Un coup de massue postal s’abat sur la presse helvétique

LA POSTE • Les tarifs de la distribution de journaux devraient augmenter. La volonté du parlement de renforcer l’aide à la presse est bafouée, pour certains.

Le géant jaune a faim de nouvelles rentrées financières. Et les éditeurs risquent bien d’en faire les frais. La Poste veut augmenter dès le 1er janvier prochain les tarifs de la distribution des journaux. Une annonce qui suscite l’ire de la branche, mais aussi des organisations syndicales et patronales, touchées au travers des publications destinées à leurs membres.
En 2011, le géant jaune a réalisé un bénéfice de 904 millions de francs et la tendance s’est poursuivie durant le premier semestre 2012. Mais la distribution de journaux est dans les chiffres rouges, affirme La Poste. L’an dernier, ce déficit était de 101 millions, un calcul contesté par les éditeurs.

Cinquante millions
La hausse, échelonnée sur trois ans, devrait atteindre 6 centimes par exemplaire distribué. Bilan escompté de l’opération: 50 millions de rentrées annuelles supplémentaires pour La Poste à l’horizon 2015. Médias suisses, l’association des médias privés romands, s’oppose à cette augmentation. «Les éditeurs ont fait beaucoup d’efforts ces dernières années, en procédant à un tri préalable des journaux afin de faciliter la tâche des facteurs, argumente son secrétaire général, Daniel Hammer. Nous soupçonnons La Poste de ne pas prendre sa part et de nous faire porter les coûts complets.»
A l’inverse, le géant jaune estime qu’il a déjà été assez généreux. «Les éditeurs ont reçu ces dernières années des cadeaux qui se chiffrent à plusieurs centaines de millions de francs, lance le porte-parole Mariano Masserini. Ce n’est pas à La Poste de subventionner la presse suisse!»
Politiquement, l’affaire est gênante. Le parlement vient de renforcer l’aide à la presse régionale et associative, qui est passée de 30 à 50 millions par année. Un soutien sapé par la hausse des tarifs postaux. «Nous avons un conflit avec La Poste, car elle ne respecte pas la volonté du parlement», lance le conseiller national Hans-Jürg Fehr (ps/SH). «Au moment de fixer le montant de l’aide à la presse, le parlement était au courant des déficits de La Poste dans le domaine des journaux», rétorque Mariano Masserini.
La Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats se saisira de la question la semaine prochaine. Son homologue du National fera de même le 18 novembre. Ceci afin de tirer la sonnette d’alarme auprès du Conseil fédéral, espère Hans-Jürg Fehr. Les tarifs pour les journaux bénéficiant de l’aide à la presse sont en effet de la compétence du gouvernement et non pas de La Poste, estime le socialiste.
La décision du géant jaune fâche nombre d’institutions. L’Eglise catholique a écrit à la conseillère fédérale Doris Leuthard pour dénoncer une mesure qui «méprise gravement la volonté du parlement» et plongera certaines publications paroissiales «dans une situation critique».
Les principales organisations syndicales et patronales ont adressé quant à elles une lettre au président du conseil d’administration de La Poste, Peter Hasler. Ce dernier leur a répondu qu’il réexaminerait la question au début du mois de novembre. «Pour l’instant, les mesures d’économies sont confirmées, indique Mariano Masserini. La Poste a résilié ses contrats actuels avec les éditeurs et dans les semaines à venir elle leur proposera de nouveaux contrats.»
Michaël Rodriguez, Le Courrier

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