Genève, le 19 novembre 2014. Gare Cornavin, 18h35. Les TPG sont en grève. Les quelques bus qui fonctionnent (ici le 61 pour Annemasse) sont surchargés.
7h05 Situation à la place de Nations: aucun tram ne circule. Tandis que certains bus, vides, rejoignent leur point de départ de ligne, personne n’attend aux arrêts. Apparemment, les Genevois ont pris leurs dispositions.
7h25 Près des tours de Carouge, des bus des lignes 44 et 45 circulent, mais sans personne à l’intérieur. Il s’agit de lignes sous-traitées par les TPG, qui, elles, ne sont pas touchées par le mouvement social.
7h32 Aucun bus ne circule encore sur les lignes 5 et 8 qui passent par la place des Nations.
7h45 Les TPG communiquent que les lignes 28, 32, 35, 36, 41, 43, 44, 45, 47, 51, 53, 54, 57, 61, B, D, F, M, S, T, V, W, X, Y et Z circulent maintenant selon l’horaire théorique. Il s’agit justement des lignes opérées par un sous-traitant dont les employés, eux, ne sont pas touchés par le mouvement de grève.
8h00 Moillesullaz: en attendant le bus 61.
Le 61, c’est le bus qui va de la frontière à Cornavin. Sur le coup de sept heures, cette ligne est le seul moyen d’aller en ville, puisque le tram est bloqué. Une soixantaine de personnes l’attendent à la douane de Moillesullaz. Les premiers véhicules sont bondés. Luana, étudiante, doit aller à l’école de commerce pour huit heures. Ce sera difficile. Que pense-t-elle de la grève? Rien, comme les autres passagers en attente. Un silence résigné plane sur la foule.
Le spectacle est différent à Thônex-Vallard. Les voitures s’encolonnent avant la douane et sur un bon bout de la longueur de la route de Malagnoux. A Thônex même, les temps de parcours s’allongent déjà: une demi-heure entre l’avenue d’Adrien-Jeandin à l’avenue de Thônex, 300 mètres à vol d’oiseau. Les agents municipaux sont de sortie. (MB)
8h05 A 8h, selon le site des TPG, les lignes 28,32, 35, 36, 41, 43, 44, 45, 47, 51, 53, 54, et 57, circulent selon l’horaire. Des perturbations sont annoncées sur la ligne 61, de même que sur les lignes régionales D et S. Par ailleurs, les lignes régionales B, Dn, F, M O, T, V, W, X, Y, et Z circulent normalement.
8h36 «Je n’ai jamais vu aussi peu de trafic au Rondeau de Carouge, raconte un témoin. A 8h, la route de Drize qui bouchonne tous les jours bien au delà du carrefour vers Troinex était vide.»
8h40 A Cornavin, la queue des clients s’allonge. Les taxis sont pris d’assaut. Aucune compagnie de car ne semble avoir voulu briser le monopole des TPG dans le transport en commun.
8h45 «Je vais donc me rendre au travail en courant. Ce sera un entraînement pour l’Escalade», nous explique Sandy. Domicilié à Onex, ce dernier se rend route de Chêne, et il est aujourd’hui privé des trois lignes qui effectuent ce trajet, 2, 19, et 21. «Heureusement que mon employeur nous fournit douche et serviettes et que mon costume est déjà au travail», ironise-t-il.
9h00 Malgré l’absence de bus, la route est complètement dégagée en Champagne, de même le tronçon Perly-La Praille de l’autoroute de contournement, et dans le secteur de La Praille. La circulation est fluide à Carouge. En revanche, l’autoroute est passablement congestionnée dans le sens Bardonnex-Lausanne. (ChD)
9h25 «Moi j’ai choisi le télétravail», raconte Géraldine, qui devait se rendre au Petit-Lancy. Face à l’impossibilité d’atteindre le site des TPG surchargé ce matin, elle a finalement choisi cette solution.
9h38 Les deux syndicats non grévistes se radicalisent
Les deux syndicats (ASIP et Transfair) qui rejetaient l’appel à la grève lancé par le syndicat SEV haussent le ton. «On rejoint le mouvement, indique Christian Abbas, vice-président de l’ASIP. Il y a eu des pressions de la direction sur des employés qui voulaient faire grève. Les droits démocratiques ne sont pas respectés. La direction se montre irresponsable en voulant faire sortir des véhicules sur un réseau qui n’est pas sécurisé.»
«Nous continuons à être défavorables à la grève, mais nous sommes solidaires et ne casserons pas de piquet, annonce de son côté Alain Perroud, président de Transfair. Dans les conditions actuelles, il serait criminel d’envoyer des véhicules sur le réseau pour assurer un service minimum et nous nous opposerons, même physiquement, à leur sortie.»
9h45 Sans le trafic des transports publics, il plane une étrange atmosphère sur la gare Cornavin et la place Bel-Air. Des flots de pendulaires s’écoulent gentiment en direction des quais. Le 7 h 42 pour Lausanne. Des marcheurs silencieux ont pris le centre-ville d’assaut. Direction pont de la Coulouvrenière ou Bel-Air. A l’arrêt, quelques badauds attendent un improbable bus. Ligne 14: pas de service. Ligne 18: pas de service. Le panneau d’affichage ne tergiverse pas. Il n’y a guère que le bus 61 en provenance d’Annemasse qui soit annoncé dans une vingtaine de minutes. Il sera pris d’assaut.
Les taxis ne chôment pas. Une trentaine de personnes font la queue dans une apparente bonne humeur. «Qui va au CMU avec moi? Je cherche quelqu’un pour partager la course en direction des Charmilles…» Mathieu Zanetti a, lui, préféré prendre Uber. 25 francs de rabais sur la première course. Soit 2 francs pour relier Le Petit-Saconnex et Carouge en 21 minutes à 6 h du matin. Le trafic n’y était pas très dense.
10h07 «Je n’ai jamais vu ça! s’exclame Jeanne Dubois, thérapeute psycho-corporelle. Ce matin à 7h45, les trottoirs entre Meyrin et la Servette sont pleins de piétons! Et dans les deux sens! Les voies du tram sont utilisées par les deux-roues, les trottinettes et les piétons.» Aux yeux de cette habitante de Meyrin, la grève des TPG constitue finalement «une solution écolo». «Nous, qui sommes en voiture, avons aujourd’hui le sale rôle de créateurs de bouchons…», conclut-elle.
10h26 Beaucoup ont opté pour les deux-roues ce mercredi matin. Çà et là des motards déposent leurs passagers. Le parc à vélo de la gare Cornavin, d’ordinaire plein à 120%, frise des records d’occupation. Dès 7 h 30 du matin. On peine à entrer et on peine à sortir tant les vélos sont entreposés de manière chaotique. «Il n’y a plus une barre de libre pour attacher les vélos, glisse une fille croquée par le photographe. La dernière fois on me l’a volé.»
10h40 Sur le terrain, les rangs des chauffeurs grévistes ne cessent de grossir. L’assemblée générale de ce matin a été suivie par plus de 600 employés. Les deux syndicats non grévistes se montrent également solidaires, face à la direction qui souhaite assurer un service minimum durant la journée.
11h40 Luc Barthassat veut sanctionner des grévistes
Sur les ondes de la RTS, Luc Barthassat, conseiller d’Etat en charge de la Mobilité, a promis des sanctions à l’encontre des personnes qui ont fait de l’obstruction.
«En aucun cas, je ne peux comprendre ceux qui agissent de la sorte et qui sont une minorité», a déclaré le magistrat responsable des transports à Genève. M. Barthassat a précisé qu’il était en discussion avec son collègue du Conseil d’Etat Pierre Maudet pour éventuellement faire intervenir la police devant les dépôts des TPG.
Des négociations pour mettre en place un service minimum se poursuivaient ce mercredi entre la direction des TPG et les grévistes.
11h55 Pourquoi le service minimum n’a pas fonctionné comme prévu
Aucun bus ni tram n’est sorti ce matin des entrepôts des TPG, qui avaient pourtant promis lundi qu’un service minimum serait organisé durant cette journée de grève, lancée par le syndicat SEV. L’ASIP et Transfair - les deux autres syndicats actifs dans la régie qui, eux, désapprouvaient la grève – ont fini par se montrer solidaires du SEV ce matin, dénonçant des pressions de la direction sur les conducteurs pour prendre le volant.
Explications de la porte-parole des TPG, Isabel Pereira :
«Un service minimum a bel et bien été organisé et, ce matin, un nombre suffisant de conducteurs non-grévistes étaient présents et se sont annoncés comme étant prêts à prendre leur service. Et nous les en remercions. Mais la pression psychologique des grévistes a été telle que ces chauffeurs n’ont pas osé prendre le volant ou les manettes. Ils en ont été dissuadés. Nous n’avons donc plus les moyens d’assurer ce service minimum. Les lignes opérées par des sous-traitants ont, de leur côté, roulé selon l’horaire normal. La population a réservé un bon accueil à ces conducteurs. Des rumeurs courent selon lesquelles des véhicules auraient été caillassés, mais elles semblent infondées : aucun véhicule n’est revenu et nous n’avons pas reçu le moindre appel d’urgence à la centrale.»
13h10 Les grévistes subiront une retenue de salaire
«Cette journée de grève ne sera pas payée. C’est la seule sanction possible», a déclaré Christoph Stucki, directeur général de la régie publique. Des sanctions pour obstructions des véhicules ne sont pas envisageables, car les portes des dépôts n’étaient pas fermées. «Les conducteurs qui le voulaient auraient pu sortir. Ils ont renoncé sous la pression des grévistes, ils ne voulaient pas passer pour des traîtres», a indiqué Christoph Stucki au «12h30» de la Radio Télévision Suisse (RTS). (ATS)
14h45 Selon un bilan des TPG à la mi-journée, seules les lignes sous-traitées sont assurées ce mercredi, à savoir les lignes 28, 32, 35, 36, 41, 43, 44, 45, 47, 51, 53, 54, 57, 61, B, D, F, M, S, T, V, W, X, Y et Z.
Par ailleurs, «les TPG déplorent d’avoir été contraints de renoncer à mettre en place le service minimum prévu et expriment leurs regrets à la population pour les perturbations occasionnées par ce mouvement social», a déclaré la porte-parole, Isabel Pereira.
16h35 «Le Conseil d’Etat doit retirer son projet!»
«La grève est un succès et le Conseil d’Etat doit retirer son projet», lance SolidaritéS dans un communiqué diffusé ce mercredi après-midi aux médias. Le parti y relève la mobilisation des employés de la régie et «la compréhension visible de la population pour le mouvement». Thibault Schneeberger et Pablo Cruchon, les signataires du texte, forts de ce «message pour l’ensemble de la fonction publique dans sa lutte contre les coupes budgétaires», enjoignent donc le Conseil d’Etat à «retirer immédiatement le Contrat de prestation 2015-2018».
15h52 La grève annoncée aux Transports publics genevois est totale. «Il n’y aura pas de service aujourd’hui car la situation s’est radicalisée», déclare le directeur général Christoph Stucki. La direction renonce donc à mettre sur pied le service minimum requis par la loi. Lire son interview.
18h00 «La population ne doit pas être l’otage des syndicats»
De son côté, l’UDC Genève estime qu’il s’agit d’un «coup de force syndical». «Une régie publique ne peut pas, ne doit pas devenir une arme syndicale contre l’économie, contre la population, contre les institutions politique», assène l’UDC dans un communiqué. Le parti s’en prend aux «syndicalistes qui ne trouvent dans les grève que la justification de leur existence» et annonce qu’il «étudie diverses options pour interdire la grève dans les institutions subventionnées par l’Etat».
20h08 «C’est pas si mal, ça nous fait marcher!» Les usagers des TPG se montrent en général solidaires et voient le bon côté des choses.
Réunis à 20 heures ce mercredi soir au dépôt de la Jonction après une journée de grève qui a totalement paralysé le réseau, les employés des TPG ont renoncé à poursuivre leur arrêt de travail demain. Mais le comité du SEV, qui avait organisé la grève du jour, pourrait appeler début décembre à «une action plus importante qu’aujourd’hui», selon les termes de Vincent Leggiero, président de la section SEV-TPG.
20h45 La menace d’une nouvelle grève aux TPG en décembre est brandie
21h20 On a inventé le «peditram»
Deux gendarmes surveillent le trafic au pont du Mont-Blanc. «Finalement, ce n’est pas le chaos qu’on annonçait, constate l’un d’eux. C’est même plus fluide que d’habitude.»
Fin de journée, plus personne ne l’attend, le tram. Les arrêts sont déserts. A la gare, celui du bus 61, l’un des rares qui circulent encore, est, lui, noir de monde (voir les photos prises ce soir). Le véhicule est pris d’assaut. On s’entasse, beaucoup restent en rade sur le quai. «C’est pire qu’à Paris! s’exclame une dame. Au moins, là-bas, il y a un service minimum en temps de grève.» Le chauffeur, français, n’a jamais vu ça. «Nous avons roulé en surcharge toute la journée.» Peu de sautes d’humeur, pourtant. «J’ai 45 minutes de marche pour rentrer chez moi, confie un piéton. Mais ce n’est pas grave, ça fait du bien. Et ça ne dure qu’une journée.» Il y avait beaucoup de soleil ce mercredi sur Genève et un mot sur toutes les lèvres: le «peditram». (AnG)
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