Billets de Tribolo et abonnements de téléphonie mobile: à La Poste, la vente prend toujours plus d’importance.
Quand on va poster un colis, il faut désormais slalomer entre les présentoirs croulant sous les DVD, les ours en peluche et autres balances de cuisine. Pour se voir encore proposer, au guichet, un billet de loterie ou une vignette autoroutière.
Cette stratégie n’agace pas seulement la clientèle. Selon un sondage réalisé par Syndicom, qui défend les intérêts de la branche, le personnel proteste également contre la pression subie en permanence pour viser un maximum de profit (lire encadré).
Trois points pour un abonnement
Le géant jaune fixe des objectifs de vente sous forme de points à obtenir. Ainsi, si un office postal occupant cinq personnes doit réaliser 200 points sur l’année dans le secteur de la téléphonie mobile et d’internet, ce total est réparti entre ces derniers, ce qui représente 40 points pour un emploi à plein temps. Trois points sont accordés pour la conclusion d’un nouvel abonnement de téléphonie mobile, deux seulement pour le prolonger. D’autres consignes portent sur les produits PostFinance, les assurances et les produits provenant de tiers, tels que la vignette autoroutière ou les billets de loterie.
Nous avons recueilli les témoignages de deux employés. «Les objectifs fixés sont totalement exagérés», dénonce sous le couvert de l’anonymat le responsable d’un office de poste. Il explique devoir atteindre un total de points annuel qui est ventilé dans les différents secteurs.
A la fin de l’année, un bonus de quelques centaines de francs récompense les collaborateurs qui y sont arrivés. Les autres doivent composer avec une mauvaise note à leur entretien de qualification. Notre interlocuteur relève que, en 2013, son équipe n’a rempli que la moitié du cahier des charges qui lui était attribué. Ce qui n’a pas empêché la direction de les augmenter d’un cran en 2014. Et, pour ne rien arranger, le responsable n’a pas son mot à dire sur l’assortiment proposé à la clientèle.
Le service de base compte pour beurre
«Le chiffre d’affaires est le seul critère utilisé pour juger de la qualité de notre travail», regrette le postier. Or, les collaborateurs consacrent entre 80% et 90% de leur temps au service de base, comme que le traitement des lettres et des colis, sans oublier l’exécution des ordres de paiement. Mais rien n’y fait: «Notre tâche principale compte pour beurre. Quand on n’atteint pas la cible, notre supérieur nous sermone aux entretiens annuels de qualification!»
«Je trouve difficile de vendre des produits qui sortent de mon domaine de compétences, déplore un autre agent qui désire lui aussi rester anonyme. Nous n’avons pas de vue d’ensemble sur toutes les offres existant en matière de téléphonie mobile, d’internet et de télévision et nous ne recevons pas de formation dans ce domaine.»
Les témoignages récoltés par Syndicom abondent dans ce sens. «A la fin de la journée, je rentre frustré à la maison, car il n’y a plus que les objectifs de vente qui comptent!» Ou encore: «Le service public passe après le reste. L’important, c’est de faire du bénéfice!»
Résultats contestés
Syndicom cite le cas de responsables d’offices qui ont enjoint leur équipe de vendre des abonnements de téléphonie mobile à leurs amis et à leur famille pour doper les statistiques. Un postier avoue acheter lui-même un téléphone fixe par mois pour avoir la paix!
Ces résultats sont contestés par le porte-parole de la La Poste, Bernhard Bürki. Selon les sondages internes envoyés chaque année à quelque 10 000 employés, le personnel est en majorité satisfait de son travail, rétorque le porte-parole. Les agents suivent, du reste, des formations spécifiques à la vente. Quant aux bonus, ils ne représentent que 0,8% de la masse salariale.
Beatrice Walder / chr
BàS / n° 03-2015 (p.23)
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