TISA • L’accord sur le commerce et les services, qui vise la libéralisation des services publics, se négocie en catimini. Sandrine Salerno, conseillère administrative de la Ville de Genève, fustige le manque de transparence démocratique du processus.
Courant octobre, s’est tenue à Genève une conférence concernant le projet d’Accord sur le commerce de service, plus connu sous son acronyme anglais TISA (Trade in service agreement). Comme son nom l’indique, l’accord TISA porte sur les services publics et vise à déréguler et libéraliser ce secteur en le soumettant aux règles de la concurrence. Un accord inquiétant, à plus d’un titre. Explications.
Un accord négocié en catimini. Les négociations relatives à cet accord ont déjà fait l’objet de plusieurs rencontres à l’ambassade d’Australie sise à Genève. Elles regroupent une cinquantaine de pays dont la Suisse et se déroulent hors du cadre de l’OMC, en raison de l’impasse dans laquelle se trouve le cycle de Doha qui aurait normalement dû régler ces questions. Faute de résultat, certains pays ont décidé de conclure leurs propres accords.
Il est difficile de se faire une idée précise de ce que contiendra ce traité, tant le secret qui entoure les négociations est grand. Il a d’ailleurs fallu attendre des fuites sur Wikileaks pour que des éléments plus concrets soient rendus publics. Mais les rares informations ayant filtré ne sont pas de nature à rassurer celles et ceux qui, comme moi, entendent défendre les services publics.
Un objectif inacceptable. En effet, les services publics (la santé, l’éducation ou la fourniture en eau, par exemple) ne sont pas des biens au même titre que les marchandises et occupent une place à part dans nos systèmes démocratiques. En cherchant à répondre aux besoins sociaux fondamentaux et de manière non lucrative, les services publics jouent un rôle essentiel au bon fonctionnement de nos collectivités. A ce titre, il est normal qu’ils bénéficient d’une régulation particulière et qu’ils ne soient pas soumis tels quels aux mêmes règles de concurrence que les marchandises. Vouloir limiter toujours plus la capacité des Etats à légiférer dans ces domaines, afin de les soumettre aux seules lois du marché et les «réduire» ainsi à de simples objets de consommation, ne peut être accepté.
La population tenue à l’écart. En ma qualité d’élue, je constate chaque jour que des services publics forts et efficaces constituent une plus-value essentielle au bon fonctionnement de notre collectivité. Je sais également que la population est fortement attachée à ces services et qu’elle a pleinement conscience de leur utilité et de leur importance. J’ajouterais qu’en tant que citoyenne d’un pays à la longue tradition démocratique, je suis très attachée aux processus de consultation des citoyennes et des citoyens sur les sujets qui les concernent, et les services publics en font partie.
Il est dès lors particulièrement choquant que de telles discussions soient menées sans que les principaux destinataires de ces services, à savoir la population, ne puissent avoir accès aux informations pertinentes et soient ainsi en mesure de se forger leur propre opinion.
Des règles imposées et au service des seuls intérêts privés. Au final, sous couvert de libéralisation et de dérégulation, on cherche à nous faire croire que la libre concurrence est la panacée. Mais il n’en est rien. Ce que cherchent en réalité les négociateur-trice-s de TISA (et également ceux du TAFTA ou du CETA) ce n’est pas d’avoir moins de règles mais c’est d’avoir leurs règles! C’est-à-dire des règles qui s’imposent aux citoyen-ne-s en dehors des processus démocratiques traditionnels et qui ne visent qu’à servir les intérêts d’acteurs économiques privés.
Pour ces différentes raisons, il est crucial que ces projets d’accords ne se débattent pas en dehors du champ public afin que nous ayons toutes et tous voix au chapitre.
Sandrine Salerno (Conseillère administrative, Ville de Genève)
Le Courrier 25 novembre 2014
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