Stop ou encore ? Les négociations sur le Traité transatlantique de libre-échange (TTIP ou TAFTA) ont suscité un curieux pas de danse entre le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, et la porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.
Pour le premier, interviewé dimanche par la TV allemande, le TTIP serait « de facto » enterré, vaincu par le refus des Européens de se « soumettre aux exigences américaines ». La seconde, elle, a affiché lundi un bel optimisme quant à un bouclage de l’accord avant la fin de l’année.
Qui dit vrai ? Qui dit faux ? Probablement, les deux ! Car si une signature avant 2017 parait utopique, son enterrement l’est tout autant. Concrètement, les négociations – menées par la Commission mais devant être validées par les États et le parlement européen – achoppent sur un calendrier électoral très défavorable. Tant Hillary Clinton aux États-Unis que François Hollande en France ou Angela Merkel en Allemagne, tous favorables au traité, affronteront ces prochains mois les urnes dans un contexte de rejet populaire du TTIP. Pour les sociaux-démocrates de Sigmar Gabriel, l’échec du traité – dans sa forme actuelle – est même affaire de survie politique, après des années passées dans l’ombre d’une coalition dirigée par la CDU.
Mais une fois ces écueils démocratiques franchis, rien n’indique que les penchants libre-échangistes de la nomenklatura occidentale ne pourront pas à nouveau s’exprimer librement. On se souvient encore d’un Bill Clinton, porté à la Maison-Blanche sur la promesse de refuser l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’adouber une fois confortablement installé dans le bureau ovale.
Dans le rôle du catalyseur, Étasuniens et Européens trouveront alors un précieux précédent avec le CETA (en français AECG, Accord économique et commercial global), que les Vingt-Sept s’apprêtent à concrétiser cet automne avec le Canada.
Ce traité, moins médiatisé que le TTIP, n’est pourtant guère différent. À une grosse exception près, dont ses défenseurs savent jouer avec habileté : l’abandon des fameux tribunaux privés pouvant être saisis par les sociétés transnationales qui s’estiment lésées par les politiques sociales, environnementales ou commerciales d’un État partie.
Une victoire, malheureusement, en trompe-l’œil. Car à la place de ces arbitres privés, le CETA instaure un système d’arbitrage semi-public, dit ICS (Investment Court System), ne réglant ni la question de l’indépendance des « juges » ni l’asymétrie permettant aux seules entreprises de saisir l’instance.
Pis : en véritable cheval de Troie du libre-échangisme, le CETA se propose d’être l’instigateur d’un ICS global, où les sociétés privées du monde entier pourraient s’attaquer à l’ensemble des régulations démocratiques. Pendant ce temps, bien entendu, ces transnationales demeureraient, elles, bien à l’abri d’un droit international qu’elles continuent d’éluder au profit de codes déontologiques non contraignants… !
Le Courrier, Benito PEREZ
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