Dans son congrès électoral de Martigny, le PS Suisse a voté une résolution dans le sens d’une opposition à ces traités.
NON au démantèlement des services publics - NON à la libéralisation totale du pays NON à la perte de souveraineté
Malgré un système économique libéral et de nombreuses attaques de la droite patronale au niveau municipal, cantonal et fédéral, la Suisse dispose encore d’un service public de qualité dans divers domaines. Il répond ainsi aux besoins fondamentaux de la population et garantie la cohésion sociale de notre pays. Ainsi, l’enseignement, la santé, la sécurité, la poste, les transports d’agglomération ou ferroviaire de personnes, la distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité, pour ne citer que les plus importantes, sont toujours des services en main à d’entités publiques, même si comme pour la poste, le service public a été fortement réduit.
La volonté du capital privé de continuer à investir le secteur public, se l’approprier et abandonner l’intérêt public pour des rendements financiers privés, rapides et élevés est permanente et sournoise. Cette volonté touche ou menace tous les services. Dans le domaine de la santé, les cliniques privées exigent des contributions financières des cantons qui viennent à manquer aux hôpitaux publics. Les mêmes enjôlent les usagers des hôpitaux du service public afin d’en faire des clients du secteur privé et des assurances complémentaires. Dans le domaine des transports, les velléités d’augmenter les tarifs ou de supprimer des lignes au nom de la rentabilité économique, voire de sous-traiter le service à des privés. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, des universités se laissent aller à la création de chaires d’enseignement en fonction des dons des multinationales du secteur. Pour l’électricité, la libéralisation du marché est remise sur la table par le Conseil fédéral. Pour l’eau, dont la distribution en Suisse est à près de 95% en main publique, des consortiums locaux voient le jour sous forme de SA, se finançant sur le marché des capitaux et intégrant progressivement la logique du rendement.
La mobilisation citoyenne et l’usage des de démocratie directe, au niveau municipal, cantonal ou fédéral, sont les deux instruments qui ont permis de prévenir, de réduire la portée ou de s’opposer aux attaques les plus violentes contre le service public. Au niveau international, la mobilisation en 1997 et 1998 contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) et celle de 2012 contre l’Accord commercial anti contrefaçon (ACTA) sont deux illustrations de la capacité populaire de stopper les idéologues et architectes de L’exemple phare au niveau Suisse a été le rejet en 2002 par le peuple de la Loi sur le marché de l’électricité (LME) visant la libéralisation du marché.
Aujourd’hui, la menace sur le service public et la cohésion sociale en Suisse a pris une nouvelle dimension. Cette menace est extérieure. Elle s’incarne dans les divers projets d’accords de libre échange tous négociés, dans le plus grand secret, en marge de l’OMC et excluant toute dynamique multilatérale donnant voix au chapitre à tous les pays, riches ou pauvres, industrialisé ou non. Il s’agit du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) actuellement en négociation entre les USA et l’UE et auquel economiesuisse souhaite faire adhérer la Suisse, l’Accord économique et commercial global (CETA), négocié et déjà signé par le Canada et l’UE, mais largement contesté par le Parlement européen, et l’Accord sur le commerce des services (TISA) négocié par un petit club d’Etat, sous pression du lobby international des multinationales et auquel participe la Suisse.
Le TTIP, qui vise un espace de libre échange très vaste, aura pour conséquence une énorme perte de la souveraineté étatique par la prééminence des règles conventionnelles, harmonisées vers le bas, sur les normes sociales, sanitaires et environnementales aujourd’hui en vigueur dans tous les Etats européens. Ce qui permettra notamment à terme d’inonder le marché européen et par ricochet la Suisse avec les OGM américains et remettre en cause le droit des consommateurs. Il introduit un mécanisme de protection des investissements qui par le truchement d’une part d’un tribunal arbitral international, échappant à la souveraineté des Etats, et d’autre part l’expropriation indirecte permettra de fait aux entreprises de s’opposer à la mise en œuvre de mesures notamment de protection sociale, de la santé ou de l’environnement.
Relevant du même profil, le CETA étend les droits de propriété intellectuelle favorisant les multinationales avec notamment des dispositions similaires à celles de ACTA, accord pourtant abandonné sur pression de la société civile. Il introduit aussi un mécanisme de protection des investissements.
Les négociations TISA ont quant à elles pour objectif l’adoption d’un accord libéralisant le marché des services, tout particulièrement les secteurs publics encore préservés à ce jour, en mettant en place un système imposant la logique du marché à tout secteur économique nouveau et en empêchant après la libéralisation d’un secteur économique tout Etat d’opter pour un retour au service public, d’amener les Etats, par le mécanisme de protection des investissements, autour d’un tribunal arbitral, à devoir indemniser les entreprises confrontées à des politiques publiques contraires à leurs intérêts, quand bien même elles relèvent de la santé publique ou de l’environnement.
Plus en détail, au-delà du principe du traitement national qui oblige un pays à traiter les fournisseurs de services étrangers comme les nationaux, ce qui met en pièces toute capacité d’un pays, tout particulièrement d’un pays en développement, mais cela pourrait être aussi la Suisse, à développer un secteur national d’un service, TISA introduit le principe du rochet. Toute décision politique ne peut aller que vers une plus grande libéralisation et jamais dans le sens inverse. Aucun pays ne pourra plus revenir sur les libéralisations acceptées lors de l’entrée en vigueur du TISA.
Une révision de la loi sur la poste redonnant plus de compétences au service public ne serait pas possible, tout comme la remunicipalisation de la gestion de l’eau l’a où elle ne l’est plus, comme cela se passe en France ou dans bien des pays en développement. TISA introduit également une nouvelle manière pernicieuse de fixer le champ d’application de l’accord et des secteurs à libéraliser. Au lieu de mentionner dans l’accord explicitement les champs à libéraliser (liste positive) comme c’est le cas pour les engagements à l’OMC, l’accord se négocie selon le principe inverse que tous les secteurs sont libéralisés, sauf ceux expressément exclus (liste négative). La liste négative pose un problème fondamental car aucun gouvernement ne peut avoir une vue d’ensemble de tous les secteurs susceptibles d’être libéralisés au moment de la signature, ni encore moins des secteurs économiques qui pourraient surgir à l’avenir. Ainsi, il y a 30 ans personnes n’imaginait l’existence de l’économie virtuelle et personne ne peut dire aujourd’hui si une partie de ce secteur devra un jour être un service public. Enfin, les domaines visés par TISA sont vastes : services financiers, télécommunications, commerce électronique, transports maritimes, aérien et routier, services professionnels, services liés à l’énergie et services postaux, et peut-être les marchés publics à la demande de l’Union européenne et les entreprises détenues par l’Etat à la demande des USA.
Ces divers mécanismes mettent en danger de manière évidente les droits populaires. Une initiative pour la renationalisation d’un service ou l’extension du champ d’application ne sera plus possible. En effet, il faudra sortir de TISA ou renoncer à l’extension du service public.
Le Conseil fédéral, par la voix du SECO, indique que, dans les négociations, la Suisse ne va pas plus loin que ses engagements à l’OMC et a refusé de soumettre aux Commissions de politique extérieure un mandat de négociation pour TISA. Or, l’architecture de l’accord étant autre, l’impact de concessions est bien différent et justifie la discussion d’un tel mandat. Par ailleurs, d’éventuelles réserves tomberont, comme sont tombées celle faites à l’OCDE sur le secret bancaire. Ce n’est qu’une question de temps.
Les milieux économiques, en première ligne économiesuisse, afin de forcer la dérèglementation, la privatisation et la défense des intérêts du capital sur les politiques publiques d’intérêt général, qu’ils ont échouée en bonne partie à imposer au niveau suisse, outre la conclusion des négociations et la
ratification de TISA par la Suisse, exigent déjà l’adhésion de la Suisse au TTIP et à CETA. Une stratégie destinée à contourner la volonté populaire et citoyenne de notre pays.
En résumé, ces accords vont dans le sens contraire de la démocratie économique prônée par le programme du PSS.
Au vu de ce qui précède, Le PSS, conscient de la nécessité de préserver le service public instrument essentiel pour répondre aux besoins fondamentaux des habitants et habitantes de ce pays, de garantir une meilleure justice sociale, la cohésion sociale et l’intégration des régions périphériques
• rejette les accords TISA, TTIP et CETA ;
• demande instamment au Conseil fédéral
- de se retirer des négociations de TISA,
- de ne pas prendre pas part aux négociations sur le TTIP, CETA ou tout autre accord similaire,
- de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ces accords, s’ils aboutissent, n’aient aucun impact en Suisse ;
• requiert du Conseil fédéral et du Parlement qu’ils rejettent toute forme des mécanismes de protection des investisseurs portant atteinte aux politiques publiques;
• exige, le cas échéant, que toute adhésion aux accords TTIP, CETA ou tout autre accord similaire, soit soumise au référendum ;
• demande à la fraction socialiste aux Chambres fédérales de tout mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs.
Proposition du Comité directeur : réception pour examen et confirmation des lignes rouges.
Le Comité directeur partage le scepticisme émis par cette résolution sur les accords de libre-échange négociés. Naturellement, la Suisse se trouve dans une situation particulière, car elle n’est pas assise à la table de négociations sur les TTIP et CETA. Nous allons encore activer les contacts étroits que nous avons avec nos partis sœurs en Europe, afin de renforcer nos lignes rouges, qui sont également partagées.
Les négociations pour ce type d’accords, bon gré mal gré, très peu transparent et encore loin d’être aboutis. Avec les deux accords de libre-échange (USA-UE – TTIP et Canada-UE – CETA), il ne peut encore être exclu que des standards politiques progressistes, sur des questions sociales ou écologiques par exemple, liant ainsi le commerce mondial avec des standards plus justes, soient intégrés. Si de nouveaux critères sont établis par les USA et l’Europe, les deux grands espaces commerciaux, il pourrait s’agir d’un véritable levier pour conduire à une meilleure conception de la globalisation.
En abordant la question de l’accord sur les prestations de service TISA, le Conseil fédéral a toujours exclu que le domaine du service public soit concerné de quelque manière que ce soit, plus exactement qu’il s’agissait de renforcer la sécurité du droit dans d’autres secteurs de services.
Cette sécurité est importante pour la place industrielle suisse. Si les promesses faites par le Conseil fédéral ne sont pas tenues, un référendum est d’ores et déjà annoncé et la défaite du Conseil fédéral prévisible.
Le Comité directeur pourra jauger le résultat des négociations à l’aide des lignes rouges ci-après et présenter ainsi une recommandation aux délégué-e-s :
• Les accords de libre-échange ne doivent pas mettre en danger les droits des travailleur-euse-s, la protection des consommateur-trice-s ou les standards sociaux et environnementaux. Ces accords doivent favoriser des avancées en matière de standards européens et globaux en droit du travail et droit environnemental, de protection des données, des consommateur-trice-s, des animaux et de la santé ou encore d’organisation sur les questions culturelles.
• Un accord sur les prestations de services (TISA) doit renforcer les places de travail et ne doit, sous aucun prétexte, affaiblir les services publics et les régulations des marchés financiers.
• La grande qualité du service public et la répartition actuelle des biens ne doivent en rien être affectées.
• Les réglementations sur la protection des investisseurs entre Etats avec des systèmes de droit développés ne sont pas nécessaires et ne doivent pas être reconduits.
Résolution Badran, Molina, Schwaab, Wermuth, Sommaruga, Carobbio
Congrès électoral extraordinaire du PSS à Martigny
14 février 2015
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