Le Syndicat des services publics, Attac ou encore Solidarités avaient appelé à manifester hier. Plusieurs élus de la gauche genevoise étaient aussi présents.
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GENÈVE • Quatre-vingts manifestants ont protesté devant la mission australienne contre la reprise des négociations secrètes sur l’Accord sur le commerce des services.
Hier à Genève, les négociations sur la libéralisation du commerce des services ont repris au sein de la mission de l’Australie auprès de l’ONU. Quatre-vingts manifestants ont dénoncé devant le bâtiment grillagé la volonté de mettre en œuvre une libéralisation «extrêmement ambitieuse» des échanges de services, ainsi que le secret qui entoure ces discussions. Selon l’Internationale des services publics (PSI), organisateur principal qui représente 20 millions de travailleurs, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs autres pays, notamment à Londres et en Colombie. A Genève, le Syndicat des services publics, Attac ou encore Solidarités ont appelé à manifester. Plusieurs élus de la gauche genevoise étaient présents.
Entamés en février 2012 et devant être bouclés mi-2015 au plus tard, les pourparlers sur l’Accord sur le commerce des services (ACS ou TISA selon son acronyme anglais) impliquent 23 gouvernements, représentant 50 pays, dont la Suisse, ceux de l’Union européenne, les Etats-Unis, le Chili ou encore le Pakistan. Soit 70% du commerce des services mondial.
L’idée d’un tel accord a été lancée par les Etats-Unis à la suite de l’impasse du cycle de Doha de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à propos de l’Accord global sur les services (AGCS). Mais cette fois, les discussions ont lieu en marge de l’OMC, tout comme d’autres accords bilatéraux ou plurilatéraux actuellement en tractation, comme le traité transatlantique (UE-USA) ou l’accord transpacifique (USA-Canada-Chili-pays asiatiques). L’opération est globale comme doit l’être la mobilisation, a insisté Jacques Combon, d’Attac-France. «C’est une nouvelle génération d’accords sur le libre commerce qui se discutent en dehors du cadre de l’OMC, précise Rosa Pavanelli, secrétaire générale de PSI. Nous sommes critiques envers celle-ci, mais les négociations y sont au moins encadrées par un système de règles permettant à chaque pays de faire des objections et de poser ses conditions. Ces nouvelles négociations permettent aux grandes puissances et aux multinationales d’imposer les leurs.»
Vague de libéralisation sans précédent
PSI a profité de la reprise des discussions pour dévoiler un rapport qu’elle a commandé à des experts canadiens. Selon «L’ACS contre les services publics», c’est une vague de libéralisation d’une ampleur sans précédent à l’échelle mondiale qui se prépare. Une façon d’étendre secrètement les parties «les plus nuisibles» de l’AGCS. Il mettra en péril les services de santé, de radiodiffusion, d’eau ou encore de transports parmi tant d’autres, s’alarme PSI. En préambule du rapport, Rosa Pavanelli écrit: «En cas d’échec d’une tentative de privatisation, l’ACS empêchera les gouvernements de reprendre le contrôle des services publics.» Il limitera aussi les règles sur la sécurité des travailleurs, environnementales, de protection des consommateurs, etc. «Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans le sillage de la crise financière mondiale, l’ACS tente également de déréglementer davantage les marchers financiers.»
Paolo Gilardi, de la Gauche anticapitaliste, ajoute que les Etats devront observer une stricte neutralité. Une clinique privée devrait alors être subventionnée au même titre qu’un hôpital public, s’étrangle-t-il. Une municipalité privilégiant dans ses cantines les produit locaux ne le pourrait plus, s’inquiète un autre orateur.
Alors que les nations impliquées ont pour beaucoup entrepris une libéralisation massive des services, l’ACS prévoit d’aller beaucoup plus loin, selon le rapport. Toutefois, l’objectif premier serait d’intégrer ultérieurement à cet accord les principales économies émergeantes (Chine, Brésil, Inde et Afrique du Sud). La Chine a déjà demandé à rejoindre les pourparlers, mais difficile de dire si elle freinerait ou affirmerait l’ambition de l’ACS.
Lettre de protestation
«Pourquoi vous cachez-vous sans informer sur le contenu de vos discussions? reprend Rosa Pavanelli au mégaphone. C’est contraire à toute règle démocratique!» «En exposant au soleil le vampire qui se développe dans ce bunker, il mourra», lance ensuite Paolo Gilardi, tandis que les manifestants réclament la divulgation du texte du projet d’accord.
A la fin de la manifestation, Rosa Pavanelli remet à un agent de sécurité, à travers la porte grillagée, une lettre de protestation pour l’ambassadeur australien, signée par 350 organisations de plus de 115 pays. D’autres mobilisations sont à prévoir, notamment lors de la session de juin des Chambres fédérales, quand le Conseil fédéral répondra à une question d’une parlementaire sur les conséquences de la signature du traité par la Suisse (lire ci-dessous).
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Trois questions à… Rosa Pavanelli - Secrétaire générale de l’Internationale des services publics.
Quelles sont vos craintes?
En ouvrant totalement certains services aux privés, leur accès universel va disparaître, car jamais une entreprise privée n’assurera l’accès à l’eau potable dans les endroits les plus reculés. Les citoyens les plus faibles seront les plus affectés. Or les «vrais amis des services publics», comme ce groupe d’Etats s’autoproclame, veulent une nouvelle génération d’accords sur le libre commerce, en ouvrant au marché tous les services connus mais aussi inconnus. Car il a été décidé que les privatisations concerneront des services qui ne sont même pas encore inventés, une façon d’empêcher les gouvernements de décider de l’intérêt collectif.
Quels secteurs sont-ils concernés?
Tout ce qui peut rapporter aux multinationales: par exemple la santé, l’éducation, l’eau, l’énergie, les télécommunications, les transports, le commerce électronique, la propriété intellectuelle… Les gouvernements doivent décider maintenant, pendant ce round de négociations, quels services ils excluront de l’accord. Or il s’agit seulement de services régis par les gouvernements centraux et pas ceux gérés à l’échelle locale. Enfin, il y a la volonté de créer un tribunal devant lequel les multinationales pourront se tourner contre les gouvernements.
La mobilisation porte-t-elle des fruits?
Plus l’information circule et la prise de conscience grandit, plus les négociateurs prennent quelques précautions. Par exemple, l’UE a décidé de consulter les organismes de la société civile. Le gouvernement du Chili d’établir une table ronde avec la participation des syndicats et de la société civile pour accompagner les négociations. Mais pour la plupart, les gouvernements n’ont aucune volonté de transparence. Par exemple, il est prévu que le contenu du traité transpacifique soit rendu public seulement quatre ans après son entrée en vigueur! Il y a besoin de faire connaître ce qui se passe. Le cycle de Doha a failli grâce à la grande mobilisation de la société civile contre la privatisation des services!
MARDI 29 AVRIL 2014, Rachad Armanios, Le Courrier
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Communiqué de presse: Des négociations commerciales secrètes menacent les services publics dans 50 pays
Un nouveau rapport publié par l’Internationale des Services Publics (PSI) révèle que les gouvernements prévoient de lancer une vague de libéralisation d’une ampleur sans précédent à l’échelle mondiale. La publication de ce rapport coïncide avec la reprise des négociations multilatérales sur l’Accord sur le commerce des services (ACS) entre les différents gouvernements qui se dérouleront à huis clos à Genève, à partir du 28 avril 2014. Baptisé les « Vrais bons amis des services », ce groupe de 50 pays – représentant environ 70 pour cent du commerce des services mondial – a entamé des négociations sur l’ACS.
Selon le nouveau rapport intitulé « L’ACS contre les services publics », ce gigantesque accord commercial mettra en péril les services de soins de santé, de radiodiffusion, d’eau ou encore de transport, parmi tant d’autres. En vertu de cette proposition d’accord, les futurs gouvernements pourraient se voir dans l’incapacité de replacer les services publics sous la coupe de l’Etat, et ce, même en cas d’échec de la privatisation d’un service public. Cet accord pourrait également venir limiter la capacité des gouvernements à réglementer des secteurs clés, tels que le secteur financier, l’énergie, les télécommunications ou encore les flux de données transfrontalières.
Ce rapport indique également qu’en vertu de cet accord, les gouvernements perdront leur droit d’exiger qu’une entreprise mène une étude sur la situation du marché de l’emploi en vue de s’assurer qu’aucun(e) travailleur/euse local(e) n’est disponible pour cette tâche, avant d’engager des travailleurs/euses étrangers/ères temporaires.
En ce jour, la PSI et ses partenaires de la société civile se mobilisent pour protester contre les négociations secrètes, et organiseront notamment des manifestations en Suisse, en Australie, au Royaume-Uni, au Japon, en Inde, aux Pays-Bas, en Autriche, en Belgique, au Brésil, au Canada, aux Etats-Unis, en Colombie, au Mexique, au Panama et au Costa Rica.
Rosa Pavanelli, Secrétaire générale de l’Internationale des Services Publics (PSI) a déclaré : « Cette tentative vise à étendre secrètement les parties les plus nuisibles de cet odieux AGCS, qui avait déjà déclenché une vague de protestations dans le monde entier. L’objectif des services publics n’est pas de permettre aux grandes multinationales d’engranger des bénéfices. Assurer la pérennité des privatisations, même manquées, illustre la folie pure vers laquelle tend l’idéologie de libre marché. »
La Secrétaire générale de la PSI a ajouté qu’« il s’avère fondamentalement antidémocratique pour les parlements de remettre de façon permanente le mandat démocratique du peuple entre les mains des multinationales ».
Les usagers des services publics et les travailleurs/euses du secteur public exigent plus de transparence sur ce vaste accord commercial, et la garantie qu’il n’entraînera aucune répercussion sur l’offre de services publics. Ils transmettront également aux dirigeants des gouvernements une lettre de protestation, signée par plus de 350 organisations de plus de 115 pays.
Aucune proposition de texte ayant fait l’objet de négociations dans le cadre de ces pourparlers ultrasecrets n’a été publiée. Le secret autour de ces négociations est tel que les propositions des États-Unis formulées dans le cadre des négociations doivent notamment être classées confidentielles pendant « cinq années à dater de l’entrée en vigueur de l’ACS ou, si aucun accord n’est trouvé, cinq années après la clôture des négociations ».
A Bruxelles, Jan Willem Goudrian, Secrétaire général adjoint de la Fédération Syndicale européenne des Services Publics (FSESP), a déclaré : « Avec cet accord, les gouvernements se retrouveront pieds et poings liés, et ce, quels que soient le vainqueur des élections ou les décisions des tribunaux. Si la Commission européenne n’a vraiment rien à cacher, elle doit sans délai lever le voile sur ces négociations. »
A Londres, Dave Prentis, Secrétaire général d’UNISON, est revenu sur l’expérience du Royaume-Uni. « Les privatisations du service national de santé et des services de métro londonien se sont avérées désastreuses sur le plan financier. Si notre gouvernement se retrouve impuissant et doit nous empêcher d’intervenir dans le cadre d’échecs de privatisations, les entreprises recevront alors le feu vert pour nous embarquer tous dans une aventure onéreuse », a-t-il déclaré.
Ce rapport sur l’ACS a été rédigé par Scott Sinclair, du Centre canadien de politiques alternatives, et Hadrian Mertins-Kirkwood, de l’Institut d’économie politique, à la Carleton University.
Téléchargez le rapport « L’ACS contre les services publics »
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