Une monnaie locale au service des Lémaniques

Arrivé à Lausanne il y a à peine 3 mois, le Léman connaît un franc succès. Cette nouvelle monnaie vise à favoriser le commerce local dans une perspective sociale, éthique et écologique. Principal enjeu: convaincre les commerçants de la région d’y avoir recours.

Renforcer le commerce local, favoriser les achats locaux, soutenir l’emploi, préserver l’environnement. Quel politicien ne rêverait-pas d’un tel programme? Cette ambition, c’est pourtant une association romande appelée Monnaie Léman qui la porte aujourd’hui, dans l’esprit d’une démarche participative incarnée par le célèbre film Demain . Et depuis quelques mois, la voici qui étend désormais ses activités à Lausanne.

Son mode d’action, à la fois simple et complexe, repose sur un outil privilégié: le Léman, une monnaie qui vise non pas à se substituer au franc, mais bel et bien à le compléter, en circulant sur le marché en parallèle. Sur le principe, le consommateur peut acheter des Lémans dans les deux bureaux de change qui existent depuis cet été à Lausanne. Il peut payer ensuite ses achats dans le réseau de commerces qui acceptent cette nouvelle monnaie, et qui eux-mêmes dépenseront ensuite les Lémans acquis pour s’approvisionner chez leurs fournisseurs, issus de la région. Alors bien sûr, il est possible de consommer local, sans avoir recours au Léman. Mais l’un des avantages de cette nouvelle monnaie est qu’elle étend la démarche vers les entreprises qui y trouvent un outil supplémentaire pour fidéliser leur clientèle et leurs fournisseurs, le tout en respectant des critères éthiques et environnementaux.

«L’idée, explique Jean Rossiaud, porte-parole de l’association, est de créer un cercle vertueux qui renforce l’économie locale et le tissu social de la région. Cela signifie moins d’entreprises qui ferment plus d’impôts locaux et moins de chômage. Et c’est la population elle-même qui génère cette dynamique en faveur des produits locaux».

60’000 francs

À l’heure actuelle, les Lémans circulent dans le bassin franco-valdo-genevois pour une contre-valeur de près de 60’000 francs. Une performance, si l’on considère que la monnaie a été lancée à Genève il y a moins d’une année, et à Lausanne il y a à peine deux mois. «Je m’attendais à un démarrage plus progressif, admet, aussi surpris que satisfait, Jean Rossiaud. Désormais, il nous faut gérer ce boom qui montre que le public était visiblement dans l’attente d’un tel outil.»

Signe de cet engouement, outre l’ampleur de la masse monétaire en circulation, le nombre d’adhérents à l’association, plus de mille à Genève, et déjà une soixantaine à Lausanne.

«Je pense que ce succès est dû à la grande ouverture de la génération Y, ces 18-25 ans, très sensibilisés aux questions sociales et environnementales se réjouit Gaëtan Buser, le responsable de l’antenne lausannoise de l’association. Il y a une dynamique claire qui se met également en place ici à Lausanne. Les commerçants en parlent entre eux, le bouche-à-oreille fonctionne et notre 2ème bureau de change vient d’ouvrir. Nous entamons également des contacts avec les associations de commerçants afin de les encourager à rejoindre le mouvement et accepter les Lémans».

Philippe Bovet, président de la Société coopérative des commerçants lausannois, confirme les contacts en cours. Mais il tient à tempérer: «L’idée est bonne, bien sûr, mais à l’ère de la mondialisation, elle ne peut pas s’appliquer à tous les commerçants. Il y a un intérêt pour des agriculteurs ou des restaurateurs, dont le champ d’activité est très local. En revanche, un commerçant qui a des fournisseurs éloignés, en Suisse alémanique ou à l’étranger, aura du mal à adopter cet outil».

Convaincre et grandir

Autant dire qu’il reste encore pas mal de chemin pour convaincre les commerçants de la région. «C’est clairement l’enjeu à venir et ce à quoi nous travaillons, par filière d’activité, explique Gaëtan Buser. Étre à l’écoute des commerçants, faire preuve de pédagogie pour leur expliquer que chacun est libre de gérer son propre stock de Lémans comme il l’entend. Et il peut décider lui-même du nombre de Lémans qu’il accepte en fonction de sa capacité future à les écouler. L’outil est flexible en fait, et l’association peut si nécessaire les reprendre, même si bien sûr ce n’est pas le but».

L’autre enjeu est de financer les activités - en pleine croissance -, de l’association , qui jusqu’à présent a fonctionné essentiellement sur la base du bénévolat de ses membres. «Nous avons été soutenus en 2015 par la Ville de Genève, et les communes de Carouge et d’Annemasse en France voisine, conclut Jean Rossiaud. En outre, nous venons d’envoyer de nombreuses demandes de soutien, dont une est également adressée au syndic de Lausanne, Grégoire Junod».

http://monnaie-leman.org

Eclairage / 31.08.16 / Charaf Abdessemed

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