Le traité transpacifique (TTP) repousse les frontières du libéralisme dans le monde

Libre-échange• Les États-Unis et onze pays ont signé l’accord sur le traité transpacifique. S’il est ratifié par les parlements, le texte accouchera de la plus vaste zone de libre-échange mondiale. Une invitation des libéraux à accélérer les négociations avec l’Europe dans le cadre du traité transatlantique (paru dans l’Humanité)

La droite a une conception mouvante des frontières. Hier, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, se réjouissait de la signature de l’accord sur le traité de libre-échange transpacifique (TPP), estimant «qu’il repousse la frontière du commerce et de l’investissement dans les biens et services vers de nouveaux domaines où les bénéfices peuvent être très significatifs». L’affaire pourrait prêter à sourire au moment où, en France, sa propre famille politique invite à refonder l’espace Schengen afin de suspendre la liberté de circulation et de rétablir le contrôle aux frontières face à la «pression migratoire». Seulement, en entérinant le TPP, les États-Unis, le Canada, le Mexique, le Chili, le Pérou, le Japon, la Malaisie, le Vietnam, Singapour, Brunei, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui pèsent 40 % du PIB mondial, viennent de créer la plus vaste zone de dérégulation du globe et une voie de contournement des cycles mondiaux de discussions sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), après l’échec de Doha en 2006.

Lundi, seules quelques voix se sont d’ailleurs élevées pour s’inquiéter des conséquences de la signature du TPP. Ainsi, Bernie Sanders, le candidat socialiste à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine, a estimé que «Wall Street et les grandes entreprises l’ont une nouvelle fois emporté». Il est difficile de lui donner tort alors que le TPP empêche les États d’exclure les produits financiers risqués, de limiter le contrôle des mouvements des capitaux, et d’interdire la taxation des mouvements spéculatifs. Les grandes entreprises ont également de quoi se réjouir puisque l’accord institue l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement) – organe de règlement des conflits entre État et investisseurs –, qui permet aux firmes privées de déposer plainte auprès d’une cour d’arbitrage si elles s’estiment lésées par les lois votées par les parlements nationaux.

Levée de droits de douane sur 18’000 produits américains
A l’issue d’une réunion de cinq jours à Atlanta (Etats-Unis), les douze pays membres ont conclu un processus de négociation entamé en 2008 qui menaçait de ne pas aboutir jusqu’à la dernière minute. En cause, l’accès aux marchés agricoles, les règles d’origine (RO) des pièces détachées automobiles ou encore la protection des brevets de certains médicaments biologiques. Ainsi, l’Australie, le Chili et le Pérou ont vivement affronté Washington quant à la protection dont jouissent les entreprises états-uniennes dans ce domaine (celles-ci disposent d’un brevet de douze ans contre cinq ans dans les autres pays). Si le contenu précis de l’accord final n’avait pas été rendu public à l’heure où ces lignes étaient écrites, diverses associations s’étaient quant à elles élevées contre la restriction de l’accès à des médicaments génériques vitaux pouvant être utilisés dans le cadre de traitements contre le cancer. Autre point d’achoppement : l’ouverture des marchés des produits laitiers canadien, japonais et américain aux importations venues de Nouvelle-Zélande. Vent debout, les producteurs canadiens qui opèrent déjà dans un marché ouvert à 10 % aux importations étrangères dans ce domaine et s’apprêtent à affronter l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, qui impliquerait l’importation de 17’000 tonnes de fromage. L’accord prévoit en outre la disparition de 18’000 droits de douane auxquels étaient soumis les marchandises américaines dans l’industrie mécanique, les technologies de l’information, la chimie ou les produits agricoles.

Si le TPP est ratifié par les parlements nationaux des douze pays, la stratégie de pivot vers l’Asie de Barack Obama aura franchi un pas considérable dans sa volonté de contrebalancer l’influence grandissante de la Chine et de son projet de ceinture économique de la route de la soie dont font partie une série de pays concernés par le TPP. «C’est un aboutissement majeur non seulement pour le Japon mais aussi pour l’avenir de la zone Asie-Pacifique», s’est félicité le premier ministre japonais, Shinzo Abe, dont le pays est en première ligne dans la stratégie américaine d’endiguement de la Chine. Le président américain espère également profiter de la dynamique du TPP afin d’accélérer les négociations autour du traité transatlantique avec l’Europe (Tafta).

Publié le 7 octobre 2015 par la rédaction de Gauchebdo dans la rubrique International

Paru dans l’Humanité, par Lina Sankari

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