Les cantons n’ont pas obtenu le soutien désiré de la part du National dans la 3e réforme de l’imposition des sociétés. Ils réclament, comme la gauche, des correctifs.
La Suisse ne rénove pas son imposition des entreprises par plaisir. Elle n’a, comme on le sait, pas le choix: la pression internationale, notamment de l’Union européenne (UE), la contraint à supprimer les privilèges fiscaux accordés à certaines sociétés étrangères. Donc à mettre toutes les entreprises sur un pied d’égalité. Dans les faits, cela augmente la taxation des opulentes entités étrangères. Pour éviter que ces vaches à lait ne s’exilent, des compensations s’imposent. Le parlement les discute dans la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE III). Hier au National, le projet a été approuvé par 138 voix contre 52. La gauche tempête; les cantons sont mi-figue mi-raisin. État des lieux non exhaustif avant un deuxième passage au Conseil des États.
1 Principales décisions
Hier au deuxième jour des débats, les conseillers nationaux ont introduit une nouvelle divergence avec les États, en fixant à 20,5% la part de l’impôt fédéral direct que Berne devrait reverser aux cantons (17% aujourd’hui). Le Vaudois Olivier Feller (plr) proposait de passer à 21,2%, comme les États. Sa proposition a échoué par 89 voix contre 99.
La Chambre du peuple s’est aussi écartée de celle des cantons sur le droit du timbre. Alors que le Conseil des États avait refusé de supprimer cette taxe honnie par la droite, le National a décidé de la «sortir» du projet pour la traiter à part en commission. Ses jours semblent comptés.
Avant-hier, le Conseil national a inclus, contre l’avis des États, un nouveau rabais fiscal: l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts (ou «intérêts notionnels», voir notre édition du 17 mars). Plus loin, les conseillers nationaux se sont montrés plus généreux dans les allégements octroyés pour les dépenses en recherche et développement. La Chambre du peuple veut notamment défiscaliser les investissements consentis à l’étranger.
Afin de limiter la casse pour les cantons, le National a tracé une ligne rouge. Les soustractions effectuées grâce aux divers outils ne pourraient pas dépasser 80% du bénéfice imposable. But: éviter que certaines sociétés ne versent plus un centime dans les caisses publiques.
2 Correctifs demandés
«Le Conseil national a surchargé le bateau au risque de le faire couler», dixit Charles Juillard, président jurassien de la Conférence des directeurs cantonaux des finances. Les cantons réclament trois corrections principales avant le retour au Conseil des États.
Premièrement, l’élimination des «intérêts notionnels», qui rebutent aussi les villes, et pourraient coûter jusqu’à 344 millions de francs par an aux cantons. Pascal Broulis (plr), grand argentier vaudois favorable à la mesure, dément: «Vu la faiblesse des taux actuels, les conséquences resteraient minimes.» Charles Juillard (pdc) n’est pas d’accord. «C’est vrai aujourd’hui, mais cette loi est pensée à long terme.»
Deuxièmement, les cantons ne veulent pas entendre parler d’une déduction pour les dépenses en recherche et développement faites à l’étranger. «Cela n’aurait pas de sens: quel intérêt auraient les sociétés à pratiquer ces activités chez nous?», s’exclame le ministre jurassien.
Enfin, les cantons exigent que la Confédération leur reverse 21,2%, et non 20,5%, de l’impôt fédéral direct, pour atteindre le milliard de compensation promis par Berne.
Là encore, les villes leur apportent leur soutien. Elles saluent au passage l’amendement du conseiller national Dominique de Buman (pdc, FR), qui oblige les cantons à tenir compte des villes et communes.
3 Menaces de référendum
La gauche est furieuse. Pour elle, le contre-financement prévu par le Conseil fédéral est passé à la trappe. Le PS menace de lancer un référendum «si le Conseil des États ne corrige pas le tir».
4 Effet sur le cas vaudois
La loi fédérale conditionne évidemment le texte du canton de Vaud, qui organise la première votation de Suisse sur le sujet dimanche. Même si le peuple vaudois adoptait «son» paquet, muni de contreparties sociales, un éventuel référendum au niveau fédéral en bloquerait l’entrée en vigueur, prévue vers 2019.
Le Courrier, PHILIPPE BOEGLIN
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