Le peuple veut des billets moins chers

La baisse tarifaire demandée par le lobby des aînés est acceptée, à la surprise quasi générale. Toute hausse future pourra être attaquée en référendum.
«Je n’y croyais pas!» C’est un Christian Grobet groggy qui a découvert, hier, la victoire de l’Avivo contre la quasi-totalité des partis politiques et du Conseil d’Etat. A 55,9%, les Genevois acceptent la baisse tarifaire des Transports publics genevois (TPG).

Ils donnent aussi au Grand Conseil – et non plus au Conseil d’Etat – la compétence de fixer les prix. Ce qui ouvre la possibilité d’attaquer tout changement par référendum, la grille tarifaire étant inscrite dans la loi.
Président du comité d’initiative du lobby des aînés, M. Grobet salue la «sanction» populaire: «Les gens sont mécontents» du nouveau réseau, en particulier du «démantèlement» des lignes de trams, qui se sont réduites à trois. Or le réseau a été introduit fin 2011, en même temps que la hausse tarifaire à laquelle s’est opposée l’Avivo. Les usagers n’en ont pas eu pour leur argent, à entendre le maire de Genève Rémy Pagani. L’élu de Solidarités – l’extrême gauche soutenait l’initiative – en veut pour preuve la stagnation de la fréquentation.

Les 19-25 ans lésés
L’abo général passera de 700 à 500 francs, et à 400 francs pour les seniors et les juniors jusqu’à 18 ans. Le billet Tout Genève (3,50 francs) repassera à 3 francs. Il coûtera 2 francs pour les seniors et les juniors. Alors qu’en Suisse on est junior jusqu’à 16 ans, les initiants ont étendu la catégorie jusqu’à 18 ans. Problème: celle des 6-25 ans n’a pas été reconduite. Les abos préférentiels pour les 19-25 ans passent donc à l’as. M. Grobet reconnaît cette «erreur» et attend ses opposants au tournant: que le parlement rétablisse ces avantages qu’il prétendait conserver puisqu’il en a désormais la compétence.
A gauche, Verts et socialistes œuvreront dans ce sens. «Ce sera une priorité, mais on n’a pas la majorité au Grand Conseil», commente, «catastrophée», la présidente des écologistes Emilie Flammand. «Il est regrettable d’avoir dressé les générations les unes contre les autres, réagit Alain-Dominique Mauris. Mais, pour l’éviter, si les usagers ne paient pas, qui le fera?» demande le président du PLR, rappelant que son parti est opposé à toute hausse d’impôts. Au MCG, seul parti du parlement favorable à l’initiative, on plaidera pour des tarifs préférentiels pour «les jeunes en formation jusqu’à 25 ans».
Selon le Conseil d’Etat, l’initiative entraînera un manque à gagner de 24 millions de francs. Prenant acte du résultat, la cheffe de la Mobilité, Michèle Künzler, y voit «un grand coup de frein des transports publics dans le Grand Genève». Elle esquisse trois scénarios: une hausse de la subvention étatique de 52% à 58%; une baisse des prestations – l’équivalent de deux lignes de trolleybus ou de 150 postes; ou «un mix des deux». «Le Conseil d’Etat tentera de préserver au maximum les prestations», ajoute la magistrate écologiste.

Expliquer la défaite
M. Grobet ne croit pas au «trou» pronostiqué: «La baisse tarifaire attirera de nombreux clients pour peu que les TPG en fassent la publicité.» Le cas échéant, le MCG, pourtant maître d’œuvre de l’austérité budgétaire, invite au respect de la volonté populaire et plaide pour augmenter la subvention étatique. Le parti va jusqu’à réclamer que le billet soit valable deux heures.
De même, M. Grobet somme les partenaires de la communauté tarifaire Unireso de renégocier rapidement pour conserver le billet unique permettant de circuler avec sept opérateurs du Grand Genève. Mme Künzler y travaillera, mais elle craint que ce ne soit plus possible et que les détenteurs de l’abonnement CFF demi-tarif perdent les tarifs préférentiels. Car «nous contrevenons désormais aux principes tarifaires suisses».
Comment le président du Conseil d’Etat explique-t-il cette défaite? Les partis n’ont pas fait campagne, accuse en substance Charles Beer. Selon Mme Künzler, les Genevois ont sanctionné un réseau qui, pourtant, s’est étendu et fonctionne bien. La faute à «l’inadmissible communication» des TPG, au «flottement au niveau de sa direction» et à «l’impossibilité» de disposer de statistiques fiables et rapidement.
Ainsi Mme Künzler conteste-t-elle que, malgré l’extension de l’offre, la fréquentation du réseau ait stagné en 2012. De même, le taux de satisfaction serait revenu à la normale. «Je vais reprendre la main sur les TPG, il y aura des conséquences», avertit la conseillère d’Etat.
Les changements doivent entrer en vigueur dans deux mois, selon l’initiative. Mme Künzler les annonce plutôt pour décembre.
Quant aux élections? «Je suis une personne combattive!» I

Le Conseil d’Etat sonné

C’est un conseil d’Etat quelque peu fataliste pour ne pas dire désinvolte qui s’est présenté hier devant la presse pour commenter les résultats.

Heureusement que le peuple a bien voté sur les caisses de pension, car il n’y avait aucun plan B, a annoncé son président Charles Beer. Qui a dit que gouverner c’est prévoir? Et cela explique peut-être aussi la réaction perplexe du gouvernement genevois devant le second résultat: l’acceptation de l’initiative de l’Avivo visant à réduire les tarifs des TPG.

Le nez dans le guidon, le Conseil d’Etat a vaguement tenté de nouer la gerbe en annonçant une politique mi-figue mi-raisin, faite de démantèlement de certaines prestations et de menaces de limogeage aux TPG.

En l’occurrence, ce que le peuple demande, ce sont des transports publics à l’écoute des besoins des usagers et qui ne ruinent pas les familles. Le vote de ce week-end implique un manque à gagner de 25 millions pour la régie publique? Il est de la responsabilité de ce gouvernement d’en prendre acte et de déposer une demande de dépassement de crédits dans le cadre du contrat de prestations.

En intégrant le fait que, sans doute, les députés acquis à la bagnole n’en voudront pas, le Conseil d’Etat se place en position de faiblesse et s’avoue battu d’avance. Qui ne tente rien n’a rien: il y a là une chance de s’appuyer sur une légitimité populaire pour faire œuvre de progrès social. Ne la gaspillons pas sans autre.

 Le Courrier, Philippe Bach, Rachad Armanios

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