«Je ne pensais pas que le TTIP aurait pu être plus effrayant, mais j’ai parlé à la responsable de l’UE en charge de celui-ci. Avec seulement huit mots elle a dévoilé ce qui ne colle pas avec cet accord et pourquoi il doit être combattu».
J’ai eu récemment la chance rare de pouvoir jeter un œil derrière la façade officielle de l’Union européenne lorsque j’ai rencontré la commissaire au commerce dans son bureau à Bruxelles. J’y étais pour parler du Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement [TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership NdT], cet accord commercial si controversé, en cours de négociations entre l’Union européenne et les États Unis.
Devant l’évidence, Cecilia Malmsröm reconnaît que jamais un accord commercial n’a soulevé autant d’opposition populaire. Mais ses réponses rendent claires les priorités de l’UE. JOHN THYS/AFP/Getty Images
En tant que commissaire au commerce, Cecilia Malmström occupe une position importante dans la bureaucratie européenne. Elle dirige le département commerce de la Commission européenne, poste occupé auparavant par Peter Mandelson jusqu’à ce qu’il soit forcé d’abandonner la politique en Grande-Bretagne. Elle est donc en charge de la stratégie commerciale pour les 28 membres de la communauté et ce sont ses fonctionnaires qui sont en train de finaliser le TTIP avec leurs homologues américains.
Lors de notre rencontre, j’ai mis Malmström face au problème de l’opposition populaire massive au TTIP, dans toute l’Europe. Durant l’année précédente, un record de 3 250 000 Européens ont signé la pétition contre cet accord. Des milliers de manifestations se sont déroulées dans les 28 pays européens, dont la plus spectaculaire s’est tenue le week-end dernier à Berlin, réunissant 250 000 personnes.
Face a cela, Malmström a reconnu que jamais un accord commercial n’avait inspiré une telle opposition, si large et si déterminée. Mais quand j’ai demandé à la commissaire comment elle pouvait continuer à faire la promotion de l’accord face à une opposition si forte du public, elle a eu cette réponse glaçante : «Je ne suis pas mandatée par le peuple européen.»
Protestataires à Londres le 7 octobre 2015
Mais alors par qui est mandatée Cecilia Malsmtröm ? Officiellement, les commissaires européens sont censés suivre les instructions des gouvernements européens élus. Pourtant la Commission européenne mène les négociations concernant le TTIP à huis clos, sans la légitime intervention des gouvernements européens, encore moins des députés ou du public. Les fonctionnaires britanniques nous ont avoué être complètement laissés dans l’ignorance des négociations sur le TTIP, ce qui rend leur travail impossible.
Dans les faits, comme le rapport de War on Want vient de le révéler, Malsmtröm reçoit directement ses ordres des lobbyistes qui arpentent Bruxelles. Ce n’est plus un secret que la Commission européenne prend ses consignes auprès des lobbys de l’industrie tels que BusinessEurope et l’European Services Forum, comme une assistante de direction auprès de son patron. Il n’est donc pas étonnant que les négociations du TTIP soient plus faites pour servir les intérêts des compagnies que les besoins de la population.
D’ici deux ans, le peuple britannique devra décider s’il veut quitter l’Union européenne ou y rester. Je suis fier d’être européen et n’ai aucune affinité avec la xénophobie alarmiste de ces petits Anglais voulant fermer nos frontières. Je crois en une Europe populaire, une Europe sociale ou l’on puisse travailler ensemble, avec les autres Européens, à l’intérieur comme a l’extérieur du continent, et construire un futur commun dépassant les intérêts financiers d’une élite restreinte.
Des activistes à Berlin le 9 octobre 2015, Merkel allume la bombe du TTIP
Mais la question du référendum ne sera pas de savoir si l’on veut rester européen, cette question n’aurait d’ailleurs aucun sens. Elle portera plutôt sur le fait de rester assujetti aux institutions européennes, dont cette Commission qui n’est pas élue. Comme la population grecque en a fait l’amère expérience, ces institutions ne toléreront aucune réforme ou changement de cap face à l’austérité permanente et aux lois commerciales qu’ils cherchent à nous imposer.
Ce TTIP nous donne donc un aperçu du cauchemar que la Commission européenne a en réserve pour chacun de nous. Cecilia Malmström et ses collègues commissaires ont montré le peu de considération qu’ils portaient au peuple européen. Nous sommes avertis.
Pour ajouter votre signature à la pétition du peuple européen contre le TTIP, allez sur waronwant.org/ttip.
John Hilari est Directeur de War on Want. Suivez le sur Twitter: @JHilary
Par John Hilary – Le 16 octobre 2015 – The Independent
Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone
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