Une guerre d’influence entre les lobbies de consommateurs

Le texte «En faveur du service public» a abouti. Emanant des magazines de consommateurs, il provoque des crispations.
L’initiative déposée hier à Berne émane des journaux «Bon à savoir» , «K-Tipp» , « Saldo» et « Spendere meglio» , une force de frappe de 2 à 3 millions de lecteurs par mois.
C’est nouveau, les médias lancent des initiatives. Hier, à Berne, quatre magazines de défense des consommateurs ont déposé leur texte «En faveur du service public » . Le peuple sera certainement appelé aux urnes pour dire s’il accepte que les entreprises de la Confédération soient contraintes de faire primer la notion de service public abordable et de qualité sur les bénéfices.

Une victoire d’étape

Munie de 106 000 signatures validées, dont un tiers de Suisse romande, l’initiative émane des journaux Bon à savoir, K- Tipp, Saldo et Spendere meglio, édités par la société zurichoise Konsumenteninfo. Une force de frappe de 2 à 3 millions de lecteurs par mois.

«C’est une victoire d’étape, se réjouit Zeynep Ersan Berdoz, rédactrice en chef de Bon à savoir. C’est la première fois que les journaux de défense des consommateurs se lancent seuls dans une telle entreprise.» Moteur de la démarche: les doléances des lecteurs. «Cela fait des années qu’ils nous envoient leurs témoignages sur la dérive des services publics, explique- t- elle. La Poste, par exemple, qui fait des bénéfices depuis 2004, ne cesse de raboter les prestations.»

Dans le comité d’initiative figurent uniquement des cadres des journaux concernés. Aucun parti
Zeynep Ersan Berdoz Rédactrice en chef de «Bon à savoir»

La Fédération romande des consommateurs (FRC) et son homologue alémanique SKS ne font pas partie des initiants. Et pour cause. En effet, cette démarche politique s’inscrit dans un climat de concurrence entre la FRC, organisation de consommateurs sans but lucratif, qui publie aussi un magazine, et des journaux tournés vers le profit.

Confusion des genres

«Même si la FRC partage ces problèmes, elle juge la solution de l’initiative non pertinente. C’est un fourre-tout», critique Mathieu Fleury, son secrétaire général. Il accuse les initiants de piétiner les plates-bandes de la FRC, lobbyiste politique. «Il y a confusion des genres, peste-t-il. Si les initiants voulaient réellement faire changer les choses, ils ne se seraient pas lancés en solitaire. On a clairement affaire à une campagne de promotion de ces magazines!»

Une force alternative

Argument balayé par les initiants, qui se décrivent comme « une force alternative de la défense des consommateurs». Ce n’est pas la première fois que ces journaux s’engagent politiquement. En 2009, ils avaient lancé le référendum contre la réduction des rentes du deuxième pilier. «Notre engagement correspond à une évolution de la société, martèle Zeynep Ersan Berdoz. Le public veut changer les choses, et il attend cela de notre part.»

A Berne, la sénatrice Géraldine Savary ( PS/ VD) copréside le groupe interparlementaire créé sous l’impulsion de la FRC pour traiter des dossiers de consommation. «Il est difficile sur le fond de critiquer l’initiative, commencet-elle. Mais sur la forme, c’est un ovni. L’opération sent le placement marketing.» Le PS discutera de l’opportunité de soutenir ou non le texte.

Tribune de Genève, Martine Clerc

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