La poste se robotise

A l’occasion d’un test inédit, un engin à six roues livrera des colis spéciaux à Berne, Köniz et Biberist. Avec l’introduction de robots de livraison, la chanson d’Henri Dès C’est un gentil facteur, sur son vélomoteur, pourrait devenir obsolète.

La Poste vient en effet d’annoncer des tests dans les communes de Berne, Köniz (BE) et Biberist (SO) qui auront lieu ces prochains mois. Avec sa forme de gros aspirateur à six roues, l’engin fabriqué par la firme anglo-estonienne Starship Technologies ressemble un peu à R2D2, le célèbre robot de la Guerre des étoiles. Il ne parle pas mais peut transporter une charge de dix kilos sur 5 à 6 kilomètres.

Pour des médicaments

Ces machines dont le géant jaune ne communique pas le coût sont munies d’un compartiment. Une fois arrivées à la bonne adresse à une allure d’environ 3 km/h, elles envoient un SMS au destinataire qui peut prendre possession de son envoi. Ces livraisons ne concerneront que des envois très spéciaux, comme des médicaments à un patient souffrant de diabète, une application qui pourrait intéresser MediServices, une société active dans la livraison de produits médicaux.

«Les robots de livraison circuleront au pas sur les trottoirs et dans les zones piétonnières, navigueront de façon autonome et éviteront automatiquement les obstacles, explique Dieter Bambauer, responsable de PostLogistics. Un mix de signaux de localisation GPS et de reconnaissance visuelle via neuf caméras assurera sa navigation.»

L’homme reste dans le coup

L’homme ne sera pas exclu du processus. En cas de problèmes, un opérateur à distance se tient prêt à intervenir. Lors de chaque course, le robot est capable d’apprendre les difficultés de son parcours. «Durant les trajets d’essai, les robots de livraison seront accompagnés et surveillés en continu par une personne afin de pouvoir recueillir le plus grand nombre possible d’informations sur leur fonctionnement, ajoute Dieter Bambauer. Lors de ces tests, la réaction des passants et la fiabilité des robots seront évaluées.»

Si les tests donnent satisfaction, La Poste pense mettre en service ces robots de livraison dans trois à cinq ans. Science-fiction ou réalité en marche? Pour Philippe Wieser, titulaire de la Chaire de logistique, économie et management de l’EPFL, le robot-facteur est une solution d’appui réalisable car cette technologie est maîtrisée.

«La Poste est dans une dynamique d’innovation car elle doit trouver une solution aux problèmes de logistique urbaine, estime-t-il. Il y a la solution automatique guidée par GPS comme le robot-facteur et le drone mais aussi la solution technique, à l’image des regroupements de livraison par quartier. Ce sont deux solutions intelligentes qui se combinent bien.» La Poste met par exemple à disposition des boîtes aux lettres géantes pour un quartier, qui permettent de diminuer l’utilisation de véhicules en ville, relève Philippe Wieser. Le professeur se dit aussi convaincu par les microlivraisons de colis par les drones dans des régions excentrées ou pour des envois spéciaux urgents. «A condition que ce soit une utilisation ponctuelle en raison des risques pour la sécurité», précise-t-il.

Une menace sur l’emploi?

Ces projets de robotisation de la livraison annoncent-ils des coupes dans le personnel? La Poste l’assure: le robot de Starship Technologies, comme du reste le drone qu’elle est en train de tester, ne va pas remplacer le postier dans la distribution classique de colis. «Dans un avenir proche, la distribution continuera à être effectuée par des êtres humains, garantit le responsable de PostLogistics. Mais ce type de livraison peut s’appliquer aux produits alimentaires, médicaux ou aux services ultrarapides dans la journée voire dans l’heure.»

Olivier Cottagnoud, président du Syndicat autonome des postiers (SAP) ne craint pas de pertes de places de travail pour une autre raison: «Ce n’est pas une préoccupation, parce que je ne pense pas que ce projet verra le jour, tout comme le drone. Il faut faire la différence entre les projets d’automatisation du travail qui entraînent des suppressions de postes et les projets médiatiques qui font parler de La Poste, à l’image du robot de livraison.»

Pour le moment, les projets technologiques du géant jaune nécessitent plus de personnel. Même les navettes autonomes 100% électriques qui circulent à Sion depuis juin dernier occupent plusieurs personnes. Les gentils chauffeurs comme les facteurs d’Henri Dès ont encore de beaux jours devant eux.

Bientôt produits en série

Installée à Londres et dotée d’une unité de recherche et développement à Talinn (Estonie), Starship Technologies indique que son robot est en test dans 42 villes européennes de 12 pays différents et bientôt aux Etats-Unis. «Nos machines ont déjà parcouru 10 000 km pour effectuer des livraisons de colis dans l’industrie alimentaire, l’épicerie et autres, explique Henry Harris-Burland, responsable du marketing. Non seulement La Poste, mais aussi Just Eat, Pronto, Hermes et le groupe Metro sont nos clients».

A ce jour, la société anglo-estonnienne a produit une cinquantaine de robots de livraison comme ceux qui seront testés en Suisse. Et, selon Henry Harris-Burland, la production en série devrait commencer sous peu. «L’an prochain nous devrions avoir des centaines voire des milliers de nos robots dans le monde, ajoute-t-il. Le but est d’effectuer des livraisons à la demande pour un coût d’un euro ou une livre sterling». PAS

Le Courrier, Mercredi 24 août 2016, Pierre-André Sieber + Thierry Jacolet

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