Le Conseil des États est couramment appelé la Chambre des cantons. Il a fait honneur hier à cette dénomination lors des débats sur la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE III).
Les sénateurs ont en effet fidèlement relayé les principales revendications des cantons, en limitant la multitude d’allégements fiscaux consentis par le Conseil national.
Ce retour à une certaine mesure isole toujours davantage le Parti socialiste. Ayant annoncé le référendum, la formation à la rose risque fort de ne pas jouir du soutien ô combien précieux des cantons. Seule la majorité bourgeoise du National pourrait en décider autrement: si elle s’obstinait à maintenir son catalogue de déductions, les cantons pourraient éventuellement s’en remettre au verdict populaire. Le spectre des urnes a plané sur les délibérations. Ainsi, Konrad Graber (pdc/LU) y a explicitement fait référence au moment d’appeler au rejet de l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts. «Ce point n’est pas défendable devant le peuple, et difficile à expliquer sur un podium.»
L’instrument, qui permet aux sociétés se finançant avec leurs propres capitauxde déduire l’équivalent de l’intérêt qu’elles paieraient si elles empruntaient le même montant à l’externe, n’a pas trouvé grâce. Les conseillers aux États l’ont biffé par 26 voix contre 19, suivant les souhaits des cantons, et maintenant une divergence avec le National. Résultat: la Confédération s’épargne des pertes de 260 millions, les cantons de 350 millions, et les villes et communes de 550 millions.
Konrad Graber a dit tout le mal qu’il pensait de cet outil. «Si on l’instaurait, les particuliers pourraient réclamer la même chose: déduire un intérêt fictif sur les fonds propres amenés pour leur maison familiale. En plus, ce modèle est déjà controversé à l’étranger.»
Pas de raison donc de l’approuver, quand on sait que la 3e réforme de l’imposition des entreprises vise, justement en raison de la pression internationale, l’abolition des privilèges fiscaux des grandes sociétés étrangères.
La Chambre des cantons ne s’est pas arrêtée là et a poursuivi sur sa ligne divergente du Conseil national. Les sénateurs ont tenu à plafonner les rabais en recherche et développement à 150% des dépenses. En gros, l’entreprise pourra soustraire 1,50 franc pour chaque franc investi. Un strict minimum pour Christian Levrat (PS/FR): «On déduit des frais qui n’ont pas été engagés. Certains voudraient même aller jusqu’à 200, 300, 1000%.»
Toujours en recherche et développement, le Conseil des États a désavoué le National en atomisant par 38 voix contre 5 les rabais pour les investissements réalisés à l’étranger. Le ministre UDC des Finances, Ueli Maurer, est monté au front. «Etant donné que cette révision doit renforcer l’économie suisse, cet outil arrive comme un cheveu sur la soupe.»
Cerise sur le gâteau, les cantons ont obtenu gain de cause concernant la part de l’impôt fédéral direct reversée par Berne. Les États leur ont alloué 21,2%, contre 20,5% pour le National (aujourd’hui, ils touchent 17%).
Le Courrier, PHILIPPE BOEGLIN
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