C’était une bataille difficile, nous le savions. Gagner une initiative populaire n’est jamais une sinécure. Des treize initiatives sur l’AVS lancées depuis 1928, aucune n’a passé la rampe des urnes (1). Le résultat de la votation du 25 septembre est plus qu’honorable si l’on tient compte du fait que, depuis des mois, l’AVS est systématiquement dénigrée par la droite.
Rappelons aussi que, en comparaison, l’initiative pour un salaire minimum, votée en 2014, n’a été acceptée que par 23,7% des votant-e-s; celle pour les six semaines de vacances, en 2012, n’a récolté que 33,5% de suffrages positifs.
CINQ CANTONS DISENT OUI
Pour nous, qui avons porté une campagne de longue haleine en Suisse romande – rappelons les nombreuses actions organisées par les femmes, mais aussi la manifestation nationale contre le paquet Berset du 30 mai 2015, à Lausanne – le OUI à l’initiative de quatre cantons romands et du Tessin est une satisfaction.
D’après la presse, cela tiendrait à une vision différente de l’État social, auquel les Latins seraient davantage attachés que les Alémaniques. Pour notre part, nous pensons que la campagne menée de ce côté de la Sarine n’est pas étrangère au résultat. Face au rouleau compresseur de la droite, nous avons tenu une position ferme qui nous semble avoir contribué à la compréhension des enjeux par la part de l’électorat qui s’est exprimée en faveur d’AVSplus, sans céder aux sirènes de la peur. Pour notre syndicat, ce résultat confirme la nécessité de poursuivre un engagement combatif en faveur du renforcement de l’AVS, mais aussi contre toute réforme remettant en cause le niveau des rentes ainsi que l’âge de la retraite.
LE FRIC DE LA DROITE
Durant les huit dernières semaines de campagne, la droite n’a pas lésiné sur les moyens, notamment en multipliant les annonces payantes. Rien que dans les journaux, il y a eu 526 annonces sur AVSplus, les deux tiers publiés par le camp adverse! C’est beaucoup. Selon l’Année politique suisse la moyenne était, ces dernières années, de 386 annonces par objet soumis à votation (2). Massivement présente grâce à l’argent, la droite a pu également compter sur un allié contre nature, mais de poids: le conseiller fédéral socialiste Alain Berset, qui n’a pas ménagé sa peine pour combattre une initiative qui émanait pourtant de son propre camp politique. Certes, le PS a fait campagne en faveur de l’initiative. Mais on ne peut pas considérer que cette configuration ait été propice à la clarté du discours.
LA BATAILLE CONTINUE
Le débat sur le projet de réforme «Prévoyance vieillesse 2020» a commencé le lendemain du vote sur AVSplus. Il faudra laisser passer les grandes manœuvres partisanes pour y voir clair. Ainsi, l’UDC a voulu casser la réforme en trois pour faire passer d’abord l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, couplée à l’augmentation de la TVA de 0,3% attribuée à l’AI jusqu’en 2018. Les radicaux ont fait du manège autour des compensations, ajoutant de la confusion à un projet déjà complexe. À se demander si toute cette agitation n’est pas une stratégie pour brouiller les cartes. Au-delà des mises en scène, les mesures fondamentales présentées dans le paquet Berset restent les mêmes. La première est l’élévation de l’âge de la retraite des femmes. Sur ce point, même la radicale Isabelle Moret a dû l’admettre: «Les femmes supporteront tous les efforts de la réforme» (3). C’est clair. Et inacceptable. Alors que l’égalité n’est de loin pas acquise, alors que les femmes touchent une rente globale de 37% inférieure à celle des hommes, il n’y a aucune raison d’accepter, au nomde l’égalité, une régression sociale. Sans compter qu’accepter les 65 ans pour les femmes aujourd’hui, c’est faire un pas de plus vers les 67 ans pour tout le monde. La deuxième mesure, c’est la baisse du taux de conversion, de 6,8% à 6%, qui a pour conséquence une baisse de 12% du niveau des rentes. La discussion du parlement portera davantage sur lesdites compensations que sur la baisse de ce taux. Parmi ces compensations, le compromis du Conseil des Etats, soit le versement d’un supplément AVS de 70 francs limité aux nouvelles rentes, refait surface. Beaucoup le considèrent comme le susucre nécessaire pour faire avaler au peuple une réforme qui, derrière le vernis de la communication, a le goût amer du recul social. À nous de continuer à résister.
(1) Rappel historique dans Pages de gauche, septembre 2016
(2) www.swissinfo.ch
(3) Le Temps, 27 septembre 2016.
Services publics, 30.09.2016, MICHELA BOVOLENTA, SECRÉTAIRE CENTRALE SSP
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