On connaissait les perdants, le nom des gagnants est enfin révélé. Les millions de francs de recettes fiscales évaporés depuis la réforme de l’imposition des entreprises, votée par le peuple en 2008, ont pour heureux et principaux propriétaires les Schmidheiny, Hoffmann, Wyss, Vekselberg, Glasenberg, Vontobel, Jakobs et autres grands noms de l’oligarchie helvétique, selon une information parue dimanche dans Der Sonntag.
Les chiffres publiés par l’hebdo alémanique donnent le tournis. En 2011, première année sous le nouveau système, à eux seuls, les actionnaires principaux de Synthes, Adecco/Barry Callebaut et Glencore ont touché chacun plus de cent millions de francs de dividendes nets d’impôts. Il fallait bien ça pour réconforter les propriétaires des numéros un mondiaux du travail temporaire, du chocolat ou du négoce, en ces temps de crise.
Au total, avions-nous révélé le mois dernier1, ce sont 1,2 milliard de francs qui ont retrouvé, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le chemin des portefeuilles déjà les mieux garnis du pays. Merci qui?
Pour mémoire, la réforme fiscale en question avait été arrachée de justesse en votation populaire (50,1%) contre la promesse d’effets modérés – on parlait de dizaines de milliers de francs – et de favoriser les investissements dans les PME. En plein dans le mille!
Et la fête ne fait que commencer. Selon les calculs de deux autres journaux alémanique2, la facture sera bien plus salée à l’avenir. La faute au mécanisme choisi par les Chambres fédérales, qui exonère la dissolution, sous forme de dividendes à des personnes physiques, des réserves d’une entreprise, même si celles-ci ont été constituées sous l’ancien régime fiscal. Or, selon les annonces déjà effectuées à l’administration, ce sont plus de 700 milliards de francs qui dormiraient dans les bilans des entreprises et qui n’attendraient que l’occasion de rejoindre les caisses des actionnaires. Avec un manque à gagner fiscal chiffré à au moins 47 milliards de francs, selon le Tages-Anzeiger. L’équivalent d’une année de rentes AVS et AI!
Dans n’importe quel pays démocratique, une telle arnaque fiscale aurait suscité l’ire des médias, plongé la classe politique dans la crise, puis provoqué soit une nouvelle votation soit un changement de majorité politique lors des élections. Dans n’importe quel pays…
1. Le Courrier du 17 février.
2. NZZ am Sonntag et Tages-Anzeiger relayés par www.domainepublic.ch
Le Courrier, Benito Perez
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