My station is rich

Le «mall», le «business point» et le «lounge CFF» constituent quelques-uns des attributs hautement désirables dévoilés hier par la nouvelle gare Cornavin; c’est tellement plus moderne en anglais. Outre faire ses commissions, le voyageur, parce qu’il est toujours pressé, pourra bientôt se faire livrer des fleurs, déposer son costume pour la teinturerie ou recharger son ordinateur grâce à des consignes dernier cri. Le tout dans un cadre architectural à la fois clinquant et hygiénique qui transforme radicalement notre imaginaire social de la gare.
A Genève comme ailleurs, les gares changent de vocation. De lieux de passages, elles se transforment en centres commerciaux à forte valeur ajoutée. Pas pour le confort des passagers, qui chercheraient en vain un banc pour s’asseoir, un buffet pour se restaurer, des toilettes gratuites, voire un moment de répit dans une vie chahutée. Pas non plus pour les petits commerçants qui ne sont guère en mesure de s’acquitter des loyers exorbitants exigés.
Mais pour le plus grand profit des grandes enseignes, nationales ou internationales, qui bénéficient ici d’une législation hors normes pour leurs affaires: des horaires extrêmement flexibles, et ce 365 jours par an, des étudiants considérés comme des salariés de seconde zone et corvéables à merci les week-ends et jours fériés, et enfin une clientèle captive dont le temps consacré au déplacement entre le lieu de travail et le logement ne cesse de s’allonger. A titre d’exemple, la Migros de la gare de Zurich est la plus rentable du groupe. A la gare Cornavin, le géant orange vise un chiffre d’affaires de 12 millions de francs. Rien que pour les huit premiers mois d’exploitation.
Au nom de la distorsion de concurrence, les commerces de la galerie marchande, en sous-sol de la gare, pourraient demain exiger le même cadre libéralisé. Puis le centre commercial attenant. Dès lors prenons garde qu’après les aéroports, les zones touristiques et les stations-service, les gares ne constituent pas le nouveau cheval de Troie des laudateurs du consumérisme sans limites et de la négation du temps à l’état pur.
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JEUDI 24 AVRIL 2014 - Christiane Pasteur - Le Courrier

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