En 2014, l’AVS a pu conclure sa comptabilité avec des chiffres noirs – mais cette fois uniquement grâce aux résultats des placements des capitaux du fonds AVS. La comparaison entre les entrées des cotisations et des prestations de l’AVS (le résultat de la répartition) était négative.
En 2015, les placements ne pouvaient plus compenser ce qui manquait à la répartition. Les raisons de ce phénomène se trouvent dans la structure d’âge de la population. Une structure influencée, entre autres, par la démographie ainsi que par la politique migratoire.
1910
Il y a un siècle, la structure d‘âge était assez «équilibrée». Peu de monde dépassait l’âge de 80 ans. Aujourd’hui, une pyramide «équilibrée» dépasserait largement cette limite de 80 ans grâce aux progrès de la médecine. Cette croissance de la pyramide d‘âge ne poserait aucun problème à l’AVS. La croissance économique signifie une croissance de la masse salariale qui couvre largement l’augmentation de l’espérance de vie.
1950
La structure d’âge est devenue assez irrégulière. Les trentenaires sont réduits: en 1918, la grippe espagnole avait provoqué de nombreux décès parmi la population des familles pauvres, surtout parmi les enfants. Dans les années 1920 et 1930, la crise économique et le chômage avaient fait baisser le taux de natalité. En 1945, la moitié de l’Europe était détruite après la guerre mondiale; la Suisse, qui était restée en dehors de la guerre, a pu en profiter et a vécu un boom économique – ce qui a permis un boom des naissances: le «baby-boom».
1970
La fin du «baby-boom» s’annonce: la pilule permet une contraception sûre, et les naissances sont en baisse. La génération née au temps de la grippe espagnole est proche de la cinquantaine, la coupe dans la pyramide des âges est toujours bien visible. Ce qui frappe est le fait que, soudain, la génération proche des 25 ans s’est nettement élargie.
Dans le graphique précédent, cette génération avait cinq ans. En 1950, on comptait environ 40 000 filles et autant de garçons de l’âge de 5 ans. Vingt ans plus tard, il y a beaucoup plus de femmes et d’hommes âgés de 25 ans. La différence est plus marquée chez les hommes: on peut compter environ 55 000 hommes âgés de 25 ans.
La Suisse vit toujours un boom économique et fait appel aux ouvriers et ouvrières venu-e-s de l’étranger, la plupart d’entre eux/elles sont âgé-e-s entre 20 et 30 ans. Mais la Suisse ne veut laisser entrer que la main-d’œuvre, la famille reste exclue. Le statut de saisonnier coupe les familles de migrants en deux: le père travaille dans le bâtiment, dans l‘industrie ou dans les services (et paie ses cotisations AVS bien sûr), mais sa femme et ses enfants restent dans leur pays d’origine: en Italie, en Espagne, au Portugal, etc.
Pour l‘AVS, cela signifie que, lorsque les saisonniers atteindront l’âge de la retraite, leurs enfants ne seront pas en Suisse et ne pourront pas contribuer au financement de l‘AVS. Leurs cotisations manqueront dans le système des assurances sociales. Le «statut de saisonnier» n’était pas uniquement inhumain, il était aussi économiquement erroné.
2000
La génération de la pointe du «baby-boom» atteint l’âge de 35 ans, la pyramide se gonfle à cet âge. Les générations les plus jeunes représentent «l’effet pilule». Une grande partie des enfants des saisonniers sont absents de ce graphique, pour les raisons mentionnées plus haut.
Le «ventre» autour de l’âge de 50 ans est plus grand pour l‘AVS. Une partie des saisonniers est retournée dans son pays d’origine et a donc disparu de la statistique des habitants. Elle a cependant gardé son droit à une rente AVS, puisqu’elle a payé ses cotisations. Pour l’AVS, la génération des cinquantenaires a donc encore grossi. Cette génération partira à la retraite en 2015 – d’où la croissance temporaire des rentes qu’on observe actuellement.
On peut s’attendre à ce que cet effet se maintienne au cours des prochaines années: le graphique montre que le nombre des retraité-e-s va augmenter d’année en année au fur et à mesure que la génération du «baby-boom» atteint l’âge de 64/65 ans. Mais le graphique montre aussi que l’effet s’affaiblira au moment où la génération de «l’effet pilule» atteindra la même barrière. Durant une décennie environ, il faut cependant s’attendre à des déficits
dans les comptes AVS.
Conclusion: durant deux décennies environ, il nous faudra des ressources supplémentaires pour financer l’AVS, tant que la génération du «baby-boom» domine le côté des dépenses de l’AVS. Il est évident aussi que nous aurons besoins d’une immigration pour remplacer les «baby-boomers» sur le marché du travail, ainsi que pour les soigner lorsqu’ils seront plus vieux encore. L’immigration sera nécessaire de nouveau – mais jamais avec un statut de saisonnier! Et l’immigration sera aussi bénéfique pour les comptes AVS puisqu’elle équilibrera la pyramide d’âge et ainsi le bilan de l’AVS.
STEFAN GIGER - SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SS
Services publics, 11.3.2016
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