La gratuité des transports publics ne fait pas recette
Lausanne • La proposition de La Gauche d’étendre la gratuité des TL jusqu’à l’âge de 25 ans ne séduit pas au-delà de ses rangs.
Le débat sur la gratuité des transports publics s’invite à nouveau au Conseil communal lausannois. Quatre ans après l’adoption du principe d’une subvention communale pour l’abonnement des écoliers et des jeunes, le groupe La Gauche propose de faire un pas supplémentaire, en étendant la gratuité à l’ensemble des 16-25 ans. Sa motion, qui passera au plénum dans les prochaines semaines, se heurte cependant à l’hostilité de la droite, mais aussi à l’opposition du camp rose-vert. Tout indique donc que ce pas ne sera pas franchi.
Mobilité douce
Depuis 2010, les écoliers de la capitale bénéficient d’un abonnement gratuit sur le réseau des Transports publics lausannois (TL) pour autant qu’ils résident à plus d’un kilomètre de leur établissement scolaire. Jusqu’à 20 ans, tous les jeunes Lausannois obtiennent en outre un abonnement à moitié prix. Mais pour Hadrien Buclin, cette limite d’âge est trop précoce, compte tenu que les jeunes poursuivent souvent leur formation au-delà et, sans ressources propres, restent à charge de leurs parents. Leur offrir l’abonnement des TL permettrait de soulager ces familles.
D’autre part, cette mesure encouragerait les jeunes adultes à privilégier la mobilité douce, soutient l’élu de La Gauche-solidaritéS. Car cette tranche d’âge correspond aussi à «un âge critique où l’on décide de passer le permis et de prendre une voiture – ou pas». A l’appui, Hadrien Buclin énumère les villes européennes où l’on peut voyager sans ticket, comme Aubagne (F) ou Charleroi (B). «Partout où la gratuité a été adoptée, on constate, y compris chez les jeunes, que les gens prennent moins la voiture et favorisent les transports publics», insiste le conseiller communal.
Une «mesure arrosoir»
Quoique étayé, l’argumentaire peine à convaincre dans les autres formations. «Les jeunes n’ont pas besoin d’être incités. Ils connaissent le système des transports publics, dont ils sont même les principaux utilisateurs. Pour réduire le nombre de voitures, il faut surtout qu’ils gardent cette bonne habitude», estime le chef du groupe PLR, Pierre-Antoine Hildbrand. Chez les Verts, Yves Ferrari est plus catégorique: «Si un jeune doit payer 600 francs par année pour un abonnement, il va effectuer un choix entre les transports publics et la voiture. Mais s’il sait qu’il n’a plus à débourser un centime, il va forcément choisir la voiture, en se disant qu’en cas de problème, il pourra toujours utiliser gratuitement les transports publics».
L’écologiste se dit a priori favorable à des réductions ciblées pour les familles à bas revenu, mais ne veut pas entendre parler d’une «mesure arrosoir» qui toucherait l’ensemble d’une catégorie d’âge. «Je connais des jeunes qui, à 25 ans, gagnent déjà très bien leur vie.
Et on voudrait leur payer un abonnement?», s’étrangle-t-il.
Mauvais timing
La proposition de La Gauche rencontre aussi une opposition de principe sur la question du financement. Tant Pierre-Antoine Hildbrand que Yves Ferrari soulignent que la facture des TL est déjà supportée aux deux-tiers par la collectivité. Prendre en charge le tiers restant, ne serait-ce que pour les jeunes, nécessiterait donc un effort supplémentaire du contribuable «et finalement, ce sont toujours les mêmes qui pai(erai)ent». L’UDC Claude-Alain Voiblet ne dit pas autre chose: «Il ne faut pas rêver: tout ne peut pas être gratuit, ou alors on a une imposition très élevée.»
La Gauche, qui suggère de financer la gratuité en récupérant la diminution d’un point d’impôt décidée au niveau cantonal, voit aussi sa motion atterrir au parlement communal au moment où la ville s’est engagée dans une cure d’austérité budgétaire. Dans ce contexte, la proposition «n’est pas tenable à l’heure actuelle», estime Rebecca Ruiz. «La baisse du point d’impôt financera d’autres choses, c’est sûr. D’autant plus que l’on sait d’ores et déjà que la facture sociale de la ville va encore augmenter», analyse la présidente du Parti socialiste lausannois. Au demeurant, le PS devrait s’en tenir à sa position de 2009, selon Rebecca Ruiz. «A l’époque, il avait déjà été question d’étendre l’âge des abonnements gratuits. Nous avions estimé que 20 ans était un bon âge et que l’on couvrait déjà passablement de besoins.»
Hadrien Buclin relativise cependant l’importance de la dépense. «La hausse des recettes de l’impôt sur les personnes physiques est de 15 millions. En comparaison, les 4 ou 4,5 millions que coûteraient cette mesure me semblent tout à fait à la portée de la ville.»
Gland vote sur la gratuité des bus pour les écoliers
Les habitants de Gland doivent se prononcer le 3 mars sur l’instauration de la gratuité des bus pour les écoliers. Un groupement citoyen est à l’origine de cette proposition. Il a lancé une initiative communale au lendemain de l’adhésion de Gland à la Communauté tarifaire vaudoise en décembre 2010. L’intégration des Transports urbains de Gland (TUG) au réseau Mobilis avait eu pour effet de doubler le coût de l’abonnement annuel pour les 6-25 ans. Passé de 185 à 405 francs au moment du changement, le sésame coûte aujourd’hui 435 francs. Pour les initiants, cette hausse oblige certaines familles à renoncer à l’abonnement et favorise le recours à la voiture, donc l’augmentation du trafic.
La Municipalité et le conseil communal appellent cependant à rejetter l’initiative, tout comme l’ensemble des partis à l’exception du Parti socialiste. La raison de cette opposition massive est d’abord financière, explique le syndic, Gérald Cretegny: dans un contexte où «tous les coûts augmentent», la gratuité représenterait une charge supplémentaire de 1 million pour la ville de 12 000 habitants. Soit plus du double des dépenses actuelles pour les transports publics, qui s’élèvent à environ 700 000 francs au budget 2013. Ce montant englobe une participation communale de 135 francs pour chaque abonnement écolier. «Nous subventionnons 60% de la hausse tarifaire», précise l’édile centriste.
Outre le refus d’un nouveau report de charge sur la collectivité, le syndic parle aussi d’«un choix de santé publique». «Nous privilégions les déplacements à pied, qui nous semblent une solution tout à fait valable pour la majorité des élèves de Gland», ajoute Gérald Cretegny, tout en rappelant que les quelques élèves habitant à plus de 2,5 kilomètres des bâtiments scolaires bénéficient automatiquement de la gratuité. Au-delà de cette distance, la loi scolaire oblige en effet le canton et les communes à financer l’intégralité des déplacements entre le domicile et l’école.
Arnaud Crevoisier, Le Courrier, 2 février 2013
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