Les trains de la ligne Lausanne-Berne passeront tout droit à partir de 2013, causant la colère d’une région. Les pendulaires lancent une deuxième pétition.

«Nous sommes sacrifiés de manière inacceptable par les CFF!» lance Eric Davet (48 ans). Cet informaticien fribourgeois travaillant à Genève fait partie du flot de pendulaires qui vont travailler chaque matin dans l’arc lémanique. A 5 h 44 ou à 6 h 44, il monte dans l’InterRegio à Romont pour rejoindre le bout du Léman. Or, les arrêts de Romont et de Palézieux seront supprimés dès 2013. Ces trains passeront tout droit, sans s’arrêter entre Fribourg et Lausanne.

«Ceux qui vont à Genève vont devoir emprunter le Regio Express (RE) et perdront au bas mot 19 minutes. Ou alors nous devrons changer de train à Lausanne et Dieu sait les temps d’attente», s’énerve le pendulaire. Il a lancé une pétition vendredi dernier (www.petitioncff.ch), qu’il fera circuler ces prochains jours parmi les voyageurs. C’est déjà la deuxième: une première lettre de protestation partie de la région de Palézieux et nantie de plus de 1700 paraphes, a été remise aux CFF au début de l’été.

Les CFF prennent ces griefs au sérieux. «Nous avons entendu ces demandes et nous étudions la possibilité de garder un ou deux trains qui s’arrêtent tôt le matin et tard le soir», explique Frédéric Revaz, porte-parole de l’ex-régie. Mais sur le fond, impossible de maintenir la desserte de Romont et de Palézieux dans sa forme actuelle. L’horaire Romandie 2013 (lire ci-contre) ne permettra plus aux trains sur l’axe Berne-Lausanne-Genève de «perdre» 5 minutes en s’arrêtant à Romont et à Palézieux.

«Même des arrêts très courts de 2 minutes, c’est dramatique en matière d’horaire parce que cela empêcherait deux trains de circuler entre Morges et Nyon dans la futur», explique Vincent Ducrot, directeur des Transports publics fribourgeois (TPF) et ancien directeur de la division voyageurs aux CFF. «Or cela fait des années que l’arc lémanique réclame des liaisons supplémentaire et l’horaire 2013 apportera des améliorations pour presque tout le monde. Je veux bien que les passagers pour Genève perdront quelques minutes, mais ils ne sont qu’une centaine à faire Romont -Genève chaque jour sur quelque 250 000 voyageurs quotidiens en Suisse romande.»

Eric Davet estime que la décision de «prétériter» la région de Romont est une volonté délibérée des autorités fribourgeoises. Doris Leuthard l’a laissé entendre au Conseil national, le 19 septembre: «La dégradation de l’offre à Palézieux n’est pas due à l’introduction des rames RE, mais s’avère nécessaire pour pouvoir réaliser le RER Fribourg, a dit la ministre. Le canton de Fribourg a négocié avec les CFF ce nouveau concept de train RER direct Bulle-Romont-Fribourg et Berne.» Ce que Beat Vonlanthen, conseiller d’Etat fribourgeois en charge des transports, dément: «Le RER Fribourg n’est pas la cause, mais une conséquence du concept Romandie 2013, a-t-il précisé à La Liberté. Et on ne peut pas dire que le RER prétérite les voyageurs à Palézieux. Sur ce point, Mme Leuthard n’a pas reçu une information complète.»

Entre une meilleure des destinations intermédiaires de l’arc lémanique et un RER fribourgeois qui desservira mieux la Gruyère, Eric Davet se sent quantité négligeable. «J’espère vraiment que ma pétition sera signée et surtout suivie d’effet, dit-il. Sans quoi j’envisage de reprendre ma voiture. Du reste, c’est ce que vont faire beaucoup de gens pour rejoindre des gares intermédiaires. On nous a encouragés à devenir des pendulaires mobiles et maintenant on nous sacrifie!»

24 Heures, Par Patrick Chuard le 17.10.2011