Les jeunes popistes demandent la gratuité des transports publics

NEUCHÂTEL • Les Jeunes POP lancent une pétition en faveur de la gratuité des transports publics pour les moins de 25 ans. Le projet reçoit peu de soutien.

La jeunesse du Parti ouvrier populaire (POP) a lancé cette semaine, auprès du Grand Conseil neuchâtelois, une pétition demandant la gratuité des transports publics pour les moins de 25 ans. Elle entend ainsi encourager un mode de transport écologique, favoriser la mobilité, mais également soulager les familles. Sur la scène politique neuchâteloise, la pétition obtient un accueil mitigé (lire ci-dessous).

Conflit entre haut et bas
En 2010, une motion parlementaire du député vert au Grand Conseil Patrick Herrmann proposait des abonnements à un tarif préférentiel pour les élèves du secondaire. Le Conseil d’Etat avait rejeté la proposition. Aujourd’hui, le POP va plus loin. En éliminant le «critère scolaire», qui avantage souvent les étudiants au détriment des salariés ou des jeunes sans emploi, il souhaite atténuer le clivage entre universitaires et ouvriers, «qui est déjà assez présent», remarque Quentin Stauffer, porte-parole des Jeunes POP.

«Privilégier la mobilité douce et l’utilisation des transports en commun font partie de nos objectifs pour l’avenir», déclare M. Stauffer. La dégradation du climat social dans la région motive également les pétitionnistes. Ils citent notamment le manque de contacts entre «le haut et le bas» du canton. «On a remarqué l’existence d’un conflit entre le Littoral (Neuchâtel) et la Montagne (La Chaux-de-Fonds), qui fonctionnent comme deux espaces clos», explique M. Stauffer.
Le prix des transports aggrave cette situation. «Entre 15 et 18 ans, les jeunes ont envie de découvrir leur canton, mais ceux qui n’ont pas la chance de recevoir de l’argent de poche se heurtent à l’obstacle financier.» Selon Heinz Etter, responsable opérationnel du réseau Onde verte, une communauté tarifaire intégrale qui regroupe plusieurs compagnies de transports, les moins de 25 ans représentent entre 20 et 30% des usagers neuchâtelois.

L’abonnement de bus occupe une place importante au sein du budget familial: «Entre 400 et 1062 francs annuels selon les zones choisies», rappelle Amandat Loset, présidente du POP. «Il nous a semblé important de permettre aux jeunes de se déplacer plus facilement, tout en favorisant la cohésion cantonale.»

Echec du Transrun
«En 2012, l’échec du Transrun, qui prévoyait une liaison directe de Neuchâtel à La Chaux-de-Fonds, a contribué à renforcer l’animosité ambiante et le sentiment de mise à l’écart ressenti par La Chaux-de-Fonds», poursuit Mme Loset. A ses yeux, le besoin n’est pas tant de construire de nouvelles installations, mais plutôt de travailler à rendre accessible le système déjà en place.

Quant aux moyens envisagés pour financer cette gratuité, M. Stauffer estime que c’est aux autorités de s’en charger: «Les politiques devront trouver une solution face à la volonté populaire.» Sur l’ensemble du réseau Onde verte, M. Etter situe le manque à gagner entre 7 et 11 millions de francs, en tenant compte des abonnements (hebdomadaires, mensuels et annuels) et des titres de transports individuels. Il précise qu’il s’agit uniquement d’ordres de grandeur.

Gratuité pour tous
Caroline Liard, responsable marketing des Transports publics neuchâtelois (TransN), explique que le manque à gagner devrait être compensé par les services publics. «En tant que prestataires de l’offre, nous nous alignerons sur la décision du Service cantonal des transports.»
A noter que tous les transporteurs d’Onde verte seront concernés.
M. Stauffer justifie par ailleurs le choix d’une pétition, et non d’une initiative, par le souci de donner à chacun la possibilité de s’exprimer. «En particulier aux adolescents mineurs», précise Mme Loset. A terme, l’objectif est d’obtenir la gratuité pour tous, «comme c’est déjà le cas dans la ville d’Aubagne, en France, ou encore à Tallin, en Estonie, précise M. Stauffer. L’expérience prouve que c’est possible.»

Un accueil en demi-teinte

Du côté des politiques, les réactions sont mitigées. Si l’idée suscite un intérêt certain, les questions du financement et de la mise en pratique restent difficiles à imaginer pour les élus neuchâtelois.
Chef du Département du développement territorial et de l’environnement (DDTE), l’UDC Yvan Perrin s’exprime à titre personnel sur un projet qu’il juge incompatible avec la réalité financière du canton. Il considère aussi que la prestation serait dévalorisée parce que «ce qui est gratuit perd sa valeur». Concernant les relations prétendument conflictuelles entre le haut et le bas du canton, M. Perrin doute que le projet puisse résoudre le problème: «Il faut penser à améliorer le réseau, avant de le rendre gratuit pour les jeunes.» Il rappelle également les nombreuses disparités régionales qui rendraient la mise en œuvre difficile pour offrir à tous une prestation de qualité. Toutefois, M. Perrin estime qu’il est nécessaire d’améliorer les tarifs préférentiels pour les jeunes.
Au Parti libéral-radical neuchâtelois, son président, Damien Humbert-Droz, juge la pétition séduisante mais irréaliste. S’il reconnaît qu’il faut travailler sur les relations entre le haut et le bas du canton, il estime que la gratuité n’est pas la bonne solution. A ses yeux, le POP amalgame plusieurs choses qui «n’ont finalement rien à avoir les unes avec les autres».
Pour le conseiller communal socialiste Olivier Arni, «les transports publics ont un coût et la collectivité ne peut pas tout assumer». Il craint également que la gratuité n’entraîne une baisse de moyens qui détériorait la qualité de l’offre. Par ailleurs, l’âge fixé à 25 ans lui semble trop élevé. «La gratuité pour les enfants jusqu’à 10 ans serait déjà un premier pas.»
Clarence Chollet, présidente des Verts neuchâtelois, est en revanche plutôt favorable à la pétition: «Il me semble important de faciliter l’accès aux transports en commun. Si le bus devient gratuit, peut-être que les jeunes renonceront à acheter une voiture». Des jeunes qui, selon elle, ont de véritables besoins: «Le système scolaire actuel est très centralisé et beaucoup d’élèves doivent se mobiliser pour aller étudier.» Concernant le financement, Mme Chollet estime que le coût pourrait être supporté par la collectivité.
Les Jeunes POP ont également reçu le soutien de Solidarités, actif également à Genève et Lausanne.

Genève et Le Locle ont déjà refusé la gratuité

En 2005, le Comité pour la gratuité des transports publics genevois lançait une initiative populaire. Soumise à la population en 2008, elle était refusée à 67% des voix. Malgré un accueil relativement positif, les incertitudes concernant le financement de la gratuité avaient fait pencher la balance. Une proposition de financement sur le principe pollueur/payeur avait alors été évoquée.
Genève devra par ailleurs revoter sur la baisse générale des tarifs (mais avec une augmentation pour les jeunes) demandée par le lobby des aînés. Une initiative a déjà été acceptée par la population mais le vote a été invalidé.
En 2004, ce sont les citoyens du Locle qui ont sèchement refusé, par 74% des votants, la gratuité des transports publics. Un projet pourtant porté par le législatif de la cité des montagnes neuchâteloises.

Le Courrier - VENDREDI 09 AOûT 2013 - Sylvia Revello

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