Les vieux ne sont-ils que des coûts et des profiteurs ?

« Les seniors claquent leur pension et sollicitent l’Etat » vient de titrer un quotidien lémanique. C’est en constatant que les rentes complémentaires (PC) ont atteint 4,3 milliards de francs par an, augmentant ainsi de 40% en cinq ans, que certains assènent sans nuance cette généralité – « les seniors plus cigales que fourmis » – sans tenter de se demander, avant de lancer des anathèmes, quelles peuvent être les causes réelles d’une telle augmentation.

Ils préfèrent crier haro sur les rentiers qui dilapideraient honteusement leur capital du 2ème pilier en voyages de luxe et autres excentricités pour aller implorer ensuite l’aide de l’Etat. La suite logique d’un tel raccourci leur permet de proposer la création d’une nouvelle assurance pour les vieux, censée garantir leurs soins et qui serait payée par tous.

En voilà une nouvelle merveilleuse idée qui permettrait à des assureurs de s’en mettre plein les poches sans qu’on sache réellement ce qui serait remboursé avec cette manne accumulée. Une suggestion délétère qui ancre une fois de plus l’idée que les vieux ne sont que des coûts et, pire encore, des profiteurs. Cela rejoint la rengaine des caisses maladie qui veulent augmenter les primes des vieux et « inverser la solidarité «  comme elles disent.

Les prestations complémentaires AVS AI sont destinées à compléter des rentes insuffisantes. Or, il est important de rappeler que les rentes AVS ne correspondent en effet toujours pas à ce qu’impose pourtant la Constitution fédérale à son article 112 a, soit « la couverture des besoins vitaux ». Le refus d’appliquer ce principe constitutionnel a conduit à la création indispensable et temporaire de PC afin de permettre de couvrir les coûts de la santé et ceux des loyers tout en mangeant à sa faim. Sans plus.

Il est possible que certains retraités aient imprudemment retiré leur avoir du 2ème pilier pour acheter un appartement, ce qui est vivement recommandé par les milieux immobiliers, ou pour créer leur petite entreprise grâce aux conseils du chômage. Ce n’est pas toujours une grande réussite et cela démontre la complexité et les limites de l’utilisation des quelque 700 milliards accumulés dans le 2ème pilier. C’est le coût de la santé et celui des loyers qui justifie l’essentiel des demandes de PC.

Sur une fortune globale de 544 milliards, on compte en Suisse quelque 300′000 millionnaires et 140 milliardaires. Or, les statistiques de la Confédération d’avril dernier sur le coût de l’assurance maladie jettent une lumière aveuglante sur la pauvreté dans notre pays, pauvreté qui touche les actifs comme les retraités. Ainsi 2,3 millions de personnes en Suisse, soit un tiers des assurés, ne peuvent payer leurs primes d’assurance sans l’aide de l’Etat. Notre pays compte beaucoup de pauvres, près d’un millions selon Caritas : personnes seules (60% de ceux qui sont aidés) et familles monoparentales, familles nombreuses et retraités. Que quelques personnes aient vidé leur 2ème pilier n’est pas la cause cette pauvreté. Vouloir créer une nouvelle assurance est une aberration en Suisse qui bat déjà le record européen de la charge des ménages pour les coûts de la santé.

Il conviendrait plutôt de se poser la vraie question, celle de la répartition des richesses.

Christiane Jaquet, Gauchebdo du 23 mai

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