La Ville de Lausanne condamnée à payer 55 millions

Les militants de Stop Tisa Vaud ont mis en scène un tribunal arbitral fictif pour dénoncer les effets possibles de l’accord TiSA et la possibilité donnée aux entreprises d’attaquer les collectivités publiques.
De gauche à droite: Lionel Simonin, de Solidarités (avocat de Kids Food Inc.), David Raedler, des Verts (juge/arbitre), et Andrea Eggli, d’Acidus (avocate de la Ville de Lausanne). JMR

«Je vous passe la parole, Maître…». Avocat de la défense, avocat de l’accusation et juge en robes. Comme dans un vrai tribunal, tout y est ou presque, sauf le décor, sur la bruissante place de la Palud, en plein jour de marché ce samedi à Lausanne. Entre stands alimentaires et politiques, un attroupement s’est formé. «Les principes de TiSA sont ­gravement violés par la Ville de Lausanne. Mon client, Kids Food Inc, est totalement lésé. Nous demandons 84 millions de dommages et intérêts!» clame l’accusation.

Interdit de ne pas privatiser

Basée à Minneapolis, aux États-Unis, Kids Food Inc. fait dans l’alimentation pour les cantines scolaires, avec des produits OGM et «seulement pour les enfants qui ont de quoi payer leur repas», apprend-on. Aujourd’hui, l’entreprise attaque la Ville de Lausanne devant un tribunal arbitral, car cette dernière fausserait la concurrence en assurant, dans les cantines, un accès à tous les enfants à une alimentation saine et respectueuse des minimas environnementaux. «La Ville n’a pas le droit de ne pas privatiser les cantines», argumente encore l’accusation. En définitive, c’est à 55 millions de dollars de dommages et intérêts que Lausanne sera condamnée, décision du tribunal «sans possibilité de recours ou presque», précise le juge.

Une petite mise en scène élaborée par les militants de Stop Tisa Vaud, coalition qui regroupe les partis de gauche ainsi que plusieurs syndicats et associations, pour dénoncer les effets possibles de l’accord TiSA. Discuté à ­Genève entre une cinquantaine de pays dans le plus grand secret, il devrait aboutir à la fin de ­l’année.

274 plaintes en 2013

«Un procès arbitral contre la commune de Lausanne tel qu’il vient de se dérouler n’est malheureusement pas irréaliste», explique un flyer distribué aux curieux et aux passants qui font leur marché. TiSA prévoit en effet une libéralisation totale du marché des services (avec des exceptions, selon la Confédération, ce que les opposants à l’accord contestent) et pourrait instaurer une procédure de règlement des différends qui permettrait aux entreprises s’estimant lésées par des réglementations étatiques d’attaquer les États.

«De tels tribunaux arbitraux privés existent déjà dans le cadre d’autres accords», explique Andrea Eggli, d’Acidus (Association citoyenne pour la défense des usagers du service public), organisation membre de Stop Tisa Vaud. Et de donner l’exemple du cigarettier Philip Morris, qui avait déposé plainte contre l’Uruguay après que ce pays a décidé d’introduire une interdiction de fumer dans les bâtiments publics et prescrit des avertissements de plus grande taille sur les paquets de cigarettes. «Heureusement, Philip Morris a perdu, mais il y a d’autres cas», commente la militante. Selon le Syndicat des services publics, également membre de la coalition, «en 2013, 274 procédures ont été rendues possibles par le truchement de tels mécanismes. (…) Pour plus de deux tiers des ­procédures, les multinationales plaignantes ont obtenu des ­versements.»

Pour la coalition, les choses sont claires: la Suisse doit rejeter l’accord commercial et se retirer totalement des négociations. Afin de sensibiliser la population et faire pression en ce sens, elle organise une table-ronde le 27 septembre à 18h30 à l’Espace Dickens, à Lausanne. Une manifestation nationale est également prévue le 8 octobre à Berne. I

Le Courrier, Lundi 26 septembre 2016 - Juliette Müller

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