Réponse du Conseil d’Etat vaudois La Poste ferme des bureaux : jusqu’à quand ?

Réponse du Conseil d’Etat vaudois à l’interpellation Marc Oran - La Poste ferme des bureaux : jusqu’à quand ?

Rappel
Depuis que La Poste a entamé ses restructurations successives, elle ne cesse de fermer des bureaux de proximité les uns après les autres. Ce véritable démantèlement revêt plusieurs formes:
– fermeture pure et simple de bureaux de poste,
– transfert de prestations à une agence postale (épiceries, blanchisseries, etc.),
– reprise de certaines prestations par des voitures postales passant à domicile.

Officiellement, l’argument principal invoqué par La Poste est le manque de rentabilité d’un grand nombre de bureaux de poste. Elle a commencé à attribuer le soi-disant déficit de quelque 500 millions de francs par année à la mauvaise gestion des bureaux à taille modeste, au chiffre d’affaires insuffisant, aux installations vétustes, etc. Or, l’autorité de régulation postale PostReg a constaté que les déficits avaient été artificiellement “gonflés”, afin de pouvoir fermer les bureaux de poste “peu ou pas rentables”. Des documents chiffrés existent à l’interne auprès de La Poste. Le 25 août 2013, un article paru dans la presse dominicale révélait que ces chiffres auraient été faussés, gonflés, réduisant ainsi très fortement les arguments de la direction de La Poste.
Actuellement, il semble que plus de 48 bureaux de poste vaudois soient encore sur le balan. Lorsque le “Géant jaune” fait des démarches auprès de certaines communes, il promet un fonctionnement pour la clientèle tout aussi performant que le bureau préexistant, si ce n’est davantage, des conditions de travail équivalentes pour le personnel déplacé et aucun licenciement.
Aujourd’hui, près de nous, la population de la commune de Paudex, située entre Pully et Lutry, avec ses 1’400 habitants, a décidé de se battre pour le maintien de son bureau de poste, emmenée par des conseillers communaux. Tous se battent pour récolter des signatures afin de déposer une pétition au Grand Conseil vaudois. Le 26 août 2013, ils avaient dépassé 1’900 paraphes : la population semble prête à poursuivre sa mobilisation sous d’autres formes.
Citons encore, parmi les nombreux bureaux visés, celui de Grandson qui suscite également le soutien de la population sous la forme d’une pétition, avec plus de 2’500 signatures.
En conséquence de ce qui précède, j’ai l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat:
– En 2008-2009, La Poste avait annoncé une liste de 48 bureaux de poste à fermer à moyenne échéance. Le Conseil d’Etat peut-il nous renseigner sur l’état actuel de ces fermetures et sur le suivi qu’il fait de ce dossier ?
– Depuis la publication de la liste, le Conseil d’Etat a-t-il connaissance de nouvelles fermetures ?
– Quelle est l’appréciation globale du Conseil d’Etat sur cette problématique ?
– Quelles sont les mesures envisagées par le Conseil d’Etat pour permettre de garantir ce service public à l’ensemble de la population vaudoise, sur l’ensemble du territoire vaudois ?

(Signé) Marc Oran et 74 cosignataires

Réponse du Conseil d’Etat
En préambule, le Conseil d’Etat rappelle l’attention particulière qu’il porte au suivi de l’évolution de la Poste, tant cette dernière représente un acteur important et quotidien dans la vie des citoyens et des entreprises établis sur sol vaudois. La Poste est par ailleurs un employeur d’importance dans le canton.
Le Conseil d’Etat, -notamment par le biais du Département de l’économie et du sport (DECS) – entretient ainsi des contacts réguliers avec celle-ci, tout en relevant qu’il ne lui appartient pas d’intervenir dans la gestion opérationnelle de la Poste, l’Etat ne disposant ni de participation financière, ni de participation personnelle dans cette entreprise.
En revanche, considérant que les services fournis par la Poste constituent une condition-cadre essentielle au bon fonctionnement de la société et aux échanges entre individus, entreprises et collectivités publiques, le Gouvernement suit attentivement la stratégie déployée par les organes compétents de la Poste afin d’en anticiper et d’en évaluer les conséquences sur le terrain.
Dans ce cadre, et pour établir d’emblée le lien avec la problématique du redimensionnement du réseau des offices de poste à l’origine de l’interpellation Oran, le Conseil d’Etat relève que la politique de consultation des communes et d’information des cantons par la Poste lors d’une procédure de fermeture ou de transfert d’un office de poste ou d’une agence postale a été stabilisée et renforcée depuis le 1er octobre 2012 et la mise en œuvre de l’Ordonnance sur la poste. Cette nouvelle ordonnance oblige en effet la Poste à informer les cantons en cas de fermeture, de transformation ou de transfert d’un office de poste ou d’une agence. L’entreprise répond à cette obligation en informant le canton lors de l’ouverture des discussions avec les communes et informe, par, écrit les autorités cantonales une fois par an, en janvier, sur les résultats des entretiens qui ont été menés.
En toile de fond de cette problématique, il convient de rappeler la profonde mutation que subit depuis une vingtaine d’années le secteur de ’acheminement postal. Ainsi, les habitudes des clients de la Poste changent : les guichets postaux enregistrent d’importantes diminutions des chiffres d’affaires dans leur activité de base. Selon les données qui nous ont été fournies par la Poste, entre 2000 et 2012, la baisse des volumes a atteint 63 % pour les lettres, 47 % pour les colis et 30 % pour les versements. Parmi les causes de cette évolution, il convient notamment de mentionner la communication électronique, l’augmentation de la mobilité des personnes ainsi que la concurrence sur le marché postal.
Force est de relever que cette évolution se poursuivra et exige dès lors de la part de la Poste de s’y adapter par de nouveaux modèles d’affaire, tout en respectant la mission de service public/service universel conférée à la Poste. A cet égard, la loi sur la poste et le Conseil fédéral posent des conditions
très claires : la Poste doit exploiter un réseau d’offices de poste et d’agences postales couvrant l’ensemble du territoire et, simultanément, améliorer encore son orientation clientèle et sa rentabilité.
Ainsi, la Suisse bénéficie aujourd’hui toujours de l’un des réseaux de vente les plus denses en comparaison internationale.
Dans tous les changements et les réformes que l’entreprise entreprend, elle consulte tous ses partenaires, en particulier les autorités exécutives des communes lorsqu’il est question du réseau postal. Il convient de rappeler à ce stade que les communes et les villes ont toujours la possibilité de recourir à PostCom lorsqu’il n’est pas possible de trouver un accord avec la Poste concernant la suppression, la transformation ou le déplacement d’un office de poste ou d’une agence postale. La Commission de la poste (PostCom) est l’autorité de régulation indépendante du marché postal ; elle a été instituée par la nouvelle loi sur la poste le 1er octobre 2012.
Pour clore ces considérations générales mais sans avoir à se substituer à la Poste dans sa politique de communication, le Conseil d’Etat souligne que la Poste lui a fait expressément savoir qu’elle réfutait catégoriquement les informations parues dans la presse dominicale à propos des déficits enregistrés par le réseau postal. Pour de plus amples informations à ce sujet, le Conseil d’Etat renvoie les interpellants aux organes compétents de la Poste, considérant qu’il ne lui appartient pas de fournir les explications ou rectificatifs en lien avec les éléments contextuels mis en exergue dans le cadre de l’interpellation Oran.
Enfin, concernant l’avenir du service postal à Paudex, autre point soulevé par les interpellants, le Conseil d’Etat relève que la PostCom a confirmé, dans sa recommandation du 3 octobre 2013, le bien-fondé de la décision de la Poste de réaliser dans le futur le service postal dans une agence.

Ces prémisses étant posées, le Conseil d’Etat répond comme suit aux questions qui lui sont adressées:

“En 2008-2009, La Poste avait annoncé une liste de 48 bureaux de poste à fermer à moyenne échéance. Le Conseil d’Etat peut-il nous renseigner sur l’état actuel de ses fermetures et sur le suivi qu’il fait de ce dossier ?”
La mise en œuvre de la dite liste des “421″ est achevée. Sur les 48 communes vaudoises concernées les décisions suivantes ont été prises et mises en œuvre, à savoir:
Maintien de l’office de poste 7
Création d’une agence 20
Introduction d’un service à domicile 18
Fermeture sans remplacement 3 (Buchillon, Chamby et Chalet-à-Gobet)
La liste exhaustive de ces décisions et leur mise en œuvre pour le Canton de Vaud figurent en annexe à ce document.
En matière de suivi du dossier, le Conseil d’Etat souligne que la problématique du redimensionnement du réseau des offices de poste figure systématiquement à l’ordre du jour des rencontres régulières (au minimum une fois par an) que le Gouvernement – via le DECS – a avec les représentants de la Poste.
A cet égard, le Conseil d’Etat relève que – dans l’écrasante majorité des cas – une fois le nouveau système mis en place et éprouvé par la clientèle, les “formats” modernes de distribution des prestations de la Poste (agence postale ou service à domicile) sont bien acceptés par la population.
Cette rencontre offre aussi l’opportunité au Conseil d’Etat de partager ses propres réflexions, inquiétudes et souhaits, et de parler, de manière générale, de la situation de la Poste dans le canton.

“Depuis la publication de la liste, le Conseil d’Etat a-t-il connaissance de nouvelles fermetures ?”
Dans le Canton de Vaud, aucune fermeture sans remplacement n’a été décidée depuis la clôture de la mise en œuvre de la liste dite des “421″ qui comprenait la fermeture des 3 offices de postes précités.
Entre-temps, un office de poste (Combremont-le-Petit) et un service à domicile (Arnex-sur-Orbe) ont été transformés en agence. En outre, fin 2013, le Service à domicile sera introduit à Vufflens-la-Ville.
En ce qui concerne le futur, le Gouvernement souligne que le développement du réseau d’offices de poste et d’agences postales restera une tâche permanente dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie d’entreprise de la Poste. Renseignements pris auprès de la Poste en octobre 2013, celle-ci a confirmé qu’aucun nouveau programme de restructuration du réseau postal n’est envisagé dans le contexte actuel.

“Quelle est l’appréciation globale du Conseil d’Etat sur cette problématique ?”
A ce jour, le Conseil d’Etat estime que la nécessité d’une évolution de l’organisation du réseau d’offices de poste et d’agences ne peut guère être contestée. Comme toute évolution, celle-ci engendre forcément des inquiétudes et des mécontentements. Toutefois, le Conseil d’Etat estime que la procédure mise en place et les organes de recours à disposition, en particulier des communes, sont adéquats et permettent d’aboutir généralement à une situation acceptable pour tous les partenaires. La mise en œuvre de l’article 34 de l’ordonnance sur la poste a par ailleurs donné un cadre clair tant aux processus de consultation des communes, d’information envers le canton et de recours auprès de PostCom. La Poste informe ainsi de manière transparente le canton.

“Quelles sont les mesures envisagées par le Conseil d’Etat pour permettre de garantir ce service public à l’ensemble de la population vaudoise, sur l’ensemble du territoire vaudois ?”
Le Conseil d’Etat vaudois ne prévoit pas de mesures particulières, outre le suivi attentif de l’évolution du réseau. Il entend ainsi poursuivre un dialogue franc et ouvert avec en particulier la Poste et les communes impactées par l’évolution du réseau. En cas de désaccord persistant et fondé, il userait de toutes ses marges de manœuvre pour offrir une médiation dans les dossiers incriminés, tel que prévu par l’article 34 de l’ordonnance sur la Poste. Il tient aussi à rappeler que le “format” de l’agence postale, ressenti a priori comme une dégradation de l’offre, constitue souvent une bonne opportunité pour concentrer en un lieu stratégique une vie socio-économique sinon trop diffuse en permettant, par la mutualisation d’activités, le maintien de personnel sur des plages-horaire élargies, autour d’une épicerie, d’une pharmacie ou d’un office du tourisme, pour ne citer que ces cas. Ceux-ci redeviennent alors de vrais centres de vie. Ceci est notamment le cas dans des régions périphériques.
Ainsi adopté, en séance du Conseil d’État, à Lausanne, le 29 janvier 2014.

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