Libéralisation des services. Des municipalités de l’arc lémanique refusent d’être soumises à l’accord Tisa.
Les communes de Carouge, Meyrin, Renens et Lausanne se mobilisent contre l’accord sur le commerce des services qui est négocié hors OMC par les puissances occidentales dont les Etats-Unis, l’Union européenne et la Suisse.
Les discussions à son sujet se font de manière très opaque à Genève (à la mission de l’Australie) sous l’impulsion des Etats-Unis. Ce qui inquiète non seulement de nombreux syndicats et associations mais aussi les exécutifs et législatifs communaux.
Selon les rares documents qui sont connus (L’Agefi du 10 juin), l’accord a pour vocation d’être contraignant vis-à-vis des normes des pays signataires et d’empêcher tout retour en arrière en cas de libéralisation. Une éventualité qui est décriée par ces communes qui y voient une atteinte à leur souveraineté. Le Conseil fédéral ne semble pas vouloir proposer de référendum obligatoire. «C’est un déni de démocratie! Les communes seront encore plus restreintes dans leurs décisions», s’exclamait hier Nicolas Walder (Les Verts), conseiller administratif de Carouge.
Les législatifs des communes en question ont accepté des résolutions pour se proclamer «zone hors Tisa» et appellent les autres municipalités à se mobiliser. La Ville de Genève ne s’est pas encore prononcée mais des commissions ont ouvert le débat. «La mesure est symbolique mais elle a pour objectif de faire connaître Tisa aux citoyens», a précisé Nicolas Walder. La mobilisation avait déjà eu lieu dans une grande partie de la Suisse occidentale lors des négociations de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS/GATS) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
L’opacité autour des négociations sur Tisa interpelle les autorités communales qui se sentent directement concernés dans leur rôle de représentants de la population. «Les citoyens suisses doivent pouvoir s’exprimer sur un sujet aussi sensible. C’est la Constitution qui est bafouée sans droit au référendum», estime Jean-Marc Devaud (PDC), conseiller administratif de Meyrin.
Selon lui, une consultation populaire avec un exposé clair des enjeux de Tisa est nécessaire. «Le manque d’informations est trop grand pour réellement comprendre ce que représenterait son entrée en vigueur.» Les informations évoquant des tribunaux arbitraux privés inquiètent le conseiller administratif. Cette clause bloque en ce moment l’adoption du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP/Tafta) au Parlement européen.
Les communes se sentent concernées car elles sont très actives dans l’aménagement du territoire et la construction. Les libéralisations liées à Tisa pourraient réduire fortement leur marge de manœuvre et créer des charges supplémentaires. Nicolas Walder estime que l’externalisation n’est pas forcément synonyme de réductions des coûts. «Sans compter que l’impossibilité de revenir en arrière sur la libéralisation empêche les erreurs naturellement liées à la démocratie.»
Jean-Marc Devaud rappelle qu’il ne s’agit pas seulement des services publics mais aussi des petites entreprises locales. L’arrivée de multinationales sur certains marchés risque de créer une concurrence ardue avec de larges répercussions. La plupart des appels d’offres des communes sont attribués aux sociétés locales mais la réalité pourrait devenir tout autre avec Tisa, selon le conseiller administratif qui est à la tête d’une entreprise d’une centaine d’employés.
Tisa est discuté par un cercle de pays qui veulent arriver à un accord définitif sur la libéralisation des services au vu du surplace des négociations dans le cadre de l’OMC. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) plus généralement réfractaires à la libéralisation sont absents des discussions.
Les différentes associations et syndicats impliqués dans «Stop Tisa» estiment qu’un tiers de la population mondiale va instaurer des normes pour tous car ces pays représentent les trois-quart du commerce international. «C’est un large transfert des biens publics vers le secteur privé», estime Paolo Gilardi, membre du comité Stop Tisa et du syndicat des services publics.
Johan Friedli, 18.06.2015, Agefi
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