Anonymous s’implique bien entendu dans la lutte conte ACTA, dans la suite des protestations contre PIPA et SOPA : voir leur communiqué vidéo.

Pierric Marissal, L’Humanité.fr

0 commentaire à “ACTA : les médicaments génériques deviennent des contrefaçons”


  1. Aucun commentaire

Laisser un commentaire





Bad Behavior has blocked 199 access attempts in the last 7 days.